Algérie

Zerrouki Allaoua le rossignol de Béjaia



Zerrouki Allaoua le rossignol de Béjaia
5 juillet 1915 à onze heures du matin : Naissance de Allaoua Zerrouki au village Akourma (ancienne dénomination d’Amalou) dans la tribu des AÑ—t Aidel au sud de la ville d’Akbou de Seghir Ben Rezki, son père et de Azzoug Ouardia, sa mère.

Vers 1920-1922 : Ecole coranique du village et à la zaouÑ—a de Sidi Hand U Yahia. Il y apprend les rudiments de la langue arabe qui l’aideront plus tard à transcrire ses textes.

1927 : Allaoua a 12 ans. Il confectionne lui-même des flûtes avec des tiges de roseaux et s’imprègne des mélodies religieuses tout en aidant sa famille dans l’exploitation des terres.

1930-1935 : Il quitte le village, rejoint Akbou et gagne la ville de Béjaia où il fait le métier de coiffeur tout vouant une passion pour la musique.
C’est la période faste pour le dandy qui débarque au village affublé d’un costume Charleston Prince de Galles.

Rencontre avec le maître de chanson andalouse Sadek Abdjaoui à Béjaia.
1936 : Début de la Seconde guerre mondiale

1942 : Décès de son père et de sa mère quelques mois plus tard. Allaoua a 27 ans.

Eté 1942 : Postulant à l’émigration en France, il est enrôlé dans le travail des mines dans le département du Gard. Ne pouvant supporter les dures conditions, il s’enfuit à Paris où il fit de menus travaux avant le retour au village.
1945 : Fin de la seconde guerre mondiale.

8 mai 1946 : Il est de nouveau engagé avec ses amis d’enfance du village dans une aciérie à Péchiney, une entreprise d’aluminium. Il quitte l’usine au bout de trois jours pour Paris où il fait le métier de coiffeur.

12 mai 1947 : Ouverture de la station Radio Soummam dans la ville de Béjaia.

1948 : Il se produit dans des cafés maghrébins et rencontre des artistes célèbres comme Lili Labassi, Mohamed El Kamel qui l’encouragent dans la chanson.

Eté 1948 : Il enregistre son premier disque chez Pathé Marconi. Une chanson en arabe Lahbab Lyoum, kif naâmel aâla lwaqt elli ihhabbel et une autre Kabyle inspirée de sa dure expérience dans les mines Tilifun ssunni ssunni.
Il habite au 10, rue St Sabin, Paris 11ème.

1949 : Il est barman puis coiffeur à la gare de Lyon. Il rencontre une poissonnière des Halles qui devient sa concubine.
Il donne plusieurs spectacles en France, en Belgique et en Allemagne.

1950 : Il rentre au pays et demande la main de Azzoug Nouara, de la famille de sa mère, qui avait fait de études et obtenu son certificat d’études primaires.

Fin 1953 : Retour en France, à Paris avec son épouse et leur fils, Mohand Seghir.

1954 : Déclenchement de la guerre de libération nationale.
Nouara ayant découvert l’existence d’une française dans la vie de son époux rentre à Akbou et demande le divorce qu’elle obtient.

Enregistrement chez Pathé Marconi de plusieurs chansons : llah llah a tin hemlagh, a lbabur bu lahwaci, Sidi AÑ—ch, yaâcaq di l-bal.

1955 : Allaoua rejoint Nouara à Akbou et redemande sa main.

26 décembre 1955 : Il reprend la vie conjugale avec Nouara.

1956 : Naissance de leur fille et retour de nouveau en France. Orage dans la vie du couple. Nouara rentre définitivement au pays et prend le maquis comme infirmière combattante. Elle tombe les armes à la main.

Fin 1956 : A l’antenne Kabyle et Arabe (AKA) ouverte au sein de l’ORTF de Paris, dénommé Radio - Paris, il enregistre A rrebbi lfedhl-ik muqqwar et ay afrux a mm is n lhar.

