Batna - ENVIRONNEMENT

Pollution d’Ighzer Amellel à Batna : Une vallée moribonde



L’oued Ighzer Amellel est, pour la vallée qui porte son nom, (si la comparaison est forte, le fond n’en est pas moins vrai) ce que le Nil est pour l’Egypte.

Cependant, si le second vit toujours et donne à vivre, Ighzer Amellel se meurt à cause de l’ingratitude des hommes ; il est plutôt assassiné, en guise de reconnaissance et de remerciements. L’association Ighzr Amellel tire la sonnette d’alarme —et ce n’est pas la première fois—, dans une ultime tentative de braquer au moins les regards sur ce cours d’eau, berceau et lit de l’histoire d’une grande région des Aurès. C’est le mont Chelia, à plus de 2000 m d’altitude, qui alimente l’oued après la fonte des neiges depuis la nuit des temps. Si d’une région à une autre, il change ou prend d’autres toponymies, par exemple à Timachtaouine, Inoughissene et Ichmoul, c’est le même « souf » comme l’appellent les riverains. Malgré l’immuable alliance caractérisant ces régions, on y commet le plus horrible des méfaits. Pas moins de huit stations lavage, si l’on parle d’Arris ville, déversent leurs produits et autres rejets liquides toxiques dans l’oued en toute quiétude. Au modeste siège de l’association, l’heure est grave et il y a péril, selon un membre du bureau, M. Barki, professeur à l’université, nous explique que depuis la création de l’association en 1990, dont l’objectif number one, n’est autre que la protection de l’oued, un SOS a été lancé aussi bien aux citoyens qu’aux autorités pour prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la pollution sous toutes ses formes, qui asphyxie, jour après jour, Ighzer Amellel, considéré par les textes de l’association et les anciens de la région comme une partie intégrante de l’identité Chaouia.
Les jeunes sont prêts au volontariat
Notre interlocuteur ajoute à la liste des agresseurs, hélas, d’autres éléments coupables du trépas de l’oued. Il n’existe aucune séparation entre les réseaux des eaux usées et ceux de l’eau potable ; les établissements à hauts risques possèdent normalement des fosses spéciales, ce qui n’est pas le cas. Le collecteur principal d’assainissement verse dans l’oued. Il y aune dizaine d’années, une équipe de l’Agence nationale des barrages avait été dépêchée sur les lieux ; après des prélèvements, les inquiétudes s’avèrent légitimes, mais cela sera sans lendemain. S’ajoutent d’autres facteurs qui aggravent la situation, comme l’érosion accélérée par les crues, telle celle qu’a connue la région le 3 mai 2006, et qui avait fait d’innombrables dégâts, dont les stigmates sont encore visibles. Les sinistrés n’ont pas été indemnisés. Des couvertures et des chaussures ont été envoyées par le ministère de la Solidarité ; les fellahs de la région avaient cru un moment que c’était une blague ;c’en était pas. Pourtant une petite station d’épuration des eaux, dont « on entend parler depuis des lustres », à Arris permet de réduire considérablement le taux de pollution actuel. Il n’en est rien. Les bassins de décantation, réalisés par certaines communes, sont obsolètes et sans résultat aucun. Les jeunes adhérents de l’association veulent toujours croire que la dépollution est possible, car il y va de l’intérêt public et de la mémoire collective ; ils se disent prêts à y contribuer, prêts au volontariat, pour peu que l’administration se penche sur le problème et dans les plus brefs délais. Il n’est pas question de parler d’Ighzer Amellel au passé, le refrain de la chanson de Amirouche illustre bien l’amour que porte la nouvelle génération à leur oued fétiche : « Il donne à boire, il donne à manger, il donne de l’espoir, c’est un lieu pour se reposer…aussi loin que remonte la mémoire, Ighzer Amellel traverse les Aurès, comme un blanc cavalier. »


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