Dans le «Hall of
fame» des dictateurs, le portrait d'Ali Abdallah Saleh figure en bonne
position. Au pouvoir depuis 1978, à l'instar des autres autocrates arabes, Ali
Abdallah Saleh n'hésite pas à faire tirer sur les protestataires peu convaincus
par la sincérité de ses promesses.
Après 52 morts en
une seule journée dite le vendredi sanglant, le président yéménite est lâché
par certains des officiers les plus importants du Pays. Le ralliement à
l'opposition du Général Ali Mohsen Al-Ahmar, commandant de la première division
blindée, est décisif car il est issu de la première confédération tribale. Il a
échappé à quatre tentatives d'assassinat dont une serait commanditée par le
président lui-même. Toujours est-il que son retrait relatif depuis 2004,
explique sa longévité. Dans son discours d'adhésion à la cause des manifestants
du 21 mars dernier, le Général Ali Mohsen Al-Ahmar, précise qu'il parle aux
noms de nombreux officiers, il fait déployer des blindés pour protéger les
occupants de la place Al-Taghyr (changement). Les conditions d'un coup d'Etat
sont réunies sauf que le ministre de la défense annonce de suite qu'il demeure
solidaire avec le président élu par le peuple et ne permettra aucun écart de la
constitution. Cette fois-ci vraiment isolé, après le massacre du vendredi 18
mars mais fidèle à sa réputation de fin manÅ“uvrier, le président se sentant
plus que jamais menacé, demande l'intermédiation du ministre des affaires
étrangères saoudien.
Ali Abdallah
Saleh maintien son ultime concession : il quittera le pouvoir la fin de cette
année, avant l'achèvement de son mandat. Il déclare que sa seule préoccupation
n'est pas son maintien au pouvoir coute que coute mais la menace d'un chaos
plus que prévisible, le pousse à mettre de l'ordre dans les affaires du pays.
Alors que pour les foules, c'est sa présence à la tête du pays en faisant usage
de terribles menaces et de vaines promesses qui plongent le Yémen dans cette
spirale infernale. Sa dernière carte est l'internationalisation de la crise.
En effet la
communauté internationale a condamné la violente répression mais n'a que
tardivement et timidement évoqué le départ de son principal commanditaire. Pas
plus tard que le 11 janvier dernier, Hilary Clinton s'était rendue à Sanaa
notamment pour régler les derniers détails de la visite d'Ali Abdallah Saleh à
Washington prévue fin février pour affiner la coopération dans la lutte
anti-terroriste. Le Yémen est aussi le refuge de salafistes saoudiens armés.
Pour le royaume wahhabite, le président est le plus sérieux barrage contre le
retour en force d'Al Qaida. L'expertise saoudienne dans le soutien des régimes
peu populaires est de nouveau sollicitée comme lors de la guerre de Saada en
Aout 2009. Berceau du Zaydisme (faction Chiite), la région de Saada s'est
rebellée dès 2004 contre le pouvoir central jugé trop pro-américain peut être
mais qui a surtout marginalisé sa population. Territoire traditionnel de
l'Imamat, situé au nord du Yémen, Saada est le fief de la rébellion houthiste.
L'intervention de l'armée saoudienne aux côtés des troupes d'Ali Abdallah Saleh
a mis fin à ce conflit au début de l'année dernière mais qui compte sur la
durée plus de 10.000 morts côté yéménite et 130 soldats saoudiens tués.
L'appuie saoudien donné au régime de Bahreïn étant assez mitigé, le royaume
wahhabite risque d'être réticent pour soutenir trop visiblement un président en
fin de course, sauf peut être pour lui organiser une sortie honorable.
En 32 ans
d'exercice de pouvoir, le président yéménite a démontré qu'il était un coriace
survivant. Allié dès la première heure à Saddam Hussein envahissant le Koweït,
Ali Abdallah Saleh a été définitivement «sauvé» par le 11 septembre à l'instar
de l'ex président pakistanais Musharaf que les Américains ont préféré avoir
plutôt comme partenaire que comme cible dans leur guerre contre le terrorisme.
Il est vrai que le Yémen, pays d'origine d'Oussama Ben Laden qui est venu
chercher sa dernière épouse originaire d'un village qui nommé «Al qaida».
