L'Algérie va connaître dans les prochaines années sa seconde expérience d'intégration régionale. La première est prévue avec l'Union européenne, avec l'entrée en vigueur de la zone de libre-échange dans une année (septembre 2020).L'étude, rendue publique pendant la rencontre de Niamey du 6 juillet dernier, a balisé la démarche à suivre et les étapes à respecter pour espérer une entrée en vigueur effective de la ZLECAf dans des délais réalistes. A ce jour, vint-deux des cinquante-quatre pays africains ont ratifié cet accord.
De par son envergure, il est considéré comme étant l'accord le plus important, après celui conclu portant création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en janvier 1995. L'Algérie figure parmi les vint-deux premiers signataires. Prendre conscience rapidement des gains et des pertes possibles générés par cet accord sur l'économie algérienne est un souci tant partagé par le politique que par l'académicien. C'est une priorité nationale. Un aspect de ce souci sera discuté dans ce papier.
Il s'agit de voir dans quelle mesure l'Algérie pourrait augmenter ses exportations vers l'Afrique en tenant compte de la situation actuelle de son commerce extérieur avec ses partenaires africains. Je livre dans cette contribution aux lecteurs d'El Watan quelques éléments de ce potentiel.
Dans un premier temps, je vais faire le point sur le volume et la nature du commerce extérieur de l'Algérie avec ses partenaires africains. Ceci permettra de confirmer ou non certaines tendances statistiques révélées dans l'étude réalisée par la Cnuced (2019) récemment. Il a été démontré dans cette étude que le commerce intra-africain (pays africains entre eux) est plus diversifié que le commerce extra-africain (réalisé par les pays africains avec leurs partenaires étrangers non africains).
Ce fait stylisé permet aux pays africains d'être moins sensibles à la variation des prix. Il est intéressant de voir si le commerce extérieur de l'Algérie avec ses partenaires africains est de ce type. Ceci lui permettra de compenser, un tant soit peu, les fluctuations de ses exportations en hydrocarbures réalisées avec des partenaires africains. Tout d'abord, regardons ce que nous enseignent les statistiques du commerce extérieur sur la période récente (2001-2017).
Sur les vingt dernières années, l'Algérie importait en moyenne pour l'équivalent d'un milliard de dollars et exportait pour l'équivalent de 1,7 milliards de dollars, ce qui nous donne un excédent commercial moyen de l'ordre de 700 millions de dollars par an. Les importations étaient plus régulières que les exportations. Du fait de leur montant, les exportations «dictent» l'allure de l'évolution de la balance commerciale.
Il faut remarquer que l'Afrique représente seulement 3% des importations de l'Algérie et 4% de ses exportations. Il est à noter que ces échanges commerciaux sont très concentrés autour de quelques pays. En effet, sur les 53 pays que compte le continent africain, cinq pays fournissent 94% des besoins de l'Algérie et dans une proportion similaire (94%), cinq pays sont clients de l'Algérie. Un fait notable à relever : l'Algérie n'a jamais importé de sept pays et n'a jamais exporté vers quinze autres (voir figures 1 et 2)
Les échanges commerciaux de l'Algérie avec ses partenaires africains sont concentrés autour de trois pays qui sont les mêmes que ce soit pour les exportations ou les importations, à savoir l'Egypte, la Tunisie et le Maroc.
Pour les exportations, ces trois pays représentent 90% des exportations algériennes vers l'Afrique et pour les importations, ces trois pays représentent 84% des importations algériennes des pays africains. La structure des exportations de l'Algérie envers ses partenaires africains n'échappe pas à celle connue pour le reste du monde.
Les hydrocarbures représentent au moins 94% pour des pays comme la Tunisie et le Maroc et la quasi-totalité pour l'Egypte (99%). Les importations sont plus diversifiées que les exportations. Si l'on prend l'Egypte, le premier fournisseur de l'Algérie, les importations de l'Algérie de ce pays tournent essentiellement autour de trois produits qui représentent 40% des importations.
Ce sont essentiellement des «préparations alimentaires pour les boissons (15%)», du «cuivre et des ouvrages en cuivre (14%)» et enfin les «matières plastiques et ouvrages en cette matière (10%)». Les importations du second fournisseur de l'Algérie (Tunisie) sont moins concentrées que celles avec l'Egypte. Il est à noter que cinq produits représentent à eux seuls 50% de la valeur des importations.
On retrouve au premier rang les «ouvrages en fonte, fer et acier» (12%) suivis des «matières en plastique» et «produits chimiques inorganiques» dans les mêmes proportions (10%). Pour le Maroc, troisième fournisseur, la répartition est identique à la Tunisie en termes de produits mais avec des proportions plus importantes. On retrouve en premier les «vêtements et accessoires de vêtements» (19%), les «tabacs» et la «fonte, fer et acier» dans la même proportion (15%).
Ces premiers constats démontrent que l'Algérie n'a jamais cherché à diversifier ses fournisseurs et ses clients au-delà de son voisinage géographique immédiat à l'exception de l'Afrique du Sud dans une moindre mesure. La situation est un peu différente avec ses voisins immédiats (Tunisie et Maroc). Pour les importations, la situation est exactement la même que pour l'Algérie.
On retrouve l'Algérie, l'Egypte et la Tunisie (ou le Maroc). Pour les exportations, la situation est très différente pour le Maroc qui compte comme premiers clients le Sénégal, la Côte d'Ivoire et la Mauritanie. Par contre, les exportations de la Tunisie restent cantonnées dans son voisin immédiat (Algérie, Libye et Maroc).
