Zhor Zerari
est née dans une famille de nationalistes renommés. Celle qui deviendra plus tard la première femme journaliste en Algérie est la nièce du commandant Azzedine, l'un des plus célèbres responsables de l'Armée de libération nationale (ALN). Le père de Zhor Zerari a "disparu" après avoir été arrêté par les parachutistes et torturé. "Je suis orpheline d'une tombe", dit-elle. La jeune fille est arrêtée à l'aube du 25 août 1957. Elle vient de poser trois bombes dans Alger. Elle affirme que "le but n'était pas de faire de victimes, ce jour-là, mais de rappeler que le FLN était toujours vivace, en dépit des déclarations triomphalistes de Massu". Conduite à l'école Sarouy, elle est questionnée sur ses complices. Ce qu'elle a subi là-bas, Zhor Zerari supporte difficilement d'en parler.
Nue, la jeune militante indépendantiste dit avoir été tabassée, puis passée à la gégène. Elle est allongée par terre, bâillonnée avec un tricot empli d'excréments. On urine sur elle, elle urine sous elle, de peur et de douleur. "Schmitt et un autre lieutenant étaient là. Schmitt donnait les ordres. Je peux lui rappeler une anecdote : à un certain moment, celui qui manipulait la gégène a dû se tromper en réglant sa machine. La décharge électrique a été si violente qu'il a lui-même pris du courant pendant que, moi, je glissais sur le sol comme une fusée, renversant au passage le bureau de Schmitt et lui avec !" Zhor Zerari rit en racontant ce souvenir. Si elle évoque avec gratitude un sous-officier, Jean Garnier, qui l'a sauvée d'un viol, elle a du mal à oublier d'autres scènes qui, dit-elle, au-delà de la douleur physique, "constituent la pire des humiliations". Un jour, les parachutistes amènent une très jeune fille dans la salle où elle se trouve. "Cette adolescente descendait de la salle de tortures. Elle claquait des dents. Je connais son nom. Elle avait été violée et sodomisée avec une bouteille. Elle était en sang à partir de la taille", dit-elle.
Zhor Zerari garde de lourdes séquelles des supplices. "Je continue de les subir au quotidien. Ma vie en a été gâchée." Elle souffre depuis presque cinquante ans de pertes d'équilibre, de violentes douleurs à la colonne vertébrale, aux membres supérieurs et inférieurs, qui entraînent des chutes brutales et des pertes de connaissance. En 1961, alors qu'elle était détenue à la prison de Pau, on lui fait un électro-encéphalogramme. "Toute honte bue, il était écrit que mes crises étaient "la conséquence d'électrochocs administrés en établissement psychiatrique". Or je n'étais jamais allée en hôpital psychiatrique !", s'exclame-t-elle . Florence Beaugé.Le Monde, 19 mars 2005 — avec Najia Bouchami et 12 autres personnes.
est née dans une famille de nationalistes renommés. Celle qui deviendra plus tard la première femme journaliste en Algérie est la nièce du commandant Azzedine, l'un des plus célèbres responsables de l'Armée de libération nationale (ALN). Le père de Zhor Zerari a "disparu" après avoir été arrêté par les parachutistes et torturé. "Je suis orpheline d'une tombe", dit-elle. La jeune fille est arrêtée à l'aube du 25 août 1957. Elle vient de poser trois bombes dans Alger. Elle affirme que "le but n'était pas de faire de victimes, ce jour-là, mais de rappeler que le FLN était toujours vivace, en dépit des déclarations triomphalistes de Massu". Conduite à l'école Sarouy, elle est questionnée sur ses complices. Ce qu'elle a subi là-bas, Zhor Zerari supporte difficilement d'en parler.
Nue, la jeune militante indépendantiste dit avoir été tabassée, puis passée à la gégène. Elle est allongée par terre, bâillonnée avec un tricot empli d'excréments. On urine sur elle, elle urine sous elle, de peur et de douleur. "Schmitt et un autre lieutenant étaient là. Schmitt donnait les ordres. Je peux lui rappeler une anecdote : à un certain moment, celui qui manipulait la gégène a dû se tromper en réglant sa machine. La décharge électrique a été si violente qu'il a lui-même pris du courant pendant que, moi, je glissais sur le sol comme une fusée, renversant au passage le bureau de Schmitt et lui avec !" Zhor Zerari rit en racontant ce souvenir. Si elle évoque avec gratitude un sous-officier, Jean Garnier, qui l'a sauvée d'un viol, elle a du mal à oublier d'autres scènes qui, dit-elle, au-delà de la douleur physique, "constituent la pire des humiliations". Un jour, les parachutistes amènent une très jeune fille dans la salle où elle se trouve. "Cette adolescente descendait de la salle de tortures. Elle claquait des dents. Je connais son nom. Elle avait été violée et sodomisée avec une bouteille. Elle était en sang à partir de la taille", dit-elle.
Zhor Zerari garde de lourdes séquelles des supplices. "Je continue de les subir au quotidien. Ma vie en a été gâchée." Elle souffre depuis presque cinquante ans de pertes d'équilibre, de violentes douleurs à la colonne vertébrale, aux membres supérieurs et inférieurs, qui entraînent des chutes brutales et des pertes de connaissance. En 1961, alors qu'elle était détenue à la prison de Pau, on lui fait un électro-encéphalogramme. "Toute honte bue, il était écrit que mes crises étaient "la conséquence d'électrochocs administrés en établissement psychiatrique". Or je n'étais jamais allée en hôpital psychiatrique !", s'exclame-t-elle . Florence Beaugé.Le Monde, 19 mars 2005
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Posté Le : 17/11/2020
Posté par : litteraturealgerie
Photographié par : Photo : Hichem BEKHTI