La 5ème édition du
Forum Africain de la Finance Islamique se déroulera pour la seconde fois à
Tunis le 19 avril prochain et se posera la question de savoir si l'émergence en
Tunisie et au Maroc de partis politiques dits «islamiques», va booster la
finance islamique. Zoubir Ben Terdeyet, directeur Isla Invest (organisateur du
Forum), explique dans cet entretien que le modèle malaisien n'est pas
transposable au Maghreb car c'est le tissu économique qui donne à faire aux
banques, islamiques ou non.
-Vous organisez à
nouveau un séminaire sur la finance islamique en Afrique pour la deuxième fois
à Tunis. Est-ce que les changements survenus en Tunisie vont permettre à ce
mode de financement qui n'était pas vraiment agréé avant de se développer ?
Oui clairement. Le
gouvernement tunisien en a fait un de ses axes de développement. Mais nous
n'avons pas attendu l'arrivée de Ennahda car comme vous l'avez dit, nous avons
organisé un forum l'année dernière, 3 mois après la révolution. La démocratie
et la liberté sont notre motivation. Car la demande pour les produits
islamiques peut enfin s'exprimer librement sans peur d'être jeter en prison.
-En avril prochain
est prévu le lancement de la première promotion de master en finance islamique
à l'initiative de l'académie de banques et de la finance en Tunisie. Est-ce que
cela préfigure l'apparition d'autres banques de ce type autres que la Zitouna ?
Non, cela est
complément déconnecté. La France compte par exemple 4 ou 5 formations en
finance islamique mais aucune banque. L'Algérie n'a aucune formation mais 2
banques islamiques ! C'est la volonté de l'université de répondre à la demande
des étudiants qui ont une soif de savoir. Le nombre de banques en Tunisie est
trop élevé pour autoriser de nouvelles banques, islamique ou pas. Par contre,
il peut exister de vraies opportunités pour les étudiants auprès des banques
conventionnelles qui vont très bientôt lancer des «fenêtres islamiques»
-Quel apport ce
type de financement à une économie tunisienne qui a besoin de se relancer ?
En luttant contre
la thésaurisation car l'on va chercher l'épargne des personnes ne souhaitant
pas placer leur argent dans les banques. On pourra financer des entrepreneurs
que l'on qualifiera de pratiquant. Mais le vrai atout de la finance islamique
pour Tunis, serait de créer une vraie place financière dédiée à cette dernière.
La finance islamique ne pourra contribuer au développement de la Tunisie qu'à
la condition de rayonner à l'international. Le marché tunisien est pays
beaucoup trop petit pour permettre à la finance islamique de révolutionner le
secteur financier. A l'instar de Bahreïn, Tunis doit devenir un hub de la
finance islamique où les entrepreneurs du Maghreb ou d'Afrique de l'Ouest
viendraient émettre un sukuk ou coter leurs entreprises en boursse. Placer leur
argent dans des fonds de private equity ou des fonds actions. De cette manière,
des milliers d'emplois pourront être crées dans les métiers de front offices,
back offices, de conseils, d'audit, etc.. Mais cette ambition ne pourra être
réalisée que le jour où nous aurons la convertibilité des monnaies de la
région, une vraie ouverture des frontières, des échanges intra maghrébins
importants, etc. La finance islamique n'est qu'une opportunité parmi tant de
défis à réaliser.
- Les banques
islamiques en Algérie et au Maroc ne font pas l'objet d'une législation
spécifique? Est-ce que l'on s'oriente vers une législation pour la finance
islamique en Tunisie ?
Le Maroc travaille
sur le sujet également. En Tunisie, c'est déjà le cas car certains produits de
financement islamique sont reconnus par la loi. En ce moment, c'est la
fiscalité à l'étude.
-Dans le cas où
une telle législation sera mise en Å“uvre, quelle incidence cela pourrait-il
avoir en termes de concurrence avec les banques classiques ?
Aucune car les
banques classiques proposeront également des produits islamiques. La
concurrence se jouera sur le terrain du marketing et de la communication.
Banque Zitouna ne connut qu'un demi-succès après le depart de son fondateur en
raison de son manque de transparence et un manque de communication. Il faut
également que l'éthique soit mise beaucoup plus en avant avec des cas concrets.
-Peut-on
transposer l'expérience malaisienne et la mettre en Å“uvre dans les pays du
Maghreb ?
La Malaisie est un
pays magnifique que j'ai eu la chance de visiter récemment. Dès l'arrivée à
Kuala Lampur, en traversant l'aéroport, on se rend compte du stade
développement du pays. Le pays est un des dragons d'Asie qui a su passer du
stade de simple sous-traitant de l'Occident en producteur à part entière. On a
une véritable économie que les banques peuvent accompagner. Islamique ou pas,
le tissu économique donne matière à faire aux banques. Ce n'est pas encore le
cas au Maghreb.
-Selon vous, la
finance islamique doit-elle encore faire un effort «d'ijtihad» pour suivre la
complexité des échanges financiers
C'est ce que font
justement les savants en Malaisie ou à Dubaï en raison des demandes complexes
émanant des clients. Notamment pour les instruments de couvertures. Au Maghreb,
il nous faut y aller pas à pas.
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Posté Le : 03/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kahina El-Hadj
Source : www.lequotidien-oran.com