L'enfant est
apparemment, cet être rendu mature avant l'heure par les bouleversements
sociétaux induits par les nouvelles technologies de l'information et de la
communication.
L'information,
jadis, lente à parvenir et déformée par les différents récepteurs /émetteurs
est, présentement délivrée en temps réel et sans recours. Rencontré sur
l'accotement de la route à la sortie de Tipaza, Zakaria
faisait de l'auto-stop pour se faire déposer à une encablure de là. Le vieux
couple, le prend à son bord. Il monte et remercie poliment.
- Que fais-tu là
…tu ne va pas à l'école ?
- Si…si, je suis
en 2è année moyenne… nous sommes en vacances.
L'enfant enchaîne
pour dire :
-Comme j'ai eu
14/20 de moyenne trimestrielle, je suis descendu voir ma tante paternelle qui
habite en ville pour m'acheter les 3 CD qu'elle m'a promis. Je pense qu'elle
s'est rétractée. Elle s'est moquée de moi…elle n'avait pas à me promettre !
-Encouragé par la
bienveillance du couple, il continue sa diatribe contre sa tante dont le mari
est artisan «b'kheir alih»
(nanti). Ma mère qui est d'ailleurs veuve, n'arrive pas à joindre les deux
bouts pour nous nourrir. Nous sommes, trois frères et deux sÅ“urs. Pour payer
l'électricité, il a fallu qu'elle emprunte de l'argent pour pouvoir la payer…
heureusement que ce n'est pas beaucoup… 150.000…
-Le vieux couple
garde le silence.
-Vous savez, je
suis un élève brillant. Je compte devenir architecte pour pouvoir tirer ma mère
de la misère. Mon père, mort il n'y a pas longtemps, m'a laissé son portable
que voici…Son père, mon grand-père vient de mourir, il y a deux jours.
- Où habites-tu ?
demanda le vieux conducteur à l'enfant.
-Juste derrière
la villa qui est tout au début de l'autoroute…dans le «haouch»
voisin…on habitait à El Affroun, la mairie nous a
expulsés.
-D'ailleurs, je
compte dès ma majorité monter un projet avec «l'ANSEJ»
pour tirer ma famille d'affaire.
-La vieille dame
lui rétorque :
-Tu viens de dire
que tu es excellent en mathématiques…pourquoi tu ne vas pas à l'université ?
- Si… je veux
être aviateur !
- A la bonne heure
! répondit en chÅ“ur le vieux couple. Arrivé à l'endroit indiqué, l'enfant âgé à
peine de douze et déjà adulte, se confondit en remerciements : «Allah yatikoum ma tetmanaou» ( Dieu
vous comblera de vos désirs». Il sauta d'un pas alerte hors du véhicule et se
fondit dans la nature à travers champs. Qu'en sera-t-il, le jour où il tombera
des cordes et que la mélasse boueuse envahira les coteaux ?
Tout au long de
son parcours et bien plus tard, le vieux couple n'arrivait pas à oublier de
sitôt, le petit Zakaria. Il doit y avoir des milliers
de ce genre. Et c'est là où tout le monde se donne bonne conscience pour ne
plus, se sentir interpellé par ses appels de détresse. Notre perception des
choses, surtout celle qui n'affecte pas notre ego, est mise en stand by. On
suppose que d'autres parties, plus à même de résoudre «ces» problèmes, doit les
prendre en charge et on continue son bonhomme de chemin. Et comme le malheur
n'est jamais orphelin, la presse de la même semaine nous faisait découvrir une
«corne de l'Afrique » en plein centre du pays. Une fratrie de huit membres de Bouira Lahdab (Djelfa), a failli
être décimée par la faim. Ses membres, tous en bas âge auraient jeunés pendant près de dix jours. Emue, la population «habat ka radjoul ouhid» selon l'expression consacrée par le purisme
linguistique arabe. Les pauvres enfants passaient subitement de l'inanition au
gavage. Honte à moi, au mouvement caritatif qui ne bouge que sous les feux des
projecteurs, aux comités de la «Zakat», au département de la Famille et …
La vieille
octogénaire, vient de trébucher sur une marche de l'épicerie. On la soutient et
on lui demande ce qu'elle veut. L'épicier revêche, la rabroue en affirmant à
ses clients qu'elle fait du «smir» (frime). Elle ne
demandait pas de l'argent, mais…seulement, un paquet de café et du sucre. Elle
aurait des maux de tête, si elle ne prenait pas de café…tout simplement.
Assise en
tailleur à même le trottoir, une mère d'âge moyen, le visage voilé et la main
tendue quémandait la charité des âmes charitables. Dans le nid fait par ses
jambes pliées, une fillette de deux à trois ans, sucette dans la bouche,
dormait à poings fermés. La veuve et l'orphelin, étaient là sur le principal
boulevard de la ville cossue. Elle s'est, sciemment mise près du policier qui
régulait la circulation pour prévenir toute malveillance. Gênés, les regards
glissent sur le spectacle de la déchéance humaine. On suppose, dans un fugitif
flash back virtuel que cette femme a du être, momentanément, une épouse aimante
et qu'un sortilège l'a frappée pour une quelconque raison. Le conjoint, est
vite dédouané par cette mystique archaïque que chacun de nous, désarmé,
alimente par sa lâcheté. Sinon, comment expliquer ces silences complices ?
Dans un reportage
animé par Yann Arthus Bertrand, rendu célèbre par «La
terre vue du ciel», le spectateur pris par une sorte de lévitation
transcendantale, est transporté au delta du Bangladesh pays majoritairement
musulman. Les eaux drainées par le Brahmapoutre et le Gange, sont la plaie de ce
pays en immersion. Prenant femme dans la même communauté, Luc est cet ancien
steward qui s'est fixé dans ce pays, non pas pour passer une retraite dorée
mais, pour venir en aide à son prochain. Pour ce faire, il acquiert à Marseille
une vieille péniche à qui il fera faire une traversée en mer de trois mois.
Cette péniche sera transformée en hôpital fluvial qui peut assurer jusqu'à
30.000 consultations et gestes chirurgicaux par mois. Ne s'arrêtant en si bon
chemin, il sollicite son ami Claude, architecte naval spécialiste des
catamarans, d'aider les pêcheurs bengalis à reconstituer leur flottille de
pêche mise à rude épreuve par les typhons. Constituée de 20.000 unités et la
plus grande au monde, elle ferait vivre des milliers de familles. Vite dit, vite
fait, notre architecte invente le rafiot en fibre de verre qui défie toutes les
turbulences. Ce monsieur, n'a rien d'un excentrique. Père de famille, il dit
faire çà par amour pour ses enfants pour lesquels, il souhaite un monde
meilleur où la solidarité, ne serait pas un vain mot. Il disait çà avec un chat
dans la gorge, visiblement ému…
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Posté Le : 05/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Zahi
Source : www.lequotidien-oran.com