Algérie - Yahia Belaskri

Yahia Belaskri : Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut



Yahia Belaskri : Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut
Cet été j'ai lu, à l'occasion de la coupe du monde de football en Afrique du Sud, un recueil de onze nouvelles consacré à ce sport avec autant d'auteurs. J'avais été marqué par la violence et la justesse de l'une d'entre elles écrite par Yahia Belaskri. Aussi, c'est avec une certaine satisfaction que je me suis plongé dans ce deuxième roman édité chez Vents d'ailleurs.

Déhia. Adel. Deux destinées liées. Ce couple séjourne pendant ses vacances quelque part en bord de mer d'un pays qui ressemble à l'Italie. Peu importe. Yahia Belaskri donne quelques indices en évitant de nommer explicitement les lieux. On sent dans les intermèdes où le présent s'invite, où ces vacances sont évoquées, que tout est fragilité, attention, amour, écorchures du passé entre cet homme et cette femme. Et une mer qui les sépare de la terre d'origine.

C'est sur les causes de cette fragilité que Yahia Belaskri décide de porter son regard en revenant sur le cheminement sur la terre du Maghreb originelle. Dehia. Jeune enseignante d'une université d'une grande ville, elle se dévoue à cette tâche de transmission du savoir avec toutes les difficultés que peut rencontrer une femme dans un univers où l'obscurantisme religieux qui touche la jeunesse estudiantine à plus en plus prise et la corruption des élites est devenue un sport national. Évoluant, dans un milieu aisé, entouré par des parents émancipés, on voit au travers du regard faussement insouciant de Déhia que la violence est néanmoins à tous les coins de rue. Elle raconte une journée où il pleut. Une journée partagée entre ses cours, sa mère, son amant. Une journée où tout va basculer quand la violence de la société va s'abattre sur ses êtres les plus chers.


Adel quant à lui est un cadre supérieur consciencieux. Issu des milieux les plus modestes, il est parvenu à se faire une place au soleil à force d'instruction et en rompant avec le fief familial pour s'établir dans une autre grande ville du pays. Compétent, probe, il fait partie de ces hommes intègres qui souhaitent améliorer le cadre de travail et la productivité des structures dans lesquelles il évolue, mais qui se heurtent au népotisme, au clientélisme, à la corruption et autres maux qui gangrènent cette société.

Quand l'amour pointe son bout du nez, laissant de nouvelles perspectives à Adel, un acte terroriste réduit à néant tous ses espoirs, écrasant sous les décombres le corps sans vie de l'être aimé...


C'est une reconstruction commune que tentent ensembles Adel et Déhia loin de cette terre de violence, de l'autre côté de la Méditérrannée...

Mais quelques formes que puissent prendre l'exil physique, peut-on réellement échapper, se soustraire à son passé?

C'est la question qui me taraude l'esprit en terminant cet ouvrage. Le point de vue de Belaskri est intéressant. Si je n'ai pas accroché sur une partie du parcours de Déhia qui traite de manière brutale du fondamentalisme religieux qui façonne la société dans laquelle elle vit, j'ai été beaucoup plus sensible au portrait d'Adel et surtout de Badil qui est un peu la surprise dans la construction de ce roman. Je n'en dirai pas plus sinon j'en dirai trop sur les développements autour de Badil, frère cadet pommé d'Adel.

Belaskri nous conte très bien toute cette violence. On la retrouve dans sa manière d'écrire, dans l'enchainement des verbes, avec une forme d'essoufflement du coureur grec qui annonce la victoire de Marathon. Les descriptions sans être trop longues sont imprégnées de ce rythme très marqué dans la narration des deux personnages d'Adel et Badil. Un livre dur, qui nous parle d'un monde qui se déshumanise. La pluie ne vient pas toujours d'en haut.


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