Algérie

Zone euro : La BCE repousse la hausse des taux, nouveaux prêts aux banques



La Banque centrale européenne (BCE) a procédé jeudi à un revirement dans la normalisation de sa politique monétaire, reportant la hausse de ses taux directeurs à l'année prochaine au plus tôt et annonçant le lancement de nouvelles opérations de refinancement à long terme ciblées en septembre, afin de contrer le ralentissement de la croissance au sein de la zone euro.
Dans un contexte de tensions commerciales et d'incertitudes liées au Brexit, la croissance au sein de la zone euro a sensiblement ralenti, alimentant les craintes d'une récession, et contraint la BCE à revoir plus amplement qu'attendu ses projets de normalisation. "Le Conseil des gouverneurs s'attend désormais à ce que les taux directeurs de la BCE restent à leurs niveaux actuels au moins jusqu'à la fin 2019, et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire", déclare l'institution dans un communiqué publié à l'issue de sa deuxième réunion de politique monétaire de l'année. Elle avait dit jusqu'à présent que ses taux directeurs demeureraient inchangés au moins jusqu'à la fin de l'été 2019.
Une fois encore, il revient au président de la BCE, Mario Draghi, de devoir rétablir la confiance au sein d'une économie de la zone euro toujours fragile, à peine plus de deux mois après avoir interrompu un programme d'assouplissement massif lancé il y a presque quatre ans et alors qu'il s'apprête à quitter ses fonctions cette année.
"Nous sommes dans une période de faiblesse persistante et d'incertitude généralisée", a-t-il déclaré lors de la traditionnelle conférence de presse qui suit l'annonce des décisions de politique monétaire.
Il a aussi dit que la BCE avait réduit ses prévisions de croissance et d'inflation.
Elle table désormais sur une croissance du PIB de la zone euro de 1,1% cette année contre une progression de 1,7% encore attendue en décembre. Elle a abaissé de 0,1 point la prévision pour 2020 à 1,6% et confirmé celle pour 2021 à 1,5%.
L'inflation quant à elle devrait rester sensiblement sous son objectif d'une hausse des prix proche mais inférieure à 2,0% à moyen terme sur les trois années.
L'inflation n'atteindrait que 1,2% en moyenne cette année, contre +1,6% encore espéré en décembre, puis 1,5% en 2020 (+1,7%) et 1,6% en 2021 (+1,8%).

Revirement
La BCE a annoncé le lancement d'une nouvelle opération de refinancement à long terme ciblée, en partie destinée à permettre aux banques de refinancer plus de 720 milliards d'euros de prêts qu'elle leur a consentis afin d'éviter une contraction du crédit qui risquerait d'accentuer le ralentissement actuel de l'activité. Les banques commerciales de la zone euro ont déjà commencé à restreindre le crédit en réponse à la baisse de la production industrielle et des exportations. "Une nouvelle série d'opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO III) sera lancée en septembre 2019 pour s'achever en mars 2021, chacune avec une maturité de deux ans", a précisé la BCE dans son communiqué. "Dans les cadre des TLTRO III, les contreparties pourront emprunter jusqu'à 30% de l'encours des prêts éligibles à la date du 28 février 2019 à un taux indexé sur le taux de refinancement pour la durée de chaque opération.", ajoute-t-elle. "Comme pour le programme de TLTRO en cours, les TLTRO III comprendront des incitations intégrées pour que les conditions de crédit demeurent favorables", souligne le communiqué. Ces annonces interviennent près de quatre ans après le lancement par la BCE d'un programme massif d'achats d'actifs d'un montant total de 2.600 milliards d'euros destiné à éviter l'enclenchement d'une spirale déflationniste au sein de la zone euro durement affectéé par la crise financière de 2008-2009 puis la crise des dettes souveraines de 2011-2012. La décision de la BCE de repousser le premier relèvement a été perçue comme un revirement de politique alors qu'elle vient à peine de mettre un terme à son programme d'achats nets d'actifs en décembre. Loin d'être rassurés, les marchés boursiers européens ont fini en baisse jeudi, avec notamment un recul des banques, et le nouveau report de la première hausse de taux post-crise a fait chuter l'euro sous 1,12 dollar, à son plus bas niveau depuis la mi-2017.
"Un signe de panique ou une tentative pour prendre une longueur d'avance '" s'interroge Carsten Brzeski, économiste chez ING, au sujet de la banque centrale.
"Mais c'est en même temps un peu un pari car la prochaine étape pour combattre un ralentissement sévère de l'économie exigera désormais des mesures sans précédent", écrit-il dans une note aux clients de la banque.

