Zerhouni: L'affaire des minarets alimente les thèses terroristes

Le référendum en Suisse contre les minarets ou le débat en France sur l'identité nationale «apportent de l'eau au moulin» des extrémismes et des radicalismes, a estimé hier

le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, à la Chaîne III de la radio nationale.

Le ministre a jugé que le référendum voté, en fin novembre, en Suisse sur l'interdiction de la construction de minarets, n'était pas opportun. «Le vote contre la construction de minarets en Suisse comme le débat en France sur l'identité nationale peuvent donner des arguments aux extrémistes pour se manifester», a indiqué Zerhoni. Il a d'autre part réitéré la nécessité de traiter la matrice du terrorisme, parallèlement à la lutte contre ce fléau. «La lutte contre le terrorisme ne peut se résumer à l'aspect sécuritaire, mais elle doit englober aussi le traitement de la matrice idéologique de ce phénomène», a-t-il rappelé. Revenant sur les débats sur les minarets, Zerhouni dit craindre que ce genre de débat n'alimente les thèses de terroristes. Il a dénoncé, dans ce cadre, les propos en Europe qui glorifient les particularismes, car alimentant les extrémistes religieux et culturels. Il a estimé que le développement de l'islamophobie dans certains pays européens est la conséquence de certaines dérives, notamment le fait d'affirmer qu'une culture est supérieure à d'autres. «Quand on se laisse aller à des commentaires encourageant l'islamophobie, on apporte de l'eau au moulin à ceux qui utilisent l'islam pour justifier des actions violentes, mais qui sont loin de représenter cette religion de tolérance, qui a permis à la femme de s'épanouir bien avant ses semblables en Occident», a-t-il dit en substance. Le ministre a rappelé que l'Islam a coexisté avec d'autres religions, notamment en Andalousie, soulignant que des chrétiens et des juifs persécutés en Europe avaient été accueillis en Algérie par les musulmans. «Dire que l'Islam est antinomique de la démocratie ou de l'épanouissement de la femme» est une contre-vérité alimentant les idées de ceux qui font dans le prosélytisme, selon Zerhouni.

 Abordant le volet lié à la circulation des personnes dans l'espace méditerranéen, le ministre de l'Intérieur a plaidé pour une «prospérité commune» entre les pays de cet espace, mais en demandant que les pays de la rive nord de la Méditerranée fassent encore des efforts dans la facilitation du déplacement des citoyens de la région. Sur l'immigration illégale, Zerhouni a appelé au respect par les pays d'accueil des droits et de la dignité des personnes qui sont renvoyées dans leurs pays d'origine, ajoutant qu'il faut respecter les droits des migrants légaux.

 Jeudi dernier, l'Organisation de la conférence islamique (OCI) s'est élevée contre le référendum contre la construction de minarets en Suisse, incitant les autorités suisses à «invalider le vote», en avertissant que cette mesure peut se répercuter en Europe. «Les autorités suisses doivent utiliser des moyens parlementaires et judiciaires pour revenir sur cette décision», ont réclamé les ambassadeurs des 56 Etats membres de l'OCI, dans une demande adressée à l'ambassadeur de Suisse auprès de l'ONU à Genève.

 Samedi, une manifestation regroupant des centaines de personnes a eu lieu à Berne, en Suisse, devant le siège du Parlement pour protester contre l'interdiction de la construction de minarets. Les participants à la manifestation brandissaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire notamment : «nous sommes musulmans, nous ne sommes pas Hitler».

 Le 29 novembre, à l'appel de la droite populiste, les Suisses avaient voté par voie référendaire à une large majorité de 57,5 % pour l'interdiction de la construction de minarets sur le territoire helvétique, soulevant ainsi de vives condamnations internationales.