Algérie

Zighoud Youssef, Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi Architectes de l’histoire



Zighoud Youssef, Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi Architectes de l’histoire
Publié le20.08.2022 dans le quotidien l’Expression

Par Mohamed TOUATI

Leurs noms sont étroitement liés à ces deux événements qui vont imprimer à la révolution un tournant décisif pour la conduire à son objectif suprême : l’indépendance.

L'Algérie célèbre, aujourd'hui, ce double anniversaire et rend hommage aux architectes du 20 août 1955 et du 20 août 1956, figures emblématiques de la révolution: Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi, Zighoud Youssef. Leurs noms sont étroitement liés à ces dates. Deux événements qui vont imprimer à la révolution un tournant décisif pour la conduire à son objectif suprême: l'indépendance.

Le congrès, dont la plate-forme de la Soummam, qui ont jeté les jalons du futur État algérien, se tiendra en Août 1956 à Ifri Ouzellaguen. Larbi Ben M´hidi présidait la réunion. Abane Ramdane, «architecte» de la plate-forme de la Soummam qui a dessiné les contours du futur État algérien, fait fonction de secrétaire. Deux clauses sont incontournables. L´indépendance totale du territoire algérien, d´une part, et doter le futur État algérien d´institutions fortes, démocratiques et souveraines dans tous les domaines, d´autre part. Démontrer tout simplement ses capacités à gouverner. Un autre événement, et non des moindres, allait donner, un an plus tôt, un nouveau souffle à la lutte armée: l'insurrection du Nord-Constantinois. 20 Août 1955, la Révolution n'a pas encore un an.

Zighoud l'Intrépide

Zighoud Youcef allume le feu et annonce la couleur. L'enfant de Smendou allait s'imposer comme un fin stratège de la lutte armée et un baroudeur hors pair, sans peur et sans reproche.

«L'insurrection du 20 Août (1955, Ndlr) avait aussi pour but de la soulager de la pression qui s'exerçait sur elle...», témoigne Mohamed Harbi dans son ouvrage: «L'Algérie et son destin». L'opération qui sera planifiée durant plusieurs mois restera comme un des hauts faits d'armes de la révolution algérienne. Elle portera l'empreinte d'un de ses plus prestigieux héros, d'une de ses figures les plus attachantes. Des installations militaires et civiles sont ciblées.

À Collo, Skikda, Constantine Guelma... les postes de gendarmerie et de police sont assaillis. Il s'agissait de desserrer l'étau sur l'un des berceaux de la guerre de libération, révéler d'abord à l'ennemi puis au monde que l'insurrection du 1er Novembre 1954 n'était pas qu'un feu de paille. La stratégie de l'armée française avait pour objectif d'isoler les maquis des populations, empêcher l'approvisionnement en armes et quadriller le pays. C'est ce verrou que fera sauter le frère d'armes de Didouche Mourad pour donner une bouffée d'oxygène à la wilaya des Aurès, un haut lieu de la résistance. Zighoud Youcef, chef de la wilaya II historique est né le 18 février 1921 à Candé-Smendou, une commune de l'est du pays qui porte aujourd'hui son nom. a adhéré dès l'âge de 17 ans au Parti du Peuple algérien (PPA) dont il fut, en1938, le premier responsable à Smendou. Élu du Mouvement pour le Triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en 1947, il fait partie de l'organisation spéciale (OS) qui doit préparer les conditions nécessaires à la lutte armée.

Repéré il sera arrêté en 1950 et incarcéré à la prison de Annaba d'où il s'évade en 1954 et rentre dans la clandestinité pour s'engager dans l'action militante du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA). A l'issue de la réunion du groupe historique des 22, tenue le 24 juin 1954 au domicile de Elias Derriche à El Madania à Alger, Zighoud Youcef a été désigné comme adjoint de Didouche Mourad.Le 18 janvier 1955, à la bataille d'Oued Boukerker à l'issue de laquelle Didouche Mourad trouve la mort, Youcef Zighoud le remplace à la tête de la Wilaya II. Il participera au congrès de la Soummam qui s'est tenu le 20 août 1956, ‘à Ifri-Ouzellaguen dans la Wilaya III historique. Zighoud tombera les armes à la main le 25 septembre 1956 dans un accrochage avec l'ennemi.

