Algérie - Aït Iraten


L'Académie berbère s'est basée sur le fait que les nord africains avaient coutume de célébrer Yennayer tous les 12 janvier de chaque année pour le décréter comme « nouvel an amazigh ». C’est Ammar Negadi[4] qui mis en avant un calendrier berbère, en 1980, basé sur un évènement marquant dans l’histoire du peuple amazigh, un fait historique incontestable pour en faire le point zéro du calendrier. Son choix s’est porté sur l’an 950 avant Jésus-Christ qui correspond à la date où le roi berbère Sheshonq Ier (ⵛⴻⵛⵓⵏⴽ) (orthographié également Chichnaq ou Chichneq) fut intronisé pharaon d’Égypte et fonda la XXIIe dynastie qui régna sur l'Égypte jusqu’à l’an 715 av. J.-C. Ce roi berbère avait réussi à unifier l’Égypte pour ensuite envahir la Palestine. On dit de lui qu’il s’empara des trésors du temple de Salomon à Jérusalem en 926 avant Jésus-Christ. Cette date est mentionnée dans la Bible et constituerait, par-là-même, la première date de l’histoire berbère sur un support écrit. Le roi Sheshonq est évoqué dans la Bible sous le nom de Sésaq et Shishaq (שִׁישַׁק) en hébraïque ancien.

Étymologie Modifier

Yennayer est mot composé de deux mots berbères ; yen (yan) qui veut dire le numéro 1 et ayer (ayur) qui veut dire mois . Alors yennayer veut dire le premier mois. C'est une étymologie folklorique. Yennayer est la prononciation kabyle ou arabe du mois de janvier qui se nomme en latin Ianuarius.

La fête et la tradition Modifier

Yennayer est une fête très répandue, à travers toutes les régions de l'Algérie où elle est considérée comme une célébration nationale. Cette fête est aussi fêtée parmi les autres communautés nord-africaines, comme au Maroc.

Imensi umenzu n yennayer (le dîner du 1er jour de janvier) Modifier
Le repas, préparé pour la circonstance, est assez copieux et différent du quotidien. Les rites sont effectuées d’une façon symbolique. Ils sont destinés à écarter la famine, augurer l’avenir, consacrer le changement et accueillir chaleureusement les forces invisibles auxquelles croyait le Berbère. Pour la préparation de « imensi n yennayer », le Kabyle utilise la viande de la bête sacrifiée (asfel), souvent de la volaille, mélangée parfois à la viande séchée (acedluh) pour agrémenter le couscous, élément fondamental de l’art culinaire berbère. Le plus aisé affiche sa différence. Il sacrifie une volaille par membre de la famille. Le coq est pour l’homme (sexe masculin) et la poule pour la femme (sexe féminin). Un coq et une poule sont attribués à la femme enceinte dont l’espoir qu’elle n’accouche pas d’une fille qui était hélas souvent mal accueillie au sein du système patriarcal de certaines tribus.

En revanche, le premier yennayer suivant la naissance d’un garçon était d’une grande importance. Le père effectue la première coupe de cheveux au nouveau-né et marque l’événement par l’achat d’une tête de bœuf. Ce rite augure à l’enfant le rôle de futur responsable du village. il est répété lors de la première sortie du garçon au marché. Il est transposé, dans les mêmes conditions, à la fête musulmane de l’achoura, dans certaines localités berbérophones.

« Imensi n yennayer » se poursuit tard dans la nuit et la satiété est de rigueur. C’est même désobligeant pour la maîtresse de la maison (tamgart n wexxam) de ne pas se rassasier. C'est aussi un repas de communion. Il se prend en famille. On réserve la part des filles mariées absentes à la fête. On dispose autour du plat commun des cuillères pour signaler leur présence. À travers les génies gardiens, les forces invisibles participent au festin par des petites quantités déposées aux endroits précis, le seuil de la porte, le moulin de pierre aux grains, le pied du tronc du vieux olivier, etc. et la place du métier à tisser qui doit être impérativement enlevé à l’arrivée de yennayer. Sinon les forces invisibles risqueraient de s’emmêler dans les fils et se fâcheraient. Ce qui est mauvais pour les présages.

Pour le Kabyle, « amenzu n yennayer » détermine la fin des labours et marque le milieu du cycle humide. Les aliments utilisés durant ce mois sont les mêmes que ceux de la période des labours. La nourriture prise est bouillie, cuite à la vapeur ou levée. Les aliments augmentant de volume à la cuisson sont de bon augure. La récolte présagée sera d’une grande quantité. Les différentes sortes de couscous, de crêpes, de bouillies, etc., et les légumes secs les agrémentant apparaissent. Les desserts servis seront les fruits secs (figues sèches, abricots secs, noix, etc.) de la récolte passée, amassés dans de grandes et grosses cruches en terre pourvues d’un nombril servant à retirer le contenu (ikufan).

