Algérie

Zone humide de Réghaïa : Un bidonville érigé dans une forêt protégée



Un bidonville tentaculaire a été érigé sur le flanc de colline qui se trouve en surplomb du lac de Réghaïa. Ce nouveau site de baraquement qui a vu le jour ces derniers mois, est une anomalie greffée à un site protégé par les conventions internationales, en l'occurrence la convention «Ramsar» pour zones humides.En empruntant la bifurcation qui mène au centre cynégétique à partir de la RN 24, le bidonville est niché sur l'aile droite de la route. Les baraques et les constructions anarchiques ne se déclinent guère au premier regard. La végétation dense et les arbres touffus ne laissent entrevoir que des fragments du site. Le reste du bidonville est loin des regards indiscrets et surtout des autorités.
Pour accéder aux dernières baraques, les occupants ont construit une piste qui désenclave le bidonville et le rend accessible même aux voitures. Sur le bas-côté de la route qui débouche sur le portail du centre cynégétique, des rigoles d'eaux usées traversent le bitume pour se déverser dans le lac.
En contrebas, une source d'eau limpide a été transformée en égout. «Cette source dont l'aménagement remonte à l'époque romaine, est devenue un réceptacle pour les eaux usées et les déchets plastiques. Nous avions l'habitude, dans un passé qui n'est pas très loin, de nous désaltérer dans cette source, qui donnait une eau limpide. Maintenant, avec tous ces dévasements, la source est devenue insalubre, même les animaux ne boivent plus de son eau», fait savoir un ancien habitant de la localité.
Outre les déversements anarchiques, les occupants du bidonville jettent leurs déchets ménagers derrière une haie qui sépare la route du lac. Au fil des mois, les ordures se sont amoncelées dans cet endroit à l'équilibre fragile, puisqu'il s'agit d'un lieu où nichent les oiseaux migrateurs. «Il y avait durant la saison d'accouplement des oiseaux, des nids dans les moindres recoins de la végétation. Les ordures qui sont jetées par les occupants du bidonville ont pris la place des nids.
Les oiseaux ne nichent plus dans cette partie du lac, pourtant la zone est protégée par la loi», déplore-t-il. L'insalubrité qui prévaut dans cet endroit, s'est généralisée à toute la route du centre cynégétique, et ce, à partir de la RN 24. L'axe routier est ponctué de déchets de toutes sortes. On y trouve des bouteilles en plastique, des débris de maçonnerie et même des cadavres d'animaux. «Les services d'Extranet ont installé des bacs à ordures. Sauf que, faute de ramassage régulier, ces bacs débordent.
Quant au reste de la route qui s'étend sur plusieurs centaines de mètres, il n'est jamais nettoyé. Les ordures rythment le parcours jusqu'aux abords du portail du centre cynégétique, donnant à l'endroit des allures de décharges et non d'une réserve naturelle», fait savoir notre interlocuteur.
Signalons que, dernièrement, des dispositions ont été prises par les autorités compétentes afin de prendre en charge la pollution qui affecte le lac de Réghaia, en endiguant à la source les déversements industriels. Cependant, si rien n'est fait, dans ce sens, au niveau de la forêt, les résultats de l'opération risquent de ne pas avoir les effets escomptés, car la forêt de Réghaia fait également partie de la zone humide dont il faut prendre soin.
Un écosystème fragile
La plus grande contrainte à la préservation du lac de Réghaïa et de sa forêt est le déversement des oueds El Biar et Réghaïa, pollués par les eaux usées domestiques et celles chargées de matières chimiques, qui ne sont pas raccordés à une station d'épuration. «Le lac de Réghaïa est le dernier vestige des marais de la Mitidja», disent les spécialistes, pour mieux souligner l'importance écologique du plan d'eau et la nécessité de le préserver en tant que «réserve naturelle».
D'après M. Bensallah, spécialiste en ornithologie au CCR, «la zone humide de Réghaia accueille trois espèces d'oiseaux d'eau mondialement menacées de disparition, à savoir la sarcelle marbrée, le fuligule nyroca et l'érismature à tête blanche qui niche à Réghaïa. 3.000 oiseaux d'eau fréquentent le lac qui accueille en moyenne 47 espèces locales et migratrices d'oiseaux chaque année, selon les statistiques du centre cynégétique.
Composé de cinq écosystèmes (marin, marécageux, de dunes, lacustre et forestier), le lac de Réghaïa s'étend sur une superficie de 1575 hectares dont 900 en mer, 600 de forêt et dunes en plus d'un plan d'eau douce de 75 ha».
Et le spécialiste de conclure en précisant : «Sa faune est constituée de 206 espèces d'oiseaux (flamant rose, canard souchet, col vert, bécassine et de 21 espèces de mammifères (chacal, genette, sanglier, renard famélique, etc...), de 12 espèces de poissons, de 170 groupes d'invertébrés et de 71 races de reptiles et d'amphibiens. Sa richesse floristique est composée de 233 espèces de plantes inventoriées et de 25 espèces de flore marine. Toute cette richesse doit être protégée, maintenant et non plus tard, car le temps nous est compté».
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