1959 : Enregistrement de lewjab n was a, un émouvant hommage rendu à la figure historique le colonel Amirouche tombé au champ d’honneur le 19 mars 1959.

Enregistrement d’autres chansons d’inspiration nationaliste : ya rrebb lehnin, ay agelid, a sselah igawawen.

1963 : Chanson de l’indépendance : laâlam ledzayer yetsrefrrif et l’une de ses plus belle chansons dédiée à Nouara en particulier et à la femme kabyle en général (actuelle Ibn Khaldoun) à alger. Parmi ses musiciens, Kamel Hammadi.

17 novembre 1968 : Allaoua Zerrouki s’éteint des suites de maladie à l’hôpital St André des Arts, Paris 1er, à l’âge de 53 ans.
Il est enterré au cimetière Père La Chaise.

Eléments biographiques et discographiques :

Sur la rive sud de l’oued Soummam, dans la vallée historique du congrès du 20 août 1956, à une dizaine de kilomètres de la ville d’Akbou où plusieurs producteurs de cassettes rééditent son œuvre, la région natale de Allaoua Zerrouki, la commune d’Amalou, disperse ses quatorze villages vers Sidi AÑ—ch à l’est et Tazmalt vers l’ouest.
Au sud, la montagne aux riches gisements ferreux, gueldamane, confère au paysage une touche surréaliste.

La terre, morcelée de propriétés familiales, désignées sous l’idiome local, tiharqanin, est parsemée d’oliviers qui, ainsi que l’a écrit Malek Ouary sur cette région dont il est natif lui aussi dans son roman Le grain dans la meule à mesure qu’ils dominent le grand cours d’eau, prennent vigueur et embonpoint.

Après la farouche résistance de la Qalaâ nath Abbas du chef charismatique de la confrérie Errahmania, El Mokrani en 1871, les derniers bouts de plaine qui restaient aux autochtones montagnards tombent sous le séquestre en 1883.
L’administration coloniale, sous le gouverneur général, le maréchal Gueydon , s’implante à Akbou.

Le fort Metz et la place Casanova Jean Noël y gardent encore quelques vestiges. Le premier village sur route d’Amalou porte toujours le nom d’un ancien colon, Biziou.

Plus loin sur les hauteurs, le hameau Asrafil, aux consonances d’origine berbère a été rasé par l’armée française d’occupation et ne vit plus que dans la mémoire locale.

Ces grandes tragédies du règne colonial et l’épopée de la résistance armée ont mis à vif et à rude épreuve la sensibilité des gens de la terre.

Du berger au métayer, qui aux sons de la flûte, qui à la guitare, qui la voix nue, chantent. Ils chantent la misère et le désarroi de leur jeunesse désemparée, écartelé entre l’urgence de la survie et l’attachement viscéral au terroir.

Allaoua Zerrouki est né le 5 juillet 1915 à onze heurs du matin au village Akourma (ancienne dénomination d’Amalou) dans la tribu des AÑ—t Aidel - ar ath AÑ—del qeddam amecwar – Vers AÑ—t AÑ—del poursuit ton chemin – ainsi chante-t-il les siens dans la chanson patriotique consacrée à la figure historique du colonel Amirouche.

Son père, Seghir Ben Rezki, originaire d’El Flaye, dans la région des AÑ—t Ouaghlis, était l’imam du village Amalou.

Il épouse Azzoug Ouardia qui lui donne deux fils dont Allaoua le benjamin.
La famille possède de riches terres et de bêtes de labours. Le saint patron de la contrée, Sidi Hand U Yahia, grande zaouÑ—a et école coranique, jouit d’un vaste domaine foncier en biens habous, des terres argileuses, riches d’oliviers.

Lors des fêtes religieuses, de Chemini et des environs de Sidi AÑ—ch, des groupes de paysans affluent, avec femmes et enfants, à la zaouÑ—a de Sidi Hand U Yahia et y animent des veillées rituelles en longues litanies de dikr et de medh.
Jeunes filles en mal de mariage, épousées désespérant la maternité, vielles pour d’autres desseins, exorcisent sur le catafalque du cheikh peines et lamentations.

