Algérie

Zabana! est orphelin de Mustapha Tigroudja IL NOUS A QUITTES VENDREDI DERNIER


Zabana! est orphelin de Mustapha Tigroudja IL NOUS A QUITTES VENDREDI DERNIER
Un ami s'en est allé
Mustapha Tigroudja nous a quittés, vendredi dernier. Il avait 39 ans! Il a lutté stoïquement contre la maladie. Il ne souffre plus. Dieu a mis fin à ses souffrances. Reste maintenant à ses parents de faire cet inévitable travail de deuil pour vivre, par la suite, avec le souvenir d'un garçon tant chéri.
Ses amis et ceux qui l'ont connu, fut-ce un court moment, vous le diront, Mustapha était la discrétion même. La bonté filtrait de son regard, timide et généreux. Je l'ai connu lors de la préparation de Zabana! Il était si réservé, que j'avoue, j'ai failli m'inquiéter pour le projet. Mais la lueur qu'il avait dans les yeux, a tôt fait de m'encourager à insister pour soulever cette chape de modestie dont se revêtent les gens de talent! Alors, j'ai parlé des Beaux-Arts, et le passionné qu'il était s'engouffra dans cette brèche et commença, enfin, à parler de ses études.
Au fil de la discussion, il «osa» sortir un «flash-disk» sur lequel étaient stockés ses derniers travaux. Et il a bien fait! Car comme me le disait Yacine Laloui, le producteur, «les gens oublient que Mus a fait les décors de films comme Ben Boulaïd (Rachedi), Parfums d'Alger (Benhadj), de Iminig (Menad). Sur le plateau de Zabana!, il a monté avec patience et dextérité le décor de la prison de Serkadji. Je me souviendrais toujours de son regard inquiet, presque, lors de la première visite du décor de la cour de la prison. Il était comme un élève, guettant le verdict du maître. Mais le soi-disant «maître», que j'étais à ses yeux, pour un laps de temps, était plutôt dans la posture de l'enfant émerveillé par ce que j'avais devant les yeux.
Ce sentiment a laissé la place à un autre, celui de la fierté incommensurable, lorsque les deux directeurs photos, européens, qui débarquèrent à Ben Aknoun, ou le maestro Mustapha, avait érigé ses décors. Tout comme Yacine et moi, ils avaient alors compris que ce jeune décorateur, pur produit de l'Ecole algérienne, avait assuré 50% du film. Le reste nous incombait. Et même pour la suite du film, il était là avec son équipe. Bien malin celui qui pouvait faire la différence entre lui et le reste de l'équipe.
Mustapha ne donnait pas d'ordre.
Il faisait avec les autres. Toujours sur le pont, il était là, à l'écoute de nos moindres questionnements, mais pas seulement. Combien de fois, avions-nous décidé, avec le directeur photo de chambouler le plan de travail, pour des raisons que seul le cinéma comprendrait! Et Mustapha était toujours là, avec le sourire, à répondre à nos demandes. Il lui est arrivé, au moins deux fois, de passer la nuit entière à aménager, ou à transformer un décor (un parloir, un bureau) que nous avions décidé d'utiliser le lendemain. Des chapitres et des chapitres ne suffiraient pas pour dire combien va être grande pour le cinéma algérien, que cette cruelle disparition de Mustapha.
Les doigts de ce jeune homme étaient d'or! On dit toujours qu'il ne faut pas hésiter à dire à nos proches qu'on les aime, tant la vie est courte. Mustapha est devenu un proche, à qui je suis redevable, à lui aussi, de l'existence matérielle du film Zabana! J'ai pu le lui dire, au téléphone, lorsque j'appris, en mars dernier, que le jury du Fespaco, à Ouagadougou, avait décidé de couronner son travail. Sa voix riante, à ce moment-là, malgré le mal qui le rongeait, restera toujours dans ma mémoire.
Certes, même là, il n'a pu s'empêcher de m'appeler «monsieur», toujours cette marque de respect et de politesse, qui renseigne sur une éducation prodiguée par des parents à qui vont les sincères pensées de toute l'équipe de Zabana! Avant de clore ce témoignage d'amitié, me vient à l'esprit une phrase entendue, au labo, à Paris, durant la postproduction, alors que les images de Serkadji défilaient, durant une des séances de bruitage: «Pourquoi, allez-vous tournez en Tunisie, alors que vous êtes capables de faire en Algérie des décors pareils'». Merci Mustapha pour ce sentiment de fierté que j'ai vécu, grâce à toi, à ton talent, à cet instant précis. Puisse ta bonté et ton honnêteté rendre la terre plus légère sur toi.
Quant à nous, nous continuerons à t'être reconnaissant pour tout ce que tu as fait pour notre film et pour le cinéma algérien. Adieu, Mus!
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