Zéro de conduite

«Civisme - On en attend toujours un peu de la part de beaucoup qui n'en montrent aucun.» Pierre Daninos
Je sens encore une fois que je vais décevoir pas mal de mes lecteurs, aussi bien ceux qui goûtent à mon insipide prose que ceux qui se délectent des banalités que j'étale quotidiennement après avoir tourné cent fois ma plume dans l'encrier virtuel de mon ordinateur. Non! Encore une fois, je ne vais pas vous parler de ce chef-d'oeuvre de la cinématographie française réalisé en 1933 par un poète anarchisant qui n'a à son actif que trois films, mais trois films qui ont fait du bruit. Vivant à une époque où les effets spéciaux pallient le talent des acteurs, ces films réalisés avec peu de budget et beaucoup d'enthousiasme ont, peu à peu, disparu de la mémoire de cinéphiles victimes d'une mode envahissante. Et puis, le thème de l'anarchie est passé à la trappe un demi-siècle avant celui du socialisme! Alors, je me contenterai de parler de choses toutes proches, celles de la vie courante, qui me concernent et vous concernent en prenant comme point de départ un titre de film aguichant qui rappellera à certains, le film en question et à d'autres, les années de pension dans un sombre collège de l'époque coloniale. Mais, attention, je n'évoquerai point ces années insouciantes où tous les espoirs étaient permis. Non, je parlerai du civisme, ce thème récurrent des leçons de morale qui ont disparu des programmes édifiants de l'instruction publique, mais qui abonde dans les sermons des prêcheurs du dimanche ou du vendredi. Le civisme est une notion qui existe dans les sociétés policées (une société policée n'est pas celle où la police chargée du maintien de l'ordre et de la paix matraque des chômeurs qui manifestent leur droit à une vie digne avant de les présenter devant le juge...). Une société policée est une société civilisée, éduquée, polie, raffinée où les moeurs sont douces et où chaque citoyen a le respect des règles de conduite en vigueur dans l'environnement où il évolue. Quant au civisme, le dictionnaire nous dit qu'il vient du latin civis, celui qui a droit de cité, citoyen. Le civisme désigne le respect, l'attachement et le dévouement du citoyen pour son pays ou pour la collectivité dans laquelle il vit. Cela s'applique en particulier à l'institution qui représente cette collectivité, à ses conventions et à ses lois. Plus généralement, le civisme est le dévouement pour l'intérêt public, pour la «chose publique». Le civisme nécessite une «conscience politique» et implique la connaissance de ses droits en tant que citoyen ainsi que de ses devoirs vis-à-vis de la collectivité. Le civisme, qui est l'état du citoyen respectueux de ses devoirs et des principes collectifs, se distingue de la citoyenneté qui n'est que la condition de citoyen, de la civilité qui relève du respect des autres dans les rapports privés.
C'est-à-dire que le civisme implique une élémentaire prise de conscience où l'individu comprend que le confort individuel dépend du confort général. Si tous les membres d'une même société respectaient de la même façon les règles de conduite, personne ne trouverait à redire. Ce comportement se traduit par le respect des lois promulguées, des règles d'hygiène, des individus... Une bonne éducation et un sentiment d'intégration sont en général les deux facteurs d'une bonne conduite: tout manquement aux règles de conduite traduit un malaise de l'individu: le non-acquittement des impôts et des redevances légales, le tapage nocturne, le jet d'ordures en dehors des espaces qui sont réservés à cet effet, l'émission de nuisances sonores, l'emploi d'un langage ordurier ou de gestes qui portent atteinte à la pudeur sont les symptômes d'un individu qui tend à se distinguer, sinon à se marginaliser du reste de la masse. Une immense fortune, une célébrité internationale peuvent pousser à ce genre de comportement méprisable: uriner au pied d'un avion, dans une bouteille en plastique, devant une file d'attente de voyageurs en partance et conduire en état d'ivresse, sont les derniers hauts faits d'une vedette de cinéma qui fuit son pays pour cause d'impôts.