En contrebas, de l’autre coté de l’oued Soummam, à Akbou, l’école française ouvre ses portes au début du siècle après celle de missionnaires chrétiens d’Ighil Ali. Deux monde, deux écoles sans aucune communication.

Le petit Allaoua fait l’école d’en haut, celle des coraniques.
Son environnement immédiat, imprégné de mélodies de genre medh, aiguise sa sensibilité et ses dons artistiques qui ne tarde pas à s’affirmer.

Travaillant les terres familiales, le jeune Allaoua affectionne particulièrement les lieudits champêtres Erriba et ahanou, à proximité d’Ighzer (le ravin).

Il aime également aller méditer à Azru n Ledjnun (le rocher des diables).

Sa maison natale est situé entre Tajmaât (le forum du village) et Azqin Ufella (la place d’en haut).

Le village d’Amalou connaît au début du siècle des musiciennes joueuses du Bendir.

Les villageois gardent encore le souvenir de deux femmes artistes, Tachaâlalt, Tajebarit, qui, décédées, ont emporté avec elles le secret de leur art et de leur pouvoir magique de donner la lumière et la guérison aux vibrations de leur instrument de musique.
Mais cette tradition de l’oralité féminine survit encore avec d’autres héritières de la tradition, Hafsa et Na Cherifa.

Du cotés des hommes, durant la période de l’entre deux guerres, la mémoire villageoise retient des noms d’artistes musiciens célèbres, premier maître de Allaoua Zerrouki dans son apprentissage des instruments a cordes au villages même, choses rare à l’époque où le instruments de musique sont bannis par la communauté.

Larbi Abedelwahab Aboudali dit Kamedja pour avoir été un excellent violoniste et un virtuose de la snitra, meurt au village dans un dénuement total et Kadim boudjemaâ, dit Bouhou, virtuose musicien non voyant au mandole, est l’ami d’enfance de l’artiste. La famille kadim donne l’une des premières chanteuses kabyle à la radio d’Alger, Halima, dite Lla Ounassa qui se distingue au microphone de Mme Lafarge, rue Berthezène, à Alger, par sa voix de canari.

Allaoua Zerrouki grandit dans ce berceau de rythmes, entre l’oralité première de la flûte du berger, du Bendir des meddahate et la nouveauté des instruments à cordes achetés des villes portuaires, Béjaia et Jijel où il exerce le métier du coiffeur.

En 1927, Allaoua a douze ans. A cet âge. Sous la rigueur du climat, du relief, de la dure loi de la montagne et du colon, on est déjà homme pour siéger à la djemaâ, labourer les terres, construire une maison ou, à défaut, partir loin gagner son pain.

Le jeune Allaoua est beau, charmant et doux. Il n’a pas la rudesse du paysan ahanant au manche de sa pioche. Il aime l’harmonie du monde et de la musique.

Le village est trop étroit pour ses goûts et ses ambitions : il gagne Akbou et la ville de Béjaia où il exerce le métier de coiffeur-musicien.

Dans ces deux villes et principalement Béjaia, il élargit ses horizons, multiplie les rencontres et noue des amitiés.

Et c’est en adolescent instruit, fort de son art, qu’il fit la rencontre décisive de sa carrière de musicien chanteur avec le maître de chanson andalouse des Hammadites, cheikh Sadek Abdjaoui qui, subjugué par sa voix juste et timbrée et sa parfaite maîtrise de tous les instruments à corde et à vent, contribue grandement à l’enrichissement de sa culture artistique.

Ivre de citadinité, de brillance et d’élégance, Allaoua Zerrouki apporte par ses fréquents retours au village, le luxe tapageur des villes côtières. C’est en zazou, affublé d’un costume Charleston, Prince de Galles qui ose s’exhiber parmi les siens à Amalou, du vivant même de son père qui d’espère de le voir abandonner ses propriétés familiales.