La BCE choque les marchés
"BCE déprimante, marchés déprimés" résume la société de gestion Pictet AM. Les marchés financiers ont été pris de court par les annonces de la Banque centrale européenne (BCE) ce jeudi 7 mars et la tonalité du discours, plus pessimiste : l'institution de Francfort a indiqué qu'elle repoussait de six mois la perspective d'une éventuelle remontée des taux d'intérêt, qu'elle avait prévu de maintenir à un niveau historiquement bas depuis 2016 "au moins jusqu'à l'été 2019".
"Le Conseil des gouverneurs prévoit désormais que les taux d'intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels au moins jusqu'à la fin de 2019 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de l'inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme" indique la BCE dans son communiqué.
En réalité, les investisseurs ne s'attendaient pas à un relèvement des taux cette année. Mais le fait que la BCE l'annonce officiellement a été perçu comme un mauvais signal.
"La BCE est clairement devenue plus "dovish" [accommodante]. L'ajustement de la prévision est surprenant" a réagi Johannes Muller, le responsable de la recherche macro-économique chez DWS.
Et ce d'autant plus que la banque centrale a abaissé ses prévisions d'inflation (seulement 1,6% en 2021) et de croissance économique pour la zone euro à 1,1% pour 2019, contre 1,7% prévu en décembre et prend cette décision pour venir au chevet de la croissance de la zone.
"[Les] projections [des services de la BCE] prévoient une augmentation annuelle du PIB réel de 1,1% en 2019, de 1,6% en 2020 et de 1,5% en 2021. Par rapport aux projections macroéconomiques des services de l'Eurosystème de décembre 2018, les perspectives de croissance du PIB réel ont été sensiblement revues à la baisse en 2019 et légèrement en 2020" a déclaré Mario Draghi, le président de la BCE, lors d'une conférence de presse ce jeudi.
"Les risques liés aux perspectives de croissance de la zone euro sont toujours orientés à la baisse, en raison de la persistance d'incertitudes liées aux facteurs géopolitiques, à la menace de protectionnisme et aux vulnérabilités des marchés émergents" a-t-il ajouté.
La BCE, qui a mis un terme à son programme d'achats de dettes (souveraines et d'entreprises) sur les marchés, a indiqué qu'elle entend "poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme d'achats d'actifs" et ce "pendant une période prolongée après la date à laquelle [elle] commencera à relever les taux d'intérêt directeurs".

L'euro et les banques décrochent
L'euro a décroché, tombant à son plus bas niveau depuis novembre face au billet vert à 1,1231 dollar. Les valeurs bancaires ont aussi tangué, le maintien des taux bas étant mauvais pour leur marge d'intérêt et leurs dépôts : l'action Société Générale a enregistré la plus forte baisse (-4,3%), suivie de Natixis (-3,95%) et BNP Paribas (3,38%) et Crédit Agricole (-3,16%). À Francfort, Deutsche Bank a cédé plus de 4% comme Commerzbank.
La BCE va renforcer son soutien à l'économie de deux autres manières. Elle va lancer une troisième vague de prêts de grande ampleur aux conditions très favorables pour les banques, les TLTRO (Targeted longer-term refinancing operations), des opérations trimestrielles d'une échéance de deux ans qui seront menées entre septembre 2019 et mars 2021.
"Ces nouvelles opérations contribueront à préserver des conditions de prêts bancaires favorables et une transmission harmonieuse de la politique monétaire" justifie la BCE. "Les mesures politiques décidées aujourd'hui, et en particulier la nouvelle série de TLTRO, contribueront à garantir que les conditions de prêt des banques restent favorables".
"Le fait que les TLTRO soient encore nécessaires 10 ans après le pic de la crise financière montre que le système financier est encore loin d'être " normal "" a toutefois relevé Johannes Muller, de DWS.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)