Algérie - A la une

Zoubir Benhamouche . membre du collectif Nabni



Zoubir Benhamouche . membre du collectif Nabni
De l'avis de Zoubir Benhamouche, membre du collectif Nabni, l'Algérie est en train de rater une occasion de mener les réformes nécessaires au développement économique et social, en ayant les capacités de les financer. D'où la nécessité de la mise en route d'un plan d'urgence.Avec une industrie en stagnation, une dépendance vis-à-vis des hydrocarbures, l'importation massive des biens alimentaires, où en est, à votre avis, la souveraineté économique nationale 'La souveraineté économique est un concept un peu flou, et plus «politique» que «scientifique». Il faudrait la poser plutôt en termes de liberté de faire nous-mêmes des choix. Dans ce cas, une dépendance aux hydrocarbures et une vulnérabilité globale de notre économie risquent effectivement de donner lieu à une perte de souveraineté, dans le sens où comme dans les années 1990, les réformes nous seront dictées de l'extérieur. Nous sommes en train de rater une occasion de mener les réformes nécessaires à notre développement économique et social, en ayant les capacités de les financer, de lisser les coûts sociaux des réformes, mais également de limiter les inégalités qui sont inévitablement associées à un développement rapide. Nous avons aujourd'hui des marges de man?uvre (qui se réduisent rapidement dans le temps), une liberté d'agir que nous n'aurons plus dans quelques années. En cette période de chute des cours du pétrole, qu'y a t-il lieu de faire pour préserver les acquis arrachés en 1971 après la nationalisation des hydrocarbures 'Si nous parlons des subventions, de l'école gratuite, des soins gratuits (ou presque) etc., ils sont effectivement le fait d'une rente qui est volatile, incertaine et vraisemblablement en voie d'épuisement rapide. Il faut entendre par là que si l'on mène l'expérience mentale d'imaginer une Algérie où il n'y a plus une goutte d'hydrocarbure à exporter, alors ces fameux acquis s'évaporeront. Notre problème, aujourd'hui, est que nous avons basé notre niveau de vie sur un modèle non soutenable. Nous n'avons pas su transformer la rente en «capacités endogènes» de développement.Quelles sont ces capacités endogènes 'Il y a d'abord les plus évidentes : le capital physique et le capital humain. La moins évidente, mais tout aussi critique (surtout pour notre pays), c'est le capital social, c'est-à-dire la capacité à coopérer ensemble, ?uvrer collectivement dans tous les domaines. Que vaut une machine sans le savoir organisationnel nécessaire pour l'exploiter, la capacité des hommes et des femmes à coopérer ensemble pour l'utiliser au mieux ' Pour comprendre l'ampleur de la faiblesse de notre capital social, je mentionnerais la réponse la plus fréquente sur notre site Facebook à la question «De quelle Algérie rêvez-vous ' » : une Algérie propre ! Songez à ce que cela nous enseigne sur l'état de la société, sur l'état du vivre ensemble, et donc du capital social.Entre la préservation de la souveraineté et la recherche de la paix sociale, l'équation n'est-elle pas difficile à résoudre avec tous ces facteurs de vulnérabilité 'La préservation de la souveraineté, au sens compris plus haut, c'est faire exactement le contraire de ce qu'on a fait jusqu'ici. En fait, tout dépend de l'horizon temporel dans lequel on regarde l'Algérie et aux aléas auxquels nous faisons face, notamment ceux du prix du baril. Aurions-nous pu maintenir une paix sociale relative si le prix du baril n'avait pas connu un niveau aussi haut (plus de 100 dollars) aussi longtemps ' La réponse est évidemment non. Nous jouons aux dés en basant notre niveau de vie (et la paix sociale), sur une ressource volatile, et de plus en plus incertaine. Si vous prenez maintenant un horizon de temps plus long (de 1971 à nos jours par exemple), vous avez au contraire le tableau d'un pays qui a énormément de mal à maintenir une paix sociale durable.Pour ce qui est de l'équation souveraineté/paix sociale, non elle n'est pas difficile à résoudre, elle demande simplement de la volonté politique, ce qui nous fait malheureusement défaut. Sans volonté, nous aurons beau élaborer les meilleures solutions possibles, elles resteront dans les placards des institutions. Pour autant, NABNI continue à réfléchir à ce qu'il faudrait faire. Nous travaillons sur un plan d'urgence qui ne consiste pas à simplement réduire les dépenses publiques et les importations.En quoi consiste ce plan 'Ce plan d'urgence s'inscrit dans une transformation profonde de notre économie et de notre société, il sera la première étape de grands virages dans le domaine économique, énergétique, de l'urbanisme, de la santé, de l'éducation, des nouvelles technologies ainsi que de la gouvernance, qui s'étaleront sur 15 ans. L'objectif du plan d'urgence est de :- «sécuriser» notre trajectoire de développement dans un contexte de réduction de nos revenus en hydrocarbures et de hausse de notre population, de notre consommation et de nos besoins. Par sécuriser, nous entendons le fait de conserver la capacité financière de mener des réformes ambitieuses tout en limitant leur impact social ;- créer les conditions et un environnement qui permettent de mettre en place les premières fondations d'un nouveau modèle de développement, non ? ou moins ? dépendant de nos ressources naturelles.- lever les obstacles «évidents» à court terme à un meilleur fonctionnement de notre économie, et une libération des initiatives économiques. Par exemple, les licences et autorisations administratives inutiles, la pénalisation de l'acte de gestion, les règles de gestion des entreprises publiques, etc ; - créer un terrain favorable à des réformes profondes, et notamment bâtir le socle d'une réforme institutionnelle de plus grande ampleur aboutissant à un Etat de droits ;- identifier et initier les quelques réformes institutionnelles rapides qui peuvent enclencher un cercle vertueux pour le fonctionnement des institutions et leur rapport aux citoyens.Pour conclure, nous sommes très vulnérables, bien au-delà du simple plan économique. Notre organisation sociale n'est pas préparée à affronter n'importe quel choc, aucun changement exogène majeur (épuisement de notre rentre en hydrocarbures, changements climatiques, écologique, sanitaire, social, etc.).En réalité, la rente nous a isolés du progrès, nous donnant l'illusion d'être une exception, de ne rien avoir à craindre. C'est tout le contraire, car avec son épuisement nous allons mesurer toute l'ampleur de nos carences dans tous les domaines. Nous avons vécu comme si le monde autour de nous était figé. Or, le monde change vite, et il est de plus en plus concurrentiel et turbulent. Il est encore temps d'agir afin d'opérer urgemment les virages indispensables pour nous remettre sur une trajectoire de développement positi, équitable et durable.




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