Algérie

Zanadeka de Sarah Haidar Roman - Éditions El Ikhtilef, Alger, 2004



Les maux de la fin

La littérature serait questionnement. L’industrie du doute structure la production de l’écrivain. Passez du doute à la révolte, du questionnement à l’affranchissement et vous obtiendrez un texte qui se tient debout tout seul comme un jalon sur le parcours de la fuite humaine.

La fuite vers la fin. Un texte ciselé dans le marbre de la douloureuse épitaphe : c’est notre dernière vie, c’est notre première mort. Zanadeka, roman en arabe de Sara Haydar, prix Apulée, ressemble à ce texte, par l’émouvant courage qui le porte, par l’étonnant cheminement des personnages de la fin de l’amour à la fin tout court. La fin, la mort, la lucidité devenant des synonymes à la fin de ce roman. Un retour au roman essentiel, qui selon Kundera dans son dernier essai Le Rideau, déchire le téméraire voile des interprétations du monde.
La trame surprend. Radina Kamel, éditrice et écrivaine d’origine arabe installée à New York, succombe puis ressuscite après une douloureuse séparation amoureuse. Pour Ayman, son bras droit à la maison d’édition et qui devra perdre sa femme emportée par le cancer, elle est un totem d’orgueil et de nihilisme. Pour son autre ami Adam, qui perd un amour pourtant impossible, Radina préfigure le combat existentiel contre la tentaculaire métropole et, par extension, le combat contre l’artifice suprême qu’est la vie.
L’éditrice quitte la ville cicatrice pour tenter l’aventure politique au sein d’un groupe de dissidents à Baghdad. Elle tombe amoureuse puis enceinte du chef de file des dissidents qui bouleverse jusqu’à son panorama de l’amour et de la vie. Cet amour qui retraduit l’univers en nuits sensuelles. Qui l’accule elle à se mettre à genoux devant ce masculin arabe. Les personnages naviguent dans l’échec, l’impossibilité du bonheur, avec une stridente lucidité.
S’effondre alors le sens des mots et des philosophies que l’éditrice traite de manuels d’esclavage du genre humain pour l’amener à accepter la mort, la douleur et, accessoirement, le destin. Le roman pose avec courage la question de l’impossible séparation entre métaphysique et quotidienneté. La vie serait la métaphore d’un destin qui nous livre bataille, assuré de l’emporter par la mort, le malheur ou l’échec amoureux. Que nous propose l’auteur ? De soustraire le champ de bataille au destin et de vivre selon les seuls termes de la vie elle-même.
De créer sa propre niche où la volupté, le sexe, la religion et les mots ne sont que les paramètres anodins de l’existence. Un mot sur l’auteur. A la parution du roman chez El Ikhtilef l’an dernier, Sara Haydar avait dix-sept ans. Et pour elle, ce texte serait déjà derrière elle. Sa sereine capacité à transposer ses propres questionnements dans un New York anthropophage nous réconcilie avec l’universalité de la condition de l’humain et abrège les frontières culturelles pour ne laisser transparaître que le désarroi des hommes dans un monde que personne, absolument personne, n’a choisi.
L’âge de l’auteur, son style qui mord dans les mots pour mieux faire crier les maux, son audacieuse thématique, l’originalité de son univers font d’elle la promesse de textes à venir qui décarcasseront les squelettes du corpus littéraire national.


Un P'tit Ange venu d'un monde meilleur et qui se précipite d'y retourner! Ce qui, pour nous communs mortels est nihilisme est, pour elle, re-naissance, re-vie! Et si les Anges lui ressemblaient??
Papy - Sans - Souk-Ahras, Algérie

04/08/2011 - 17636

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