Algérie

Youcef Merahi Écrivain Vaincre les lourds murmures du temps



Youcef Merahi Écrivain Vaincre les lourds murmures du temps

Publié le 03.06.2024 dans le Quotidien l’Expression
Homme d'esprit et de coeur, mais bien sûr avant tout poète, Youcef Merahi est de ces écrivains au palmarès littéraire ample et aux genres variés.

Sa carrière artistique, commencée au début des années quatre-vingt, est jalonnée de vers, de fictions romanesques, de chroniques journalistiques et d'essais. Ses poèmes animent des métaphores de nostalgie, fragments de vie antérieure où se révèle ce goût proustien pour tout ce qui vient de l'enfance. Un amour précoce pour la poésie; un amour jamais perdu par ailleurs, malgré l'âge, malgré les flots de la vie, les tiraillements de l'existence, malgré les douleurs vécues. Tous ses poèmes disent sa grande passion à jongler avec les mots, son engouement pour la lecture et l'écriture. Son premier recueil de poésie intitulé «L'absurde et le quotidien», donne déjà des motifs plus que subtils à comprendre son temps. à comprendre l'arrogance de ce temps en peignant un quotidien entrelaçant l'absurde et le sensé.

Dans ce livre se profile déjà un écrivain qui joue avec la finesse de l'écriture, avec des symboles majeurs de la littérature. Puis suivra «Cris en papier» une sorte d'hymne à la passion poétique. Dans ce recueil sont évoqués Jean Sénac, Djamel Amrani et d'autres qui vivent dans le délire de miser sur la beauté des mots. Pour Youcef Merahi, la poésie sert d'abord à regarder nos travers. Elle n'est jamais une écriture innocente. C'est pour cela que l'ironie, des accents ponctuels de révolte, jalonnent ses textes, dénonçant toutes ces apparences qui cachent souvent des tréfonds obscurs. «Je brulerai la mer» est un roman qui raconte Boum-Bara.

Un enfant de la guerre dont le destin sera réglé au rythme de celui de l'Algérie. Héritier de la misère de la guerre et celle des premières années de l'indépendance, de surcroit dans un quartier populaire de Belcourt, il tente de s'arracher à tous les démons qui le saisissent. «Il est en lui-même l'incarnation de l'Algérie de cette époque-là», dira Hamid Nacer Khodja, le poète, ami de longue date de l'écrivain. «La pétaudière» est un roman composé de fragments de scènes qui racontent ces assemblées où règne le désordre, l'anarchie. Il se nourrit de ces mets fins du quotidien mais qui donnent cette belle littérature vaudevillesque à la fois fertile et utile. Un roman qui se lit comme une acerbe comédie humaine sur notre société en général et sur Tadjmaait en particulier. D'autres livres seront édités comme celui sur Tahar Djaout, cet autre ami dont la mort précoce est restée comme une plaie toujours vivace, puis un autre sur la ville de Tizi Ouzou, sa ville qu'il n'a jamais réellement quittée, mais son imaginaire reste toujours dominé par la poésie. C'est là que Youcef Merahi aime pariait sur les mots pour cueillir en eux la sublimité. Dans «Dans mon coeur il n'y a plus d'heure», son dernier-né, il chante la douleur de voir brûler l'olivier, la mémoire qui fait la ronde des souvenirs; il chante les mots aux abords des silences. Seuls les mots du poète qui chante, qui crie, peuvent vaincre les lourds murmures du temps.

Lounes Ghezali



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