Abderrechid Abdenbi, qui nous a quittés en silence durant ce Ramadhan, n’était autre que ce modeste et pudique poète du Sud-Ouest, qu’ il n’a cessé de revendiquer aussi bien dans ses écrits qu’à l’occasion de ses nombreux récitals. Comme tous les gens du Sud, il était resté l’enfant du désert aux pieds nus et considérait la poésie comme un autre moyen de liberté, une vision et une face cachée de la réalité.
L’écriture demeurait pour lui (comme il ne cessait d’ailleurs de le décrier), un moyen de rejoindre les autres, de les accompagner et de leur rendre hommage, dans une symbiose poétique, faite d’amour et de paix de l’âme. A travers ses recueils de poèmes (et même la majorité de ses écrits) , cet homme à la plume facile comptait à son actif plusieurs recueils de poésie :«Dans les profondeurs de l’oubli»-2015, «Lorsque l’obscurité fait obstacle à la lumière»-2014 et deux romans «Dans le besoin, la vérité refait surface»-2014, «Ces enfants aux pieds nus»-2016. Il se qualifiait très modestement «d’indigène» de la langue française, qu’il manipulait pourtant avec aisance et prestance, et les mots qui vont à la rencontre des autres mots (sa définition de la poésie), dégoulinaient de sa plume, dans une harmonie naturelle et spontanée, pour plaider le bien-être de l’Algérie et l’amour du prochain. Fervent partisan du «vivre ensemble en paix», ce romancier et poète de la vallée de la Saoura manipulait à travers ses vers et sa prose des mots dont la consonance, la résonance et la portée poétique étaient le plus souvent focalisées sur des thématiques universelles. L’amour, l’amitié et le respect d’autrui ont fait de lui cet homme de lettres qui avait indubitablement l’art singulier de les agencer avec une ardeur et une tendresse dont lui seul parvenait à rendre toute l’intonation qui leur était due. «Lorsque l’obscurité fait obstacle à la lumière» n’est autre que le témoignage poétique et expressif de cet enfant du désert, qui, tout en ayant traversé obstacles, interdits et tabous, a su se frayer un chemin dans le monde pour parvenir à son objectif, qu’il ne désigne pas directement, mais qu’il aura le don de chuchoter de manière très rimée. Lorsque l’on demandait à Abderrechid Abdenbi «pourquoi écrivez-vous ?», il vous répondait avec une aisance verbale : « Ne dites jamais à celui qui écrit, ne lui dites jamais pourquoi tu écris tant. Dites-lui juste écris pour que les autres puissent venir s’abreuver, pour qu’ils puissent y trouver cette source du savoir, ce regard de l’autre». Son amour pour le pays, il le traduisait par ces mots : «Mon pays l’Algérie : dites à ceux qui veulent construire leur célébrité sur le dos des peuples, qu’ils se trompent. Dites-leur de ne pas utiliser la fragilité des masses pour construire leur notoriété…Dites à ses enfants, à vous tous, à l’ensemble, que ce pays a besoin de vous, de nous, des autres et de tous ses enfants, petits et grands, sans distinction de couleur, de région, de langue ou de dialecte. Soyons les enfants de l’Algérie…». Dans tous ses propos, on ressentait sa souffrance marquée par les dures conditions d’une enfance rudement marquée par une situation sociale pénible qu’il ne cessait d’évoquer. Sa disparition est intervenue juste au moment où il venait de finaliser son dernier roman «A chaque rêve, son histoire», à travers lequel il signifiait que c’est en parcourant son histoire, qu’il revoyait l’enfant qu’il était, aux pieds-nus, pleurant et souffrant, et qui, plus tard, était parvenu à comprendre les autres.
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Posté Le : 01/06/2021
Posté par : aprincess
Source : https://www.elmoudjahid.com/fr/culture/bechar-hommage-au-romancier-et-poete-abdenbi-abderrechid-auteur-de-l-enfant-aux-pieds-nus-9725