Ce dandy en tenue d’apparat de la dernière mode et montrer du doigt et quel paysan oserait, sans s’attirer les foudres de la vindicte de la djemaâ, lui accorder la main de fille ?

Il est, vers la fin des années 1930, un chanteur de charme célèbre dans la contrée de la vallée. Il anime des fêtes à Akbou, Béjaia, Jijel et conquiert Alger dans l’orchestre du célèbre pianiste Mustapha Skandrani.

Sa première apparition sur scène, comme un défit à l’ordre ancien, il la fait dans un village de son douar, Ikherbouchène, à l’occasion de la fête de mariage de son ami musicien, Kadim boudjemaâ. Ses d’artiste sont inouÑ—s : il a la voix d’un Agwufar et maîtrise tous les instruments à cordes.

Charme et élégance font qu’il ne passe guère inaperçu lors de ses galas qui attirent tous les paysans de la contrée.

Il a 27 ans quand son père décède en 1942.

Son frère aîné prend le chemin de l’exil.
La seconde guerre mondiale réquisitionne les récoltes ; la famine et le typhus ravagent le pays. La tribu Izerruqen, privée de son chef, vend terres et bêtes et met en baille quelques tiharqanin de valeur pour survivre.

Le rêve et le luxe voluptueux de Allaoua s’estompent. La faim tenaille les ventres et vide les esprits.

Au village, il faut pourtant survivre. Mais le travaille de la terre n’attire pas l’amoureux de la brillantine et des costumes de la dernière mode. La misère ne lui sied pas. C’est alors le grand voyage en France.

La même année, l’été 1942, des officier français recruteurs de main d’œuvre indigène viennent enrôler sur la place du marché à Akbou de jeunes paysans postulant au dur travail des mines dans le Gard.

Allaoua Zerrouki fait partie du contingent.Un de ses amis d’enfance que nous avons rencontré en 1995 au village natal de l’artiste, bouchena Lahlou, né en 1917 s’est souvenu de cet épisode : L’été 1942, au marché d’Akbou, des ingénieurs français recrutaient des villageois pour le travail des mines en France.
Allaoua et moi-même fûmes retenus.
Nous fûmes désignés comme convoyer sur le bateau La ville d’Alger.
Au port de Marseille nous restâmes huit jours ; après quoi nous fûmes affectés, chacun selon sa destination.
La notre fut la mine des Rochebelle, dans le département du Gard.
Le travail était pénible et les conditions de vie sont insupportables.
Nous logions sur le site même, dans de sordides baraquements. Mon ami Allaoua n’a pas pu supporter le calvaire.
Au bout d’une semaine, il partit à Paris où il fit plusieurs métiers de fortune : coiffure, serveur. Trois années plus tard, nous nous revîmes au village. La misère nous talonnait toujours. L
e 8 mai 1946, nous reprîmes le chemin de l’exil de la même manière. Cette fois, nous fûmes recrutés à Péchiney, dans une usine de poison (comprendre de produits chimique). Allaoua, affecté à la centrale de charbon, abandonna au bout du troisième jour ; son beau visage était noirci de fumée. Il ne peut supporter tant d’insultes, lui, le brillant artiste, qui parlait si bien la langue de lghorba. Il pensait qu’on allait lui donner un bon poste. Il retourna derechef à Paris.
Trois ou quatre années plus tard, j’appris qu’il était devenu un artiste célèbre et que se disques se vendaient bien.

Ce témoignage situe Allaoua Zerrouki au moment où il se lie d’amitié avec le grand artiste Mohammed El Kamal, l’un des maîtres qui a été à l’origine de l’émergence de nombreux artistes maghrébins en France au début des années 1940, dont Slimane Azem et la célèbre chanteuse pionnière Fatma Zohra dont la biographie artistique mérite un livre. Il anime avec eux plusieurs tournées artistiques dans la région parisienne et sa périphérie.

