Algérie

Yassine Bouhara achète Abraaj: un trader s’associe à Mehri



Yassine Bouhara achète Abraaj: un trader s’associe à Mehri
En quarante-huit heures, l’information aura fait le tour de toutes les rédactions économiques algéroises. L’homme d’affaires algérien Yassine Bouhara a décidé d’acquérir le groupe d’entreprises Abraaj basé à Dubaï et opérant sur six continents, selon la Chambre algérienne de commerce et d’industrie de France (CACI-France).

Le groupe Abraaj, en faillite, est une société fondée par l’homme d’affaires pakistanais Arif Naqvi, basée à Dubaï, dans les Emirats arabes unis.

En Algérie, le groupe ABRAAJ est présent à travers une participation de 49%, acquise en 2016, dans la société CEPRO. Le volume de 51% est détenu par Djamel Mehri.

Cepro est une entreprise qui opère dans le marché Algérien dans la fabrication et distribution de produits hygiéniques, à usage unique à base de cellulose (couches bébé et serviettes hygiéniques).

Elle dispose d’une usine ultra moderne à la zone d’activité de Tassala El Merdja, circonscription administrative de Birtouta, wilaya d’Alger.

Créée en l’an 2000, Cepro produit les marques BBCool, Finesse et Poupoune.

Cepro, dont l’actif est estimé à 70 millions de dollars, réalise un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 60 millions de dollars et dégage un bénéfice net de 5 millions de dollars.

ABRAAJ est également présent, depuis décembre 2014, dans le capital de la société La Flèche Bleue d’Algérie, qui peine à réaliser un chiffre d’affaires annuel de 220 millions de dollars, pour un résultat net de 1.5 millions $. La Flèche Bleue est spécialisée dans les services de transport et de logistique.

Yassine Bouhara, président Tell Group, une société de gestion de participations, et vice-président de la CACI-France a fait une offre d’achat sur les fonds d’Abraaj Group, qui gérait près de 14 milliards de dollars, selon la lettre de proposition de cet ancien banquier d’UBS Group AG. Il offre 25 millions de dollars pour transférer la gestion de sept fonds Abraaj à une nouvelle entité détenue à 20 % par Tell et à 80 % par les créanciers non garantis d’Abraaj.

Selon les mêmes sources, les créanciers non garantis, parmi lesquels Air Arabia PJSC et un fonds de pension koweïtien, deviendraient à cet effet actionnaires de la nouvelle société au moyen d’un échange de créances en actions, ajoutant que la direction d’Abraaj ne participerait pas à la nouvelle entreprise, selon la proposition.

Jusqu’à une date récente, Abraaj était le plus grand fonds de capital-investissement du Moyen-Orient et l’un des investisseurs les plus influents sur les marchés émergents du monde, avec des investissements en Afrique, en Asie, en Amérique latine et en Turquie. Il a été forcé à la liquidation après qu’un groupe d’investisseurs, dont la Fondation Bill & Melinda Gates, eut commandé un audit pour enquêter sur des soupçons de « mauvaise gestion » de l’argent dans son fonds de santé.

Un trader flamboyant

Ainsi, six anciens dirigeants d’Abraaj ont été inculpés par des procureurs américains pour « fraude et complot ». Le patron du groupe Arif Naqvi a été libéré le mois dernier à Londres, près d’un mois après avoir obtenu une mise en liberté sous caution record de 15 millions de livres (19 millions de dollars).

Doté d’un CV flamboyant et d’une ambition à toute épreuve, Bouhara a de quoi impressionner. Titulaire d’une maîtrise en économie de HEC Genève en Suisse, il a été nommé en juillet 2011 au poste de CEO, Global Emerging Markets pour UBS, à New York. En mars 2011, il a été promu co-responsable des valeurs mobilières en plus de son rôle dans l’équité. De septembre 2010 à juillet 2011, il travaille pour le compte de UBS au poste de directeur général du groupe et co-responsable des actions mondiales à New York, tout en étant membre du comité exécutif d’UBS Investment Bank.

Yassine Bouhara a occupé des postes de direction aux responsabilités croissantes. Jusqu’en juillet 2010, Yassine Bouhara a notamment travaillé à la Deutsche Bank AG à Londres en tant que responsable mondial de la structuration et responsable des marchés mondiaux pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique.

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De décembre 2004 à décembre 2008, il a occupé le poste de responsable mondial des actions et de responsable des marchés mondiaux dans la région MENA, où il a géré 2 800 rapports.

De 2004 à 2007, Yassine Bouhara a augmenté les revenus de Deutsche Bank Equities de 1 milliard d’euros par an. De janvier 2001 à décembre 2004, Yassine Bouhara a occupé le poste de responsable mondial des dérivés sur actions.

En 1997, Yassine Bouhara a été promu au poste de directeur général et s’est vu confier la responsabilité supplémentaire des ventes et de la structuration des actions européennes.

De plus, de mars 1993 à mars 1996, Yassine Bouhara a travaillé pour Merrill Lynch, où il a occupé le poste de coresponsable européen des dérivés sur actions.

Enfin, de mars 1990 à mars 1993, Yassine Bouhara a travaillé chez QT Optec AG en tant que trader de produits dérivés sur actions dans les bureaux de Zoug et de Francfort.

En plus de son expérience professionnelle, Yassine est titulaire d’une licence en sciences et d’une maîtrise en sciences commerciales et industrielles de l’Université de Genève HEC (1990).

Conflits d’intérêts

Ceci est le côté…disons : jardin. Il faut aussi aller voir son côté cour. Vice-président de la Caci-France, allié de Ali Haddad au FCE, avec lequel il fait plusieurs voyages de lobbying au profit de l’économie nationale et du commerce extérieur, on retrouve Yassine Bouhara notamment au canada, en France, à Londres, où il avait tissé des liens tenues avec la City, et aux Etats Unis avec le président du Forum des Chefs d’entreprises.

A la tête de Tell Group, il développe une plate-forme d’exploitation pour naviguer dans la nouvelle normalité des marchés financiers, se permettant de saisir les occasions de créer et de fournir une valeur aux investisseurs des marchés émergents. Son objectif est de tirer parti des possibilités, des tendances et des points de retournement du marché en difficulté ; les pays émergents, ou en voie d’émergence, comme les pays du Maghreb, sont particulièrement visés par la « machine Bouhara ».

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Tant au sein de la Caci qu’au sein du FCE, Bouhara a eu aussi à défendre les intérêts des entrepreneurs. En fait, les missions se sont souvent enchevêtrés dans la Caci, au point qu’on ne savait plus pour qui la Chambre algérienne de Commerce et de l’Industrie travaillait : pour l’Etat algérien, pour les réseaux franco-algériens ou pour les entrepreneurs du FCE.

Partenaire direct de la Chambre Algérienne de Commerce et de l’Industrie, la CACI-France bénéficiait aussi du maillage territorial de la CACI Algérie qui regroupe plus de 600 000 PME/PMI.

Preuve éclatante de sa puissance agissante, la CACI-France proposait aux hommes d’affaires français ou franco-algériens une gamme complète de services d’appui aux entreprises, depuis la prospection jusqu’à la création administrative et juridique d’une structure locale, ainsi que l’accompagnement opérationnel, en agissant comme un outil de représentation et d’influence

De ce fait, il a été dans la proximité des gouvernements Sellal puis Ouyahia, avant que la chute de Boutefilka ne vienne faire table rase de tout ce gotha économique.

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A un certain moment, Yacine Bouhara, alors patron de la société de gestion de participations algéro-émiratie, implante Tell Group à Casablanca. En Algérie, il a plusieurs projets en liaison avec le FCE. Avec le départ des Allemands, qui avaient proposés un partenariat d’exception aux Algériens, pour la production à grande échelle de l’énergie solaire, avant de se retirer en claquant la porte, sous l’influence des Français, Bouharra pointe sur le même registre et propose de prendre l’énergie naturelle en main.

Les fluctuations des marchés pétroliers et les pertes sèches que l’Algérie enregistre suivant un baril toujours se situant au plus bas à compter de 2014, le gouvernement Sellal se rappelle subrepticement qu’il fait partie de l’Afrique et que les pays subsahariens et africains sont sa famille naturelle. Intervient alors le Forum Africain d’Investissement et d’Affaires d’Alger de 2016. Haddad a beau jeu. Mohammed Laïd Benamor, Président du groupe agroalimentaire éponyme, et Bouhara, trader globe-trotter, sont de la partie. Le premier, président de la Caci Algérie, le second, vice-président de la Caci-France, épaulent Haddad. Tout est taillé à leurs convenances. Mais ce n’est que poudre aux yeux ; les Africains peuvent bien rêver : pour les hommes d’affaires algériens, les meilleurs affaires se font toujours en France, en Europe ou aux Etats Unis. Et ce sont eux qui entraînent le gouvernement dans leurs choix.

Cette génération de nouveaux patrons fait tilt chez le cercle décideur du système Bouteflika. Haddad, tout comme Benamor, Bouhara, ancien patron des marchés émergents chez UBS, et les jeunes loups du FCE ont réussi à faire basculer le centre de gravité des priorités économiques algériennes. Bouhara multiplie les initiatives pour faire connaître l’ « Algérie qui gagne ». C’est Bouhara qui est le maître-d’œuvre du premier forum d’affaires algéro-britannique, mobilisant ses réseaux financiers de la City de Londres.

Un vaste programme était déroulé, avant qu’il ne tombe de lui-même comme un château de cartes. Beaucoup de zones d’ombres persistent, et il n’est pas toujours aisé de voir clair dans ce capharnaüm d’affaires. Aujourd’hui, il sera difficile à la justice de démêler l’écheveau dans tout cet imbroglio politico-financier où les accusés peuvent se réclamer de la légalité dans la conduite de leurs affaires.


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