Algérie

Zoom sur un vieux quartier de Béjaïa. Voir Houma Bazine, c’est l’aimer



Houma Bazine. Le nom évoque a priori un mets typique qui autrefois revenait bien souvent sur la table des foyers aux bien maigres revenus. Mais d’aucuns parmi les anciens du quartier en collaient l’origine à une image plus mystique : des faucons, el bizane, avaient élu leurs quartiers sur des collines qu’on raconte boisées avant qu’ils ne soient congédiés par les premières maisons.

La palme de l’ancienneté dans la ville de Béjaïa revient en toute évidence à oued Achaâlal, Houma Keramane et Bab El Louz, Houma Bazine n’est pas moins « âgée ». La plupart des maisons sont vieilles de près d’un siècle mais édifiées avec de la pierre taillée comme matériau ; elles tiennent encore debout, défiant le temps et les nouvelles extensions en parpaing. Dans leur majorité, leur gabarit est limité à deux niveaux, le rez-de-chaussée et thighourfathine, avec des fenêtres, des ouvertures qu’on aurait mieux fait d’appeler lucarnes, donnant sur la rue. La porte franchie donne sur une courette, essahn comme on l’appelle ici. Quand un puits disparaît du décor, un citronnier ou un néflier trône à sa place. Quelques-unes avaient même leur four à charbon. L’architecture allie une dominante kabyle dans la distribution et une maçonnerie qui se révèle une mosaïque d’influences kabyles, turques et andalouses. Tuiles provençales et une pointe de verdure s’ébauchent vers l’extérieur donnant, vu de plus haut, des couleurs chatoyantes qui suggèrent une sensation de bien-être à l’idée de vivre dans ces maisons. Une grande artère lézarde le quartier de Lekhmis jusqu’à Taâssast : la rue Boualem Ouzeghdouh, un serpentin qui donne l’air de ne pas vouloir s’arrêter de monter. A quelque 4 km d’une rue aux trottoirs serrés, de maisons collées les unes aux autres et qui jettent des venelles, des ruelles étroites, des impasses ou des dédales d’escalier dans le cœur des territoires que les affinités ont délimité dans le faubourg. Des houmas dans la houma, dirons-nous. Balamoche, Droj n’Baba Ali, El Aïn Ioukssar, El Aïn Ioussaouène, El Djamaâ n’Si Hacène... Cette fragmentation houmiste par ilôts n’a pas moins jeté (dans le passé beaucoup plus) des rapports de proximité qui fait qu’on doit tout partager. Ce sont ces rapports qui ont inhibé tout relent de tribalisme. La proximité confère au voisin une relation de premier plan, distançant dans le choix même la famille parfois. Il n’y a pas si longtemps, de l’eau pompée des entrailles de Gouraya coulait à flots dans les trois fontaines du quartier. Pour l’anecdote, ammi Salah, un septuagénaire natif de Houma Bazine, nous rapporte une habitude extraordinaire : si le chef de famille est absent de la maison ou s’il n’y a pas un homme pour chercher de l’eau, les femmes déposaient leurs cruches et jarres près de la porte de la maison, et pour le premier passant, le message est vite décodé ; il se chargera de la tâche. C’est pareil pour aghroum el koucha, tout plateau de galette posé à côté d’une porte sera acheminé vers el koucha n’Meziani et récupéré après cuisson. L’esprit demeure, même si assurément estompé, dans les rapports qu’on entretient avec les épiciers. Ici pas de superettes. Là où il y a un magasin d’alimentation générale, un KMS ou un marchand de légumes, se forment des cercles où l’on tient des conciliabules. Un autre repère de cette proximité, El Djama Si Hacène, une mosquée construite dans les années 1960 avec le don d’un richissime notable de la ville. Aujourd’hui, le mérite est pour le comité qui veille au grain et garantit une propreté exemplaire des lieux. El Houma Bazine, dans la sérénité, participe aujourd’hui à la sauvegarde d’un patrimoine : celui de la ville de Béjaïa.

 




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