Allaoua aimait se produire dans l’un des premiers cafés Nord africains, appartenant à un compatriote de la vallée, Lahlou Messaoud, Cafés des AÑ—t Oumalou, au 43 rue Du Mesnil, dans le 12ème arrondissement.

Il se produit avec Dahmane El Harrachi au 34 rue de Lyon au café de Lhadj Lakhdar U Hamou et au 5 rue Moreau chez Ouchène Mohand Ameziane, son café préféré pour les spectacles. Il aimait se également à la place Voltaire, à Belleville.

Son orchestre brillait de tous feux avec un musicien dit Moustique, excellent batteur.
Allaoua Zerrouki a introduit au pionnier, la batterie et la guitare électrique dans son orchestre ; ce qui était inhabituel dans le genre musical Kabyle de cette époque.

Azzoug Madjid, le beau-frère de l’artiste, émigré retraité devenu écrivain public au village, raconte un pan important de la vie de l’artiste qui éclaire quelques éléments biographique contenus dans ses chanson : je l’ai connu bien avant qu’il n’épouse sa sœur, au village et à Paris.
C’est en 1948 qu’il enregistre son premier disque chez Pathé Marconi. Une chanson en arabe Lahbab l-youm, kif naâmel âala lwaqt elli ihhabbel et une autres en kabyles inspirées de sa douloureuse expérience dans les mines Tilifuf ssunni ssunni.
Il habite alors au 10, rue St Sabin, Paris 11ème.
En 1949 il est barman puis coiffeur à la gare de Lyon.
Cette année-là, il avait rencontré une poissonnière des Halles qui devint sa concubine.
En 1950, il rentra au pays et demanda la main de ma sœur, Nouara, qui avait fait des études et obtenu don certificat d’études primaires. Mon père refusa net.
Il avait fallu l’intervention appuyée du caÑ—d Ben Ali Cherif, homme puissant et influent dans la région, poète à ses heures, pour que le paternel consentît a la demande. Allaoua repartit en France avec son épouse et leur fils, Moh Seghir vers la fin de l’année 1953.
A Paris, ma sœur apprit l’existence de la concubine et les choses n’étaient pas faciles pour elle, d’autant que cette concubine accompagnait Allaoua dans ses tournées artistiques.
Ma sœur, excédée, décida de rentrer à Akbou avec son fils Mohand Seghir. Elle demanda le divorce qu’elle obtint à Akbou.
En 1955, Allaoua la rejoignit eut lieu le 26 décembre 1955. le couple, une nouvelle fois réuni,eut son deuxième enfant, une fille. Mais la même trame se reproduisit. Allaoua tenait à son autre compagne. Nouara, de guerre lasse, après avoir confié ses deux enfants à la concubine qu’elle finit par connaître, rentra définitivement à Akbou et rejoignit les rangs de l’ALN à titre de résistante infirmière.
Elle tomba au champ d’honneur les armes à la main…

Cette période tumultueuse, Allaoua Zerrouki la vit douloureusement.
Toutes les chansons nées durant cette séparation sont consacrées à Nouara dont il demande le pardon et pour laquelle il exprime le regret et la fidélité à son amour.

Toutes les chansons d’amour brisé, écartelé entre Yelli-s n tmurt (la fille du pays) et tarumit (la Française) ont été composées après le départ de Nouara et leur divorce.

L’une des plus poignantes chansons autobiographiques dédiées à son ex-épouse Tabrats n taâzizt a été enregistrée au cours de cette période durant laquelle Allaoua Zerrouki ressenti l’exil au plus fort de sa solitude. Cette chanson n’existe pas dans le circuit commercial .

A partir de la fin de l’annee1956, Allaoua Zerrouki mène une vie de militant pleinement engagé au sein de la fédération de France du FLN.

En compagnie de Farid Ali, Mégari Slimane, Arab Uzellag et Amraoui Missoum, il anime plusieurs spectacles au profit de la cause nationale. Son café bar du boulevard Voltaire était devenu un point de rencontre de la cellule FLN du Quartier Latin.

