Algérie

YABOUS---------Les regrets du général Massu---------


YABOUS---------Les regrets du général Massu---------


Les regrets du général Massu

Nommément mis en cause dans le témoignage de Louisette Ighilahriz, les généraux Massu et Bigeard avaient réagi immédiatement et leurs propos reproduits dans "Le Monde" du 22 juin : tandis que Marcel Bigeard qualifiait de "tissu de mensonges" le récit de la militante algérienne, Jacques Massu allait jusqu'à exprimer des regrets à l'égard de l'emploi de la torture. "Non, la torture n'est pas indispensable en temps de guerre, on pourrait très bien s'en passer, confiait le vainqueur de la bataille d'Alger. Quand je repense à l'Algérie, cela me désole, car cela faisait partie […] d'une certaine ambiance. On aurait pu faire les choses autrement ".

Dans le même numéro du quotidien parisien, Philippe Bernard remarquait que "le travail de mémoire s'accélérait, un an après le vote historique des députés, le 10 juin 1999, permettant de qualifier de "guerre" des événements qui, officiellement, n'avaient consisté qu'en des opérations de "maintien de l'ordre". Depuis lors, l'accumulation de confessions reflète un mouvement inédit de retour sur un "passé qui ne passe pas", rappelant la résurgence de la mémoire de l'occupation nazie à partir des années 70".
L'Appel de douze intellectuels français

Le 31 octobre, le quotidien communiste "L'Humanité" publie l'Appel de douze intellectuels demandant la reconnaissance et une condamnation officielles de la torture pendant la guerre d'Algérie. Signé par douze des principales personnalités ayant milité contre cette "gangrène" – parmi elles Henri Alleg, auteur de "La Question"; Josette Audin, épouse de Maurice Audin, universitaire assassiné après avoir été torturé en 1957 et dont le corps n'a jamais été retrouvé; les historiens Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet et Jean-Pierre Vernant -, le texte invoque le "devoir de mémoire auquel la France se dit justement attachée". Les signataires demandent au président de la République, Jacques Chirac, et au premier ministre, Lionel Jospin, "de condamner ces pratiques par une déclaration publique" et invitent "les témoins, les citoyens à s'exprimer sur cette question qui met en jeu leur humanité".

Les douze intellectuels appellent à "une démarche de vérité qui ne laisse rien dans l'ombre", mais n'envisagent pas qu'elle ait une dimension judiciaire. L'une des signataires, l'ethnologue et résistante Germaine Tillon estimera, le 23 novembre, qu'il fallait "condamner la torture, mais pas les hommes", qui, dit-elle, "étaient pris dans des situations dramatiques"top.

Le 4 novembre, lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le premier ministre, Lionel Jospin, apporte son soutien à cet appel. Rappelant la reconnaissance par Jacques Chirac, président de la République, le 16 juillet 1995, de la responsabilité de la France dans la persécutions des juifs entre 1940 et 1944, ainsi que l'installation de la commission Matéoli sur la spoliation des biens juifs, qui ont "permis de faire uvre de lucidité et, partant, uvre de mémoire", il reconnaît que la torture, pendant la guerre d'Algérie, a été pratiquée "avec l'aval de certaines autorités françaises" et déclare :

"Aussi nous appartiendra-t-il sans doute demain de veiller à ce que d'autres moments sombres de notre histoire nationale fassent l'objet du même effort. Mon gouvernement l'a entrepris en ce qui concerne les événements tragiques du 17 octobre 1961, qui ont provoqué la mort à Paris de dizaines d'algériens. La France devra continuer à le faire avec la même exigence". "Je suis convaincu, a-t-il poursuivi, que ce travail de vérité n'affaiblit pas la communauté nationale. Au contraire, il la renforce en lui permettant de mieux tirer les leçons de son passé, pour construire son avenir".
L'aveu des généraux

Le 23 novembre, "Le Monde" publie, en première page, sous le titre : "Torture en Algérie : l'aveu des généraux", les témoignages de deux principaux chefs militaires de la bataille d'Alger en 1957. Dans les entretiens qu'ils accordent au quotidien français, le général Jacques Massu, 92 ans, à l'époque commandant de la 10e division parachutiste et investi des pouvoirs de police, et le général Paul Aussaresses, 82 ans, alors commandant chargé du renseignement, racontent "la torture et les exécutions sommaires".

Jamais Paul Aussaresses, note le journal, n'avait été si loin dans la description du système de la torture et des exécutions sommaires. Il précise que les hauts responsables politiques de l'époque étaient "parfaitement au courant". Il confirme les chiffres cités par Paul Teitgen, alors secrétaire général chargé de la police à la préfecture d'Alger : 3'024 personnes disparues parmi 24'000 assignées à résidence. "Je lui faisais signer des assignations à résidence, ce qui permettait d'enfermer les personnes arrêtées dans des camps. [] En fait, on exécutait ces détenus." Il dit avoir tué lui-même 24 prisonniers algériens et ajoute : "La torture ne m'a jamais fait plaisir, mais je m'y suis résolu quand je suis arrivé à Alger. A l'époque, elle était déjà généralisée. Si c'était à refaire, ça m'emmerderait, mais je referais la même chose, car je ne crois pas qu'on puisse faire autrement [] Il m'est arrivé de capturer des types haut placés au sein du FLN et de me dire : "Celui-là est dangereux pour nous, il faut le tuer" et je l'ai fait, ou je l'ai fait faire."

Le général Massu estime que la pratique de la torture devrait être reconnue par la France et condamnée : "Je pense que ce serait une bonne chose. Moralement, la torture est quelque chose de moche, je prendrais donc cela pour une avancée." Le général Aussaresses n'est pas de cet avis : "On n'a pas