Algérie

Yasmina khadra



Yasmina khadra
Par Yasmina khadra

Dans mon roman "Qu'attendent les Singes", paru 2 semaines avant les élections présidentielles d'avril 2014,
j'avais écrit ceci:
"Je refuse de croire au recyclage de ton malheur, Algérie. Ton simulacre de victime expiatoire ne trompe personne et ta convalescence n’a que trop duré. Un jour, le voile intégral qui te dérobe au génie de tes prodiges tombera et tu pourras te mettre à nu pour que le monde entier voie que tu n’as pas pris une seule ride, que tes seins sont aussi fermes que tes serments, ton esprit plus clair que l’eau de tes sources et tes promesses toujours aussi intactes que tes rêves. Algérie la Belle, la Tendre, la Magnifique, je refuse de croire que tes héros sont morts pour être oubliés, que tes jours sont comptés, que tes rues sont orphelines de leurs légendes et tes enfants rangés à la consigne des gares fantômes. S’il faut secouer tes mon- tagnes pour les dépoussiérer, boire la mer jusqu’à la lie pour que tes calanques se muent en vergers, s’il faut aller au fin fond de l’enfer ramener la lumière qui manque à ton soleil, je le ferai."
Je suis fier de chaque mot de ce texte parce qu'aucun d'eux n'a tremblé ou hésité à une époque où les rossignols chantaient pour les sourds. C'était l'époque où l'on ne donnait pas cher de la peau d'une Algérie vouée aux gémonies, cruficiée sur les râteliers des noceurs et des vauriens guettant la curée, une époque tragique et scélérate lorsque l'allégeance se monnayait à la baisse tant l'offre dépassait la demande. Et pourtant, j'étais sûr que notre pays allait se relever de ses décombres. Aujourd'hui, le rêve est devenu réalité. Voir notre peuple opérer une révolution unique dans l'Histoire, sans fard ni fanfare, avec juste du coeur et une foi inflexible, le voir chaque vendredi communier avec ses martyrs et ses héros et remplir les rues et les places de ses voeux les plus chers, le voir se rejoindre pour fusionner, devenir chair dans la chair, devenir âme dans l'âme, est un instant de grâce sans pareil.
Que le jour se lève enfin sur la terre des braves, qu'il éclaire pour toujours cette jeunesse prodigieuse qui est en train de donner une leçon de maturité à l'humanité entière, avec ses chantres et ses érudits, ses poètes et ses sages.
J'ai toujours été fier d'être Algérien. Aujourd'hui, je sais pourquoi.
Merci à vous, Marcheurs tranquilles, trappeurs du temps perdu, dignes enfants de mon pays.


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