Zinedine Zidane a été accueilli par son cousin dans le village natal de son père, en Petite Kabylie.
La visite de cinq jours en Algérie de Zinedine Zidane s’est terminée sur une note polémique. Des commentateurs ont dénoncé un récupération politique de ce déplacement par le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Des opposants kabyles ont reproché au sportif de ne pas prendre parti pour leur cause. Oubliant que Zidane était venu pour des raisons humanitaires et pour retrouver ses racines.
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La visite de Zinedine Zidane en Algérie, qui s’est terminée vendredi, a pris un tour polémique. Pour le footballeur français d’origine algérienne, ce déplacement de cinq jours, organisé depuis juillet dernier par la Fondation de France, était humanitaire. Au programme : visite du centre de protection infantile à l'hôpital Mustafa d'Alger, de l'hôpital de Thénia, de la pouponnière de Boumerdès et d’établissements hospitaliers à Béjaïa, en Kabylie… Côté sport, Zidane a inauguré le Centre national de l’équipe nationale de football de Sidi Moussa, dans la wilaya (préfecture) de Blida, et donné, jeudi, le coup d’envoi d’une rencontre de D1 de football au Stade olympique du 5-Juillet à Alger.
«Je suis là pour le bonheur que j’ai apporté à tous ces gens-là, je suis là aussi pour voir la Kabylie, le village de mes parents, je retrouve enfin la sensation que j’avais quand j’étais petit. (…) L’Algérie est le pays de mes parents. J’avais envie d’y retourner depuis 20 ans mais ma carrière ne me l’a pas permis», a expliqué le footballeur à la presse. Se défendant d’être venu faire de la pub ou gagner de l’argent, il a souligné qu’il avait voulu offrir ce voyage à ses parents, qui l’ont accompagné cette semaine.
«Manœuvres politiciennes»
Oui mais voilà, malgré la ferveur populaire qui l’a accueillie à chacun de ses arrêts, des grincements de dents se sont fait entendre. En effet, Zidane a été présenté par les officiels algériens comme «l’invité personnel» du chef de l’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika. Le sportif, sa mère, son père et l’un de ses frères sont d’ailleurs arrivés lundi à Alger dans un avion spécial de la présidence. Et l’ex-capitaine des Bleus a reçu un accueil digne d’un chef d’Etat : audience privée avec Abdelaziz Bouteflika et déjeuner organisé en son honneur au Palais du peuple, à Alger. Oubliant sa violente sortie de juin dernier contre les binationaux, le président algérien a décoré Zidane de la médaille Al-Athir. La plus haute distinction nationale, décernée aux héros de la guerre d’Indépendance, que le sportif pourra épingler à côté de la Légion d’honneur remise par Jacques Chirac en 1998.
Zidane a précisé qu’il était «heureux d’être l’invité du président, et donc l’invité de l’Algérie». La plupart des journaux français n’ont retenu que la première partie de la phrase et dénoncent une récupération politique de la visite du footeux. Sitôt la visite annoncée, associations et personnalités militantes de la cause kabyle l’avaient mis en garde dans une lettre ouverte : «Tu as su, jusqu’ici, déjouer toutes les manœuvres politiciennes qui visaient à te récupérer (…) Les honneurs qu’on projette de te rendre ici et là, et que tu mérites largement, ne sont pas toujours motivés par la seule admiration». Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), parti d’opposition fortement implanté en Kabylie, a ainsi commenté la venue de Zinedine : «Que Zidane veuille renouer avec ses racines est tout à son honneur, mais ce voyage est sa première grosse faute car il se fait à l’invitation du président Bouteflika».
Zidane, «homme de sport»
Pour autant, «Zidane sauvera-t-il l’image de Bouteflika?» s’interroge Mohamed Benchicou dans Le Soir d’Algérie. «Il semble bien que cela soit trop tard», tranche-t-il. Et comme le fait remarquer le quotidien El Watan : «S’il n’est pas interdit de prêter au président des calculs politiques qui consistent à tenter de tirer des dividendes de ce crochet algérois de Zizou, il n’est pas non plus permis de rouler Zidane dans une farine qui servirait la cuisine interne de Bouteflika». «Souffrir les ardeurs politiques qui tentent d’exploiter ce déplacement était peut-être le prix à payer pour ces heureuses retrouvailles».
Vendredi, sa dernière étape a mené Zidane à Aguemoun, village natal de ses parents, perché sur le plus haut du massif des Babors (Petite Kabylie), où il a déjeuné dans la maison familiale. Quelques voix kabyles ont profité de ce retour aux sources pour lui reprocher de ne pas défendre la cause berbère. Lors d’une conférence de presse à Alger, le joueur n'avait pas voulu se prononcer sur le combat politique des berbérophones de Kabylie. «Je suis un homme de sport», s'était-il contenté de répondre. Le site Kabyle.com regrette ainsi que Zidane, qui a «donné un coup de boule au joueur italien» Materrazzi lors de la dernière Coupe du monde, n’ait «pas eu autant de bravoure et de volonté pour donner un ‘coup de gueule’» à Bouteflika. De son côté, un journaliste d’El Watan, remarque que «mettre sur les épaules de Zizou le règlement du lourd dossier de la contestation kabyle est quelque part une insulte à sa nature d’homme réservé».
Pour son déplacement, Zinedine Zidane avait demandé à Idir, chanteur kabyle engagé, de l’accompagner. Interrogé par La Dépêche de Kabylie, l’artiste a défendu le footballeur : «C’est un homme de qualité, qui est venu voir la terre de ses ancêtres accompagné de ses parents. Concernant le côté politique, il en est très loin, ce n’est pas un bonhomme qu’on peut récupérer, parce que tout simplement, c’est un homme de cœur ». Ajoutant : « Il n’a pas invité Khaled ni Faudel, mais moi. Ce n’est pas un hasard qu’il a fait ce choix. C’est tout un symbole».
Posté Le : 16/12/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : par Olivia Marsaud
Source : www.rfi.fr