Sur la base de ce qui précède, la recherche économique permet d'estimer le potentiel à l'exportation d'un pays sur la base de ses coûts locaux de production et des coûts du fret et de l'assurance à l'international ainsi que ceux de ses concurrents. Aussi, il est tenu compte de l'avantage comparatif de ce pays sur tous les produits qui sont échangés dans le monde.
Sur la base de cette méthodologie, l'Algérie a un potentiel à l'export vers l'Afrique de l'ordre de 118 millions de dollars non encore exploité. Ce potentiel concerne essentiellement une quinzaine de pays . Les produits sur lesquels l'Algérie a un potentiel non exploité sont essentiellement le sucre de canne ou de betterave, l'énergie électrique et l'urée et les dattes.
L'information précédente donnée sur le potentiel à l'export de l'Algérie est basée sur l'avantage comparatif actuel de l'Algérie sur ces produits. Il n'est pas exclu de dépasser cette situation en mettant en place des politiques pour se «construire» soi-même d'autres avantages.
Pour l'Afrique et le cas de la ZLECAf, le défi est d'accéder à des marchés dont le seul moyen de transport possible est la voie terrestre. La transsaharienne, dont l'Algérie était le précurseur dans les années soixante et le principal bailleur de fonds de ce projet structurant, est le cheval de Troie par excellence.
Toujours sur le plan du transport terrestre, il est à noter l'initiative prise par le gouvernement algérien de construire un poste frontalier avec la Mauritanie. Il a été inauguré en août 2018. L'ouverture de ce poste frontalier terrestre a été précédée par l'organisation de la première foire des produits algériens en Mauritanie qui s'est tenue du 30 avril au 08 mai 2018 à Nouakchott (Mauritanie).
Les produits algériens ont reçu un intérêt particulier de la part des opérateurs et consommateurs mauritaniens. Selon les opérateurs ayant tenté les premières expériences d'exportation par cette voie terrestre, il a été relevé néanmoins l'absence de points de ravitaillement en eau, essence et espace de repos et l'état de cette route (piste) de plus de 1600 km. La durée du trajet terrestre est de 20 jours.
Par bateau, elle est de 15 jours. Il demeure que l'ouverture de ce poste a permis de réduire la durée du passage de 7 à 5 jours malgré l'état de la route (piste). Un autre écueil relevé par les opérateurs est la valeur des taux des droits de douanes prélevés sur les produits exposés qui sont de 30 à 60%. Cet obstacle disparaîtra de lui-même dès l'entrée en vigueur de la ZLECAf.
Ainsi, la Mauritanie pourra être un point d'entrée de choix pour l'Algérie en direction de l'Afrique de l'Ouest. Dans le but d'améliorer la productivité de ce point de passage, des bases logistiques sont en construction à Tindouf. Ces bases permettront aux opérateurs de stocker leurs marchandises avant de les acheminer en Mauritanie et dans les pays de l'Afrique de l'Ouest.
D'autres bases similaires sont en construction à Tamanrasset. En dehors de ce moyen de transport, il reste le fret aérien et le fret maritime. Pour le fret maritime, cette option est possible pour les pays ayant une frontière avec l'Océan atlantique ou l'Océan indien (passage par la Mer Rouge).
Ces pays sont au nombre de 32 dont 22 sont situés sur la côte de l'Océan atlantique et 10 sur la côte de l'Océan indien. Le fret aérien est assuré actuellement seulement par Air Algérie après la cessation d'activité de Aigle Azur. Air Algérie avait créé en 2016 une filiale dédiée au fret aérien (Cargo Air Algérie).
Les capacités de marchandises de cette filiale se répartissent entre les capacités des soutes résiduelles des transports des vols de passagers qui varient de 3 tonnes pour les avions passagers moyens porteurs et jusqu'à 15 tonnes sur les vols passagers gros porteurs.
A côté de cette capacité résiduelle, Cargo Air Algérie dispose d'une flotte cargo composée de deux ATR convertibles cargo/passagers avec une capacité d'emport de 5,2 tonnes, deux Boeing B737-700 convertibles cargo/passagers avec une capacité d'emport de 16 tonnes et deux autres avions tout cargo, à savoir un Hercule LC382 dédié aux grands gabarits et un Boeing 737-800 converti en tout cargo avec une capacité de 22 tonnes.
Il est clair qu'Air Algérie doit monter en gamme dans ce créneau et que le Gouvernement encourage le développement du privé dans ce créneau pour faire face à la concurrence à venir dès l'entrée en vigueur de la ZLECAf.De ce qui précède, il apparaît que le potentiel à l'export immédiat de l'Algérie tourne toujours autour des dérivés du pétrole (ammoniac et l'urée). La question de l'énergie électrique est une piste importante à creuser. Mais comme c'est un service, généralement les accords commerciaux débutent sur les produits.
Les accords sur les services mettent du temps à se mettre en place. Il reste la filière des fruits et légumes qui peut être valorisé à bon escient.
La participation de l'Algérie à titre d'invité à la fFoire internationale sur l'alimentation et les boissons qui s'est tenue à Moscou la semaine passée (24-29 septembre) est une excellente opportunité à valoriser sur le continent africain. Pour ce faire, la logistique et la qualité du fret (maritime, terrestre et aérien) doivent suivre assez rapidement.
L'idéal est de mettre en service le port de Hmadena avant l'aboutissement des négociations sur le démantèlement tarifaire avec les partenaires africains. L'entrée en vigueur de la zone de libre-échange avec l'Union européenne prévue dans une année (septembre 2020) servira de test en termes de réactivité du gouvernement et des agents économiques à tirer profit de la première expérience d'intégration régionale.
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Posté Le : 30/09/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mohamed Yazid Boumghar
Source : www.elwatan.com