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FESTIVAL DU FILM MÉDITERRANÉEN D'ANNABA Allouache, le retour du héros



Publié le 30.04.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

MAÂMAR FARAH

Présent au Festival du film méditerranéen d'Annaba, le grand réalisateur algérien Merzak Allouache a fait l'objet d'un hommage particulier de la part des organisateurs et du public. Considéré comme un créateur hors pair, il est connu pour être distingué par l'introduction des thématiques néoréalistes dans une cinématographie algérienne consensuelle et marquée par la guerre de libération et les orientations idéologiques de la révolution socialiste des années 70.

À ce titre, Omar Gatlatou (1976) est le premier film qui sort d'une certaine rigidité idéologique pour s'ouvrir au vécu social des jeunes pris entre le moralisme ambiant et leurs aspirations à vivre pleinement leur jeunesse et à casser les tabous. Le film décrit également les problèmes sociaux auxquels est confrontée une bonne partie de la population comme le mal-logement. Omar Gatlatou a remporté le Prix d'Argent au 10e Festival international du film de Moscou.

Les Aventures d'un héros : du pur cinéma d'auteur

Sa vision singulière du cinéma lui a aussi permis de réaliser un magnifique film Les Aventures d'un héros. Ce film d'auteur, difficile, est un long-métrage réalisé en 1978, qui raconte l'histoire d'un père de famille pauvre vivant dans le Sahara algérien, qui trompe sa tribu en mettant le signe du «héros attendu» sur son nouveau-né. Cela conduit la tribu à célébrer l'enfant élu et à le prendre en charge. L'arrivée d'un éminent professeur chargé de lui enseigner les valeurs de la vie marque le début des aventures de ce vrai faux héros (synopsis).

Le film Les Aventures d'un héros de Merzak Allouache, par son style introspectif et ses envolées surréalistes, ainsi que par sa thématique, rappelle un certain cinéma allemand. Le film est marqué par une narration proche des contes arabes enfouis dans le sable du désert mais c'est aussi une critique sociale embarquée dans des paraboles à la subtilité rappelant le cinéma allemand contemporain. La fin est troublante et en même temps fort symbolique avec la résurrection du héros décédé qui refait surface dans un meeting pour la révolution socialiste. Merzak reste, malgré tout, un progressiste qui ne renie pas ses origines idéologiques de l'époque où nous débattions ensemble de la «nature de l'étape» dans les bistrots populaires d'Alger, traînant notre «tribu» de Bab-el-Oued aux hauteurs de la rue Didouche.

Engagement social et politique

Les films les plus connus de Merzak Allouache sont Omar Gatlato (1976), Bab El-Oued City (1994), Le Repenti (2012), Normal ! (2011), et Harragas (2009). Les films de Merzak Allouache qui ont remporté des prix sont nombreux : Le Repenti qui a remporté le prix Label Europa Cinémas, Tata Bakhta qui a été nominé pour le Prix du Meilleur réalisateur, et Harragas qui a remporté le Silver Hugo — Mention spéciale au Chicago Film Festival. La tendance cinématographique de Merzak Allouache se caractérise par un engagement social et politique avéré. En cherchant à filmer les difficultés de la jeunesse algérienne, il montre l'étendue du drame économique et social de toute la jeunesse du sud de la Méditerranée. Et c'est à ce titre certainement que sa présence dans un festival méditerranéen méritait d'être mieux mise en valeur au cours de cette édition.

En attendant l'œuvre majeure

Mais on ne peut pas mettre toute la production de Allouache dans une seule case. Le cinéaste a varié les thèmes et les tendances, touchant à une diversité de genres, passant de comédies populaires à des drames sociaux, à l'instar de Harragas (2009) qui aborde la question épineuse de l'émigration clandestine qu'il traite sans concession. D'une manière générale, son œuvre est marquée par un intérêt particulier pour les questions d'identité et de société en Algérie, à l'instar du surprenant documentaire Enquête au paradis (2016). Ainsi, la filmographie d'Allouache se caractérise par un cinéma engagé et social qui a cassé bien des tabous et qui attend une œuvre majeure qui saura exprimer tout le génie de l'auteur, une œuvre qui sera la synthèse de toute une vie riche en productions dans tous les genres mais qui dira toujours son amour indéracinable pour l'Algérie éternelle.

Je termine avec ces phrases de Merzak en lui souhaitant le meilleur dans tous les domaines : «J’ai, comme on dit, ce pays chevillé au corps. Je me sens bien lorsque je tourne ici tout en étant très stressé la plupart du temps et malgré un environnement plutôt hostile. […] Malgré la perte de mon public originel (il y a déjà longtemps), j’essaie de me convaincre de poursuivre mon travail de réalisateur et garder l’espoir qu’un jour, mes films feront partie du patrimoine cinématographique algérien et seront vus par les cinéphiles des générations futures qui auront étudié le cinéma à l’école, au lycée, et qui auront créé des ciné-clubs dans toutes les villes du pays (…).»
Maâmar Farah



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