Prémonitoire. De surcroit 90 Yéménites étaient détenus à Guantanamo. Très vite
Ali Abdallah Saleh accepte la feuille de route américaine baptisée «Law and
Order» mais en privilégiant la dimension «order» (lutte anti-islamiste) à celle
de «law» (bonne gouvernance et Etat de droit). L'implacable lutte contre le
terrorisme touche aussi les opposants au régime sans que les Américains ne
soient en mesure de rappeler le volet «Law» à leur indispensable allié qui
trace son chemin pour une présidence à vie ou du moins pour une succession
dynastique. Dès l'année 2000, juste après avoir rencontré Bill Clinton à
Washington, Ali Abdallah Saleh, allonge le mandat présidentiel de 5 à 7 ans
pour permettre à son fils (actuel commandant de la garde présidentielle)
d'atteindre l'âge de 40 ans afin d'être éligible à la fonction suprême. Ce qui
lui a permit de s'engager en 2005 pendant la campagne électorale de ne pas
briguer un nouveau mandat. Maintenant la question reste celle de la date de son
départ que le peuple yéménite espère imminente. D'autant plus que les jeunes
affluent de toutes les régions, quelles que soient leur tribu d'origine. Ils
sont unis dans un pays historiquement éclaté par une même volonté de liberté et
une seule revendication de démocratie. Et ce pacifiquement, tous les
protestataires rejoignent la place «Taghyr» en laissant leurs armes à
l'extérieur faisant face à des forces de l'ordre bien équipées et armées. Pour
la communauté internationale les interrogations sur l'après Ali Abdallah Saleh
sont loin de faire un consensus. Bien que la fin des violences soit souhaitée.
Le devenir de la coopération anti-islamiste est source d'inquiétude.
Dans un pays où
le nombre d'armes en circulation est nettement supérieur à celui des habitants,
l'hypothèse d'un coup d'Etat est reléguée loin dernière celle d'une guerre
civile dont la région était assez coutumière. Faut-il rappeler que l'unité
yéménite ne date que de mai 1990 ? Devenue depuis la seule république de la
péninsule arabique mais aussi la plus pauvre avec un PIB par habitant à peine
supérieur à 1000USD. Le sentiment sécessionniste risque de faire un grand bond
en arrière pour le pays. De ce fait, son président continue à se présenter
comme un réel rempart contre cette dérive héritée d'une tumultueuse histoire.
Il ajoute même qu'il fera échouer par tous les moyens les complots ourdis
contre l'unité sacrée dont certains seraient financés par le dictateur libyen,
Mouammar Kadhafi principal soutien du mouvement «Tadhamon» dirigé par Hussein
Al Ahmar, membre de la tribu des Hached et aussi fils d'Abdallah Al Ahmar, tué
par le dernier Imam opposant de l'avènement de la république.
Devant la détermination des manifestants qui
ne cessent d'exiger son départ, le président s'accroche à son statut d'élu
jusqu'en 2012 mais concède que son fils ne sera pas candidat. Ali Abdallah
Saleh affirme haut et fort qu'il ne remettra son pouvoir qu'à une assemblée
élue, la date pour ces élections se situe entre la fin 2011 et le début 2012.
Il ne cesse de rappeler qu'il est venu au pouvoir par les urnes et seul leur
verdict le fera partir si la décision lui est défavorable.
Avant cela, il
invite ceux qui exigent son départ à quitter le pays. Il cherche toujours et
encore à gagner du temps, sa ruse légendaire est son seul programme. Seulement
les trois piliers internes du régime sont fissurés : Le parti (le Congrès
Général du Peuple), l'armée et les tribus. De nombreux députés issus du parti majoritaire
ont démissionné, l'appuie d'officiers d'Etat major lui fait défaut, comme
indiqué plus haut, finalement l'une des tribus les plus importantes, les
Hached, ont retiré leur soutien. Les puissantes tribus s'unifient lentement
mais non sans hésitations pour se présenter comme principales acteurs du
changement et aussi comme le rempart contre la guerre civile.
Le ministre de la défense américaine, Robert
Gates, craint que la fragilisation de l'Etat renforce les milices d'Al Qaida,
toujours actives dans la péninsule, du moins semble-t-il. Sans parler de
l'importance stratégique de l'île de Périme, partie intégrante du Yémen et qui
contrôle l'accès sud de la mer rouge. En attendant les luttes pour le pouvoir
éclipsent le combat contre la pauvreté matrice des principaux maux du pays. Ali
Abdallah Saleh, demeure malgré tout fort de sa précieuse collaboration dans le
combat anti-islamiste. Il est certes de moins en moins soutenu par la
communauté internationale pour qui, peut être, le Yéménite type reste celui qui
tient une branche de qat dans une main et un fusil dans l'autre en criant
«Allah Akbar». Pour beaucoup d'étrangers, la post-révolution yéménite
reposerait sur le qat, le kalachnikov et le coran et non plus le parti, la
tribu et l'armée.
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Posté Le : 31/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Naoufel Brahimi El Mili
Source : www.lequotidien-oran.com