La femme sans sépulture dont parle Assia Djebar dans son roman du même titre paru en 2002 est Zoulikha Oudaï, née Yamina «Zoulikha» Echaïb, responsable de l’organisation politico-militaire du FLN dans la région de Cherchell, durant la guerre de Libération nationale.
Elle est née le 7 mai 1911 à Hadjout au sein d’une famille aisée. Son père, gros propriétaire terrien, conseiller municipal, président du comité de patronage d’Ecoles d’indigènes, encourageait les Algériens à s’instruire. Zoulikha grandit dans la ville de Cherchell où elle devient l’épouse de Larbi Oudaï. Elle aura avec lui cinq enfants qu’elle impliquera plus tard dans la Révolution, mais n’aura pas la chance de les voir grandir. Elle dira à son fils Habib, revenu blessé d'Indochine en 1955, qui, allant se marier, avait acheté une chambre à coucher : «Monte au maquis, tu te marieras à l'indépendance !» Cette dame élégante, maîtrisant parfaitement la langue française, s’engagea elle-même dans le combat, en ville puis au maquis. Elle sera capturée par l’armée française au cours d’un ratissage de grande ampleur. Les militaires ramènent de force les populations des alentours afin qu’ils voient leur héroïne, attachée à un blindé, humiliée. Mais Zoulikha Oudaï, la tête haute, harangue la foule, d’une voix ferme : «Mes frères, soyez témoins de la faiblesse de l’armée coloniale qui lance ses soldats armés jusqu’aux dents contre une femme. Ne vous rendez pas. Continuez votre combat jusqu’au jour où flottera notre drapeau national, sur tous les frontons de nos villes et villages. Montez au maquis ! Libérez le pays !» Elle sera torturée 10 jours durant, mais sans jamais donner les noms des hommes et des femmes qui militaient sous ses ordres. Le 25 octobre 1957, elle sera exécutée et rejoindra son époux, Si Larbi et son fils Habib, fidaï dans la région de Blida, tous deux exécutés sans jugement par l’armée française. Le corps de Zoulikha Oudaï ne sera retrouvé qu’en 1984 après le témoignage d’un paysan qui dit avoir trouvé le corps d’une femme sur une route et l’avait enterré à Marceau, en 1957. L’homme guide les autorités jusqu’à une tombe. La chahida avait toujours ses menottes aux mains ! Zoulikha Oudaï est enterrée aujourd’hui au cimetière des chouhada de Menaceur. Dans le roman, La femme sans sépulture d’Assia Djebar, il y a cinq narratrices : la visiteuse, Dame Lionne (Lla Lbia), Zohra Oudaï, Hania et Mina. Chacune d’elles narre son propre récit à la première personne, «je». Ayant côtoyé et assisté Zoulikha jusqu’à sa disparition, elles apportent leurs témoignages à travers leurs récits. C’est l’hommage d’Assia Djebar, à cette héroïne méconnue de la guerre de Libération nationale.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 19/08/2017
Posté par : nemours13
Photographié par : Le Soir d'Algrie
Source : Le Soir d'Algrie