Algérie


Yémen
Accueillis comme des héros à l'aéroport d'Alger par le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Mounia Meslem, quelque 160 Algériens ont été rapatriés en urgence du Yémen où leur sécurité n'était plus assurée.La plupart sont des femmes et des enfants encore traumatisés par les récents événements «La violence de l'attaque de la coalition menée par l'Arabie Saoudite a été un choc pour mes enfants, déclare Horia, Algérienne établie au Yémen depuis une dizaine d'années.J'ai suivi mon mari, universitaire, le temps qu'il finisse ses études mais nous avions prévu de rentrer en Algérie. Nous avions décidé de rester parce que mon mari a eu une très bonne proposition de travail à l'université où il pouvait continuer à la fois ses recherches et dispenser des cours. On avait une vie sereine malgré les problèmes politiques depuis 2012.Nous avions des amis et on se permettait de rentrer, chaque année, en Algérie pour les vacances», raconte-t-elle. «J'ai connu la terreur des années 1990, je ne veux absolument pas que mes enfants vivent les atrocités d'une guerre. Nous voulions une meilleure situation pour notre famille et éviter de tomber dans un conflit entre sunnites et chiites, où les seules victimes ne sont que les populations civiles.» Cette pression a été vécue également par Abderrahmane Zekari, originaire de la wilaya de Biskra, un Algérien de 35 ans vivant à Dammaj, un village dépendant du gouvernorat de Sa'dah, situé au nord-ouest du Yémen, à la frontière de l'Arabie Saoudite.«Les Houthis n'ont pas cessé d'attaquer les villages et si le nombre de morts a augmenté en si peu de temps, c'est parce que nous n'avions pas accès aux soins. Le temps d'arriver à un centre de soins, il était déjà trop tard.» Abderrahmane confirme le décès de plusieurs Algériens qui ont succombé à leurs blessures : «Le terrain n'est pas sécurisé, il est quasiment impossible d'obtenir un chiffre exact.»LenteursPour sa part, Mehieddine Belkasmi, un autre ressortissant algérien, déplore l'acharnement des Houthis sur le village de Dammaj : «La situation est insoutenable surtout pour les enfants et les femmes, mais personne ne relaie ce genre d'informations. Les médias arabes ne parlent que de l'offensive, la population est totalement livrée à elle-même.» L'opération militaire «Tempête décisive», conduite par l'Arabie Saoudite au Yémen, entre dans sa troisième semaine. L'Organisation mondiale de la santé a annoncé que 540 personnes ont été tuées et 1700 blessées entre le 19 mars et le 6 avril.Ce bilan concerne notamment les civils. Il inclut plusieurs dizaines de tués dans un camp de déplacés dans le Nord, les ouvriers d'une cimenterie dans le Sud et les employés d'une laiterie dans l'Ouest. Les rebelles accusent la coalition d'être responsable de ces bavures. Celle-ci attribue certaines attaques aux Houthis. Pour sa part, l'Unicef fait état de 74 enfants tués depuis le 26 mars, d'un million d'enfants n'allant plus à l'école et de 100?000 déplacés par le conflit. «Nous avons subi les violences verbales et physiques des Houthis bien avant l'attaque de l'Arabie Saoudite.Depuis septembre, les rebelles houthis ont pris Sanaâ, la capitale, et ont tout désorganisé dans les provinces du Yémen. On aurait dû rentrer plus tôt en Algérie», explique un rapatrié déçu par la lenteur de la procédure de rapatriement. «Je conçois que le gouvernement algérien puisse mener des enquêtes sur ses ressortissants, mais ceci ne devait pas prendre autant de temps et nous pénaliser. Je suis bien content d'être rentré, mais je pense aux Algériens restés dans les autres villes qui n'ont toujours pas réussi à être rapatriés. Contrairement à ce que l'on pense, il y en a encore !», affirme-t-il inquiet.urgenceDès les premiers jours de l'attaque, de nombreux Algériens ont essayé de contacter l'ambassade d'Algérie au Yémen pour les aider à organiser leur départ et faciliter la procédure, surtout «aux femmes et aux enfants», cependant, plusieurs problèmes essentiellement bureaucratiques sont survenus.Dans certains témoignages de rapatriés, on comprend que d'autres Algériens ont organisé leur évacuation par leurs propres moyens parce qu'ils ont compris qu'il n'y aurait de place, à l'heure de l'opération de rapatriement, que pour les familles de diplomates et certains nantis qui avaient des contacts importants pour les aider. «Les autorités yéménites avaient prévenu l'ambassadeur d'Algérie au Yémen, Kamel Abdelkader Hijazi, au début de l'attaque, pour qu'il avertisse à son tour les autorités algériennes sur l'urgence de rapatrier les étudiants algériens sur place, de crainte de les voir enrôlés dans les rangs de la rébellion des Houthis», assure un autre rapatrié voulant garder l'anonymat pour ne pas nuire à sa famille en Algérie et craignant des représailles qui l'empêcheraient de retourner un jour au Yémen. La plupart des étudiants algériens ont intégré, c'est vrai, des filières religieuses.Cela n'en fait pas pour autant des extrémistes même si certains présentaient déjà un profil salafiste. Certains d'entre eux ont été approchés à plusieurs reprises par des groupes extrémistes, que ce soit des Houthis, Al Qaîda ou même Daesh. Si les autorités algériennes ont longtemps hésité à rapatrier certains Algériens restés au Yémen, c'est en partie pour des raisons de sécurité. Après plusieurs investigations, il a été découvert que 26 Algériens combattaient aux côtés des Houthis depuis l'offensive «Tempête décisive», cinq d'entre eux auraient été tués lors de bombardements.AvionRym K., une petite brune aux cheveux cuivrés et aux yeux clairs, a été plus chanceuse. «On m'a demandé d'éviter tout déplacement vers la ville portuaire d'Aden, un ami sur place m'a proposé de rejoindre un navire de guerre chinois et même un avion d'évacuation russe !», raconte Rym K., 36 ans, née en Algérie dans une famille avec des frères qui exercent depuis des années dans les Douanes algériennes. Après des études en marketing dans une école privée à Dubaï, Rym est sollicitée par plusieurs compagnies étrangères dans le monde arabe. Trilingue, elle a toujours su se faire une place dans son domaine où la concurrence est difficile. «Dès le début de ma formation, j'ai été repérée par des CEO pour passer des stages et finalement être recrutée dans les grandes directions.J'avais dans l'idée de quitter Sanaâ où j'étais installée depuis trois ans, et bien avant l'offensive de l'Arabie Saoudite sur le Yémen. Je ne portais pas ce que je voulais, je ne sortais que dans des endroits publics, mais ce n'était pas l'Afghanistan non plus ; je restais prudente. Je connaissais un diplomate algérien qui me demandait toujours et dans toutes les circonstances de faire attention dans mes déplacements. Je suis rentrée en Algérie par Djibouti, puis ce fut toute une acrobatie pour arriver à Dubaï, que je connaissais bien et où j'avais des amis. Dans ces moments-là, mieux vaut avoir les bonnes relations pour s'en sortir !», avoue-t-elle.Une source sécuritaire annonce qu'il y aurait 650 Algériens au Yémen, dont la majorité n'a pas été rapatriée. Une centaine d'entre eux serait des étudiants établis à Dammaj où ils étudient au centre sunnite Dar Al Hadith. D'autres Algériens en situation irrégulière n'ont pas été recensés parce qu'ils sont entrés au Yémen avec de faux documents et ont rejoint différent groupes djihadistes de la région.




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