C’était un homme généreux, d abuxalfi (sympathique et généreux), un artiste qui évoluait avec les célébrités qui se produisaient dans les grands cabarets orientaux de Paris comme El DjazaÑ—r, Les nuits du Liban, Le Tam Tam.
Son orchestre était composé de musiciens confirmés. Ce sont là les propos d’un artiste du village d’Akourma, proche d’Amalou, qui a connu Allaoua à Paris au début des années 1960. bel homme, monsieur chic au chapeau mou, snob dans ses costumes d’apparat, amoureux de la brillantine et du brillant d’or qui revêtait la caisse de sa mandoline, Allaoua Zerrouki s’éteint des suites d’une longue maladie à l’hôpital St André des Arts, Paris 1er, le 17novembre 1968, à l’âge de 53 ans. Il est enterré au cimetière Père La Chaise, principal cimetière de Paris.

Une autre version concernant les raisons de son décès fait état des séquelles d’un accident routier sur l’autoroute de Marseille. Allaoua Zerrouki et Dahmane El Harrachi se rendaient à Montpellier pour un gala. Allaoua ne se remet de cet accident qui a gravement affecté sa santé.

D’autres témoins sont en revanche certains qu’il est décédé des suites d’un asthme sévère. Surnommé dans le monde musical maghrébin le rossignol kabyle, il a été encouragé pour sa voix de ténor par Lili Laâbassi, un des maîtres de Lili Boniche et du célèbre pianiste Maurice El Mediouni.
Il a pour ami intime l’un des virtuoses au violon José de Souza, un des premiers musiciens de cheikh Mhamed El Anka au début des années 1940 à Alger et Blond blond.

C’est sous la direction orchestrale de Amraoui Missoum qu’il enregistre une bonne partie de son répertoire dont le genre musical s’est très vite révélé original tant par les nouveautés introduites dans l’orchestration que par une voix restée inégalée à ce jour. Pimpantes, fluides et souvent entraînantes, les musiques de Allaoua Zerrouki portent en elles des airs de terroir moulés dans la musique savante andalouse héritée auprès du maître de ses premiers apprentissages, Sadek Abdjaoui.

A la différence de plusieurs chanteurs de sa génération comme Slimane Azem, cheikh El Hasnaoui, Allaoua Zerrouki qui porte un nom et un prénom comme prédestinés à l’art, accorde une place privilégiée au texte musical. Sa voix est, elle-même, un instrument de musique, d’une exquise saveur à l’écoute.

Harmonieuse, timbre et juste, elle fuse, limpide, comme une eau de source dans ses premiers jaillissements. On ne se lasse pas de l’écouter. Elle porte en elle à la fois beauté et légèreté mais aussi une infinie tristesse d’exil. Elle sait moduler amour, exil, patriotisme car son épouse Nouara est à la fois tout cela dans sa voix.

Evoquer Allaoua Zerrouki, c’est aller aux racines d’un artiste qui a été l’un des plus authentiques et modernes de sa génération. Il a dit avec une sincérité rare ce qu’il a vécu dans sa vie la plus intime mais aussi ce qu’ont enduré ses compatriotes émigrés, forçats des temps modernes et leur engagement dans la guerre de libération nationale, cause pour laquelle son épouse est tombée les armes à la main qu’il a chantée, en ses heur, du font de ses tripes. L’originalité de cet artiste et d’avoir su si bien coupler beauté et tragédie dans ses chansons.
Certes, il en a enregistré peu et c’est pour cela qu’il est resté dans la prospérité comme cheikh Arab Bu Yezgarène, son contemporain.

Il fait partie de ces artistes qui demeurent rare par le fait qu’ils ont conquis la célébrité par leur bref passage dans le monde de la chanson.