Le mois de yennayer est marqué par le retour sur terre des morts porteurs de la force de fécondité. Durant la fête, les femmes kabyles ne doivent pas porter de ceinture, symbole de fécondité. Celles transgressant la règle subiraient le sortilège de la stérilité. « Imensi n yennayer » nécessite des préparatifs préalables. Dans les Aures et en Kabylie, la veille, la maison est méticuleusement nettoyée et embaumée à l’aide de diverses herbes et branches d’arbres (pin, autres). Elle ne le sera plus, durant les trois jours suivants sinon le balai de bruyère, confectionné pour la circonstance par les femmes lors de leur sortie à la rencontre du printemps (amagar n tefsut), blesserait les âmes errantes. On procède au changement des pierres du kanun (inyen n lkanun).

Tous les gestes accomplis pendant la fête se font avec générosité et abondance. Les participants à la célébration, estiment recevoir, par leurs actions, la bénédiction des forces invisibles circonscrivant chez le Berbère son univers de croyance.

Les jeux Modifier
Les masques symbolisent le retour des invisibles sur Terre. En période du mois de yennayer, les enfants en Kabylie et dans l'Oranie se déguisaient (chacun confectionne son propre masque) et parcouraient les ruelles du village. Passant de maison en maison, ils quémandaient des beignets sfendj ou des feuilletés de semoule cuits lemsemmen pour qui les gens s’obligent de donner. Par ce geste d’offrande, le Berbère de Kabylie tisse, avec les forces invisibles, un contrat d’alliance qui place la nouvelle année sous d’heureux auspices.

Ce rite, comme celui de la première coupe de cheveux du nouveau-né, est transposé à l’Achoura et repris lors de la période des labours. Le paysan distribuait d’humbles offrandes aux passants croisés sur son chemin et déposa de petites quantités de nourritures dans des lieux saints, en se rendant dans ses champs. Amenzu n yennayer marqua toutes les régions berbérophones par des jeux liés aux morts de retour sur Terre : carnaval de Tlemcen, jeux de taγisit (os) des femmes de Ghadamès, ...

Le mythe de la vieille Modifier
Dans l’univers culturel berbère, un drame mythique marqua, de sa forte empreinte, yennayer. Des histoires légendaires sont différemment contées au sujet d’une vieille femme. Chaque contrée et localité ont leur version. Les Kabyles disaient qu’une vieille femme, croyant l’hiver passé, sortit un jour de soleil dans les champs et se moquait de lui. Yennayer mécontent emprunta deux jours à furar (février) et déclencha, pour se venger, un grand orage qui emporta, dans ses énormes flots, la vieille.

Chez les At-Yenni, la femme fut emportée en barattant du lait. Chez les At-Fliq, il emprunta seulement un jour et déclencha un grand orage qui transforma la vieille en statue de pierre et emporta sa chèvre. Ce jour particulier est appelé l’emprunt (Amerdil). Le Kabyle le célébra chaque année par un dîner de crêpes. Le dîner de l’emprunt (Imensi umerdil) fut destiné à éloigner les forces mauvaises.

À Azazga et à Béjaïa (en Algérie), la période de la vieille (timγarin) duraient sept jours. Le mythe de la vieille exerçait une si grande frayeur sur le paysan berbère au point que celui-ci était contraint à ne pas sortir ses animaux durant tout le mois de yennayer. Le pragmatisme a fait que les jours maléfiques furent adaptés par le Kabyle à l’organisation hebdomadaire des marchés dans les villages. Cette répartition du temps de la semaine est encore d’actualité. Chaque commune de Kabylie possède son jour de marché. Pour l’esprit rationnel le tabou de ne pas sortir les animaux s’explique plutôt par l’utilisation de la bête comme source de chaleur pour la famille durant le mois le plus froid de l’année. L’architecture intérieure de la maison traditionnelle étaye au demeurant cette argumentation.

Le mythe de la vieille marqua, d’ouest en est, les régions berbérophones. À Fès (au Maroc), lors du repas de yennayer, les parents brandissaient la menace de la vieille, appelée "Hagouza" du mot arabe "ajouza" signifiant la vieille, si leurs enfants ne mangeaient pas à satiété : « la vieille de yennayer viendra vous ouvrir le ventre pour le remplir de paille ». Ainsi le nom du plat à base de lait et de grains de blé porte-t-il également le nom de Hagouza [1].

À Ghadamès (en Libye), « Imma Meru » était une vieille femme, laide, redoutée malfaisante. Elle viendrait griffer le ventre des enfants qui ne mangeraient pas des légumes verts durant la nuit du dernier jour de l’an, disaient les parents. Pour permettre aux jeunes pousses d’aller à maturité, l’interdit de les arracher s’applique par « Imma Meru a uriné dessus ». Étant conté différemment, dans la quasi-totalité des régions berbérophones, le drame légendaire de la vieille de yennayer a le même support culturel.

Des traditions berbères liées au changement de l’année se retrouvent dans plusieurs régions d’Afrique, voire du bassin méditerranéen. Elles s’apparentent parfois à de la superstition néanmoins elles participent à la socialisation des personnes, harmonisent et renforcent le tissu culturel. Des peuples d’identités différentes, considèrent les divers rites de yennayer faisant partie intégrante de leur patrimoine culturel.


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