Abane le Téméraire

«Arrêté, alors qu'il était le responsable de l'OS dans la région de Sétif, il n'avait pas fait le moindre aveu, malgré toutes les formes de torture utilisées pour le faire parler», avait dit de lui une autre figure emblématique de la révolution: Hocine Aït Ahmed. Né le 10 juin 1920 à Azouza, dans la commune de Larbaâ Nath Irathen, wilaya de Tizi Ouzou, Abane Ramdane obtiendra son certificat d'études primaires en 1933 puis son bac, Mathématiques mention «bien», en 1943. Il entre en clandestinité, après les massacres du 8 Mai 1945. Il rejoindra les rangs du PPA/ MTLD et également l'OS, bras armé du parti, chargé de préparer la révolution. Recherché puis arrêté, il sera torturé, puis transféré de prison en prison. Il sera tenu au courant des préparatifs du 1er Novembre 1954 et désigné d'office comme l'un des 12 membres d'un comité chargé de prendre en main les destinées de la révolution. À sa sortie de prison il se consacrera à organiser et à rationaliser la lutte, et à rassembler toutes les forces politiques au sein du FLN, pour donner à la «révolution» du 1er Novembre la dimension d'un grand mouvement de résistance nationale. Il impulse la création d'El Moudjahid, le journal clandestin de la révolution. Il appuiera la naissance des organisations syndicales ouvrière Ugta, commerçante (Ugca) et estudiantine (Ugema), qui deviendront, elles aussi, un terreau de la rébellion... Il sera assassiné, par les siens, le 27 décembre 1957 à Tétouan, au Maroc. Une fin tragique qui a stoppé net un rêve inachevé. Concrétiser son projet ne reviendrait qu'à lui rendre justice. Honorer la mémoire de l'étoile assassinée de la révolution.

Ben M'hidi le Seigneur

Ce sont des femmes et des hommes à la personnalité attachante, au courage exemplaire, hors du commun qui ont permis à l'Algérie d'accéder à son indépendance. Ils ont affronté l´ennemi et la mort le sourire aux lèvres. Ils ont impressionné leurs bourreaux, par leur bravoure. Il est quasiment impossible d´aborder la révolution algérienne sans évoquer ce trait de caractère qui distinguait Larbi Ben M'hidi.

Né en 1923 à Aïn M'lila, cadet d'une famille de trois filles et deux garçons il obtient son Certificat d'études primaires à Batna avant d'entamer des études secondaires à Biskra. En 1939, il s'engage dans les rangs des Scouts musulmans algériens.Ben M'hidi travaille ensuite comme comptable au service du Génie civil de Biskra pendant quelques mois, puis s'installe à Constantine et devient un militant très actif du PPA, Parti du peuple algérien.

Il est arrêté après les massacres du 8 mai 1945. Il adhère par la suite au MTLD et devient cadre de l'OS, l'organisation spéciale. Lors de son démantèlement en1950, il est de nouveau recherché et condamné par défaut à dix ans de prison pour «menées subversives et activité illégale». En avril 1954, il fait partie des neuf membres fondateurs du CRUA qui le transforment le 10 octobre 1954 en FLN et décident de la date du 1er novembre 1954 comme date du déclenchement de la lutte armée pour l'indépendance. Lors de la réunion des «22», tenue le 24 juin 1954 au domicile de Elias Derriche à El Madania à Alger, on lui confie le commandement de la Wilaya V (Oranie) qu'il cédera à son lieutenant Abdelhafid Boussouf pour prendre la tête de la Zone autonome d'Alger créée à l'issue du congrès de la Soummam.

Il sera arrêté le 23 février 1957 par les parachutistes. Il sera assassiné dans la nuit du 3 au 4 mars 1957 dans une ferme désaffectée de la Mitidja. «J'aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté, j'aurais aimé avoir beaucoup d'hommes de cette valeur, de cette dimension, de notre côté. Parce que c'était un seigneur Ben M'hidi. Ben M'hidi était impressionnant de calme, de sérénité, et de conviction», témoignera le colonel Jacques Allaire qui l'a arrêté. Les yeux bandés de force, ses bourreaux ont refusé d'affronter son regard et ont accompli leur sale besogne.

La Mitidja, triste linceul de son âme suppliciée, a accueilli et enveloppé son silence, le silence d'un des meilleurs fils de la terre d'Algérie.

20-08-2022


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