Allaoua a commencé sa carrière d’artiste ayant un produit enregistré en 1948 en France et est mort prématurément à l’âge de 53 ans, la même année que le célèbre chef d’orchestre Amraoui Missoum, en 1968.
A cette date, cheikh El Hasnaoui mis volontairement fin à sa carrière. L’empreinte des œuvres ciselée de Allaoua Zerrouki est aujourd’hui inestimable. C’est l’un des rares artistes, avec Slimane Azem, dont les œuvres n’ont pas été reprises jusqu’à la banalisation comme se fut le cas de plusieurs chansons de cheik El Hasnaoui.

Il y a quelques années, la chanteuse Zahra N’Soumeur a repris quelques-unes unes des chansons mais le produit est passé inaperçu du grand public.
Est-ce à dire que c’est un chanteur inimitable de son genre ? Certes pas.
Est-ce à dire que le public qui le découvre aujourd’hui dans sa fraîcheur vocale et instrumentale exige l’authenticité de l’œuvre ? Certainement.

Trois années avant sa disparition, il a donné un spectacle à Alger. Ce spectacle fut filmé par l’ex-RTA mais il est resté non diffusé à ce jour. Puis ce fut l’oubli.

Les artistes qui l’ont intimement connu comme Dahmane El Harrachi ont disparu eux aussi. Les rares artistes qui nous ont livré leurs souvenirs de Allaoua Zerrouki comme Akli Yahiatène et Mohand SaÑ—d U Bélaid ont eu ce mot à la bouche Meskin (le pauvre), se référant aux chansons d’amours qu’il a composées pour son épouse.

Mais ils reconnaissent tous les talents artistiques.Allaoua Zerrouki a traversé trois périodes dans sa vie personnelle et artistiques.

La première, à partir du début des années 1940 relatée par ses amis d’enfance, est noire. Il a connu même pour une courte durée, le dur travail des mines et des aciéries alors qu’il était déjà un artiste de charme avant d’être recruté pour ces travaux de forçat en France. Mais cette expérience a été à l’origine de ses premières créations artistiques grâce auxquelles il conquiert la scène artistique du milieu musical maghrébin à Paris auprès de Slimane Azem, Dahmane El Harrachi alors musicien et Amraoui Missoum.

La deuxième période, à partir de 1953, avec un pic en 1956, devenu alors à son tour un des maîtres incontesté de la chanson maghrébine en émigration, lui fut pénible à cause d’une séparation à deux reprise avec son épouse Nouara. Mais, là aussi, il en tire les meilleures chansons de son répertoire dans lesquelles il jumelle deux thématiques, dans la même moule musical et textuel : amour et nationalisme.
La chanson Lawjeb n was a, plus connu sur le titre Amirouche, et un exemple du genre. Alors que le texte est consacré à la mort de la figure historique du colonelle Amirouche, Allaoua lui compose une musique de valse, avec cœur de violon qui évoque les airs sur lesquels il a chanté son amour pour Nouara. Cette apparente asymétrie entre le texte musical et les paroles relève du génie de l’artiste qui évite les cloisonnements thématiques car il a vécu amour et patriotisme avec le même déchirement, la même passion.

La troisième, celle des premières années de l’indépendance : chansons festives de l’indépendance du pays mais aussi louanges à celle qui a été durant plus d’un quart de siècle compositions, l’inspiratrice de son répertoire, dans la douleur de l’amour : Nouara.

C’est l’un des rares artistes de la première génération de l’émigration, avec Slimane Azem, à avoir vécu en émigration avec son épouse kabyle.

A partir de l’année 1953, en effet, les autorités françaises encouragèrent le regroupement familial.
La quasi-totalité des artistes vécurent avec des françaises, comme cheik El Hasnaoui, Hacène Méziani et Akli Yahiatène. Le chanteur Salah Saâdaoui épousa la chanteuse El Ghalia qui était partie d’Algérie en tournée en France.

Mais la particularité de Allaoua Zerrouki est d’avoir intégré dans répertoire son amour pour Nouara alors que tous les autres n’ont dit mot de leur épouse. Après plus d’un demi-siècle de vie commune, l’épouse de cheikh El Hasnaoui n’a jamais assisté à un spectacle donné par son époux.


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