Algérie

Yasmina Khadra au Quotidien d'Oran «Ma probité intellectuelle n'est pas négociable»



Petit à petit, Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, s'installe dans sa fonction de Directeur du Centre culturel algérien à Paris. Entre deux rendez-vous, il répond aux questions du Quotidien d'Oran (*). Le Quotidien d'Oran : Votre nomination a pris tout le monde de court. Depuis le départ de votre prédécesseur pour l'Institut du monde arabe, bien des noms ont circulé pour la direction du CCA. Et, au final, c'est Yasmina Khadra qui s'y installe... Yasmina Khadra : Ma désignation a suscité des réactions partagées. La plupart des intellectuels algériens, me semble-t-il, ont applaudi. Ils ont compris que le fait que je dise «oui» à la direction du CCA ne signifie pas quelque compromission. Selon une vieille idée reçue algérienne, la nomination à un poste rime avec privilèges. Je ne suis pas dans cet état d'esprit. En acceptant ce poste, je renonce à nombre de privilèges parmi lesquels mon autonomie, mon indépendance, ma liberté absolue. Q.O. : Vous renoncez à tout cela, à votre liberté intellectuelle... Y. K. :...Non ! Non ! Non ! Je ne renonce pas à ma probité intellectuelle. Je ne m'en suis jamais séparé. C'est elle qui m'a permis de transcender, de supplanter les basses manoeuvres, d'aller en toute confiance vers ce qui m'importe. Ma probité n'est pas négociable. C'est grâce à elle que j'impose le respect, lève le gibier et renvoie à chacun son image. Je parlais de ma liberté ordinaire, mon autonomie, mon indépendance. J'étais libre, disposais du temps comme bon me semblait, n'avais de compte à rendre à personne. Lorsque le devoir m'appelait quelque part, c'est pour parler de mes livres, élargir mon audience, consolider mon écho.  Je suis en plein essor planétaire, aujourd'hui, et cela exige une disponibilité permanente. Mes livres sortent sur les 5 continents, et l'ensemble de mes éditeurs souhaitent ma présence pour faire leur promotion. Eh bien, mon poste de directeur va réduire considérablement cette disponibilité.   Q.O.: C'est-à-dire... Y. K.:... j'étais dans ma bulle, je vivais pleinement ma passion d'écrivain. Quand je prends un avion ou un train, c'est pour aller à la rencontre de mes lecteurs, débattre de mon oeuvre. Certains, je dis bien certains, croient déceler dans l'acception de ce poste un manquement à ma probité intellectuelle. Ceux-là, manifestement, n'ont pas compris l'homme que je suis. Je n'ai que faire de leur amitié, je n'ai que faire de leur soutien. C'est désolant de constater qu'il existe encore des gens qui, malgré leur statut d'intellectuel et le désarroi dans lequel se diluent nos certitudes, n'arrivent pas à s'éveiller aux êtres et aux choses, qu'ils persistent à ramener les faits d'armes à du folklore et la prouesse à une acrobatie suspecte. J'ai toujours été intègre, tellement intègre que cela dépasse l'entendement. Je comprends leur méfiance, mais je redoute qu'elle se mue en paranoïa. L'Algérie n'est pas un dépotoir, et sa vocation n'est pas de produire exclusivement des ordures et des détritivores. Il existe des gens bien, consciencieux et responsables. On n'a pas le droit de les chahuter seulement parce qu'on a perdu la foi en notre pays. Ce sont les épreuves qui forgent les convictions. Et je m'inscris dans ce combat qui se mène à contre-courant et qui consiste à renouer avec l'espoir et la nécessité, pour nous, de prouver que l'honnêteté n'est pas une tare. Que me reproche-t-on au juste ? De chercher à contribuer à quelque chose de bien ? De renoncer à mon confort personnel pour être aux côtés de ceux qui sont dans le besoin d'une écoute, d'un soutien, d'un réconfort ? CAISSE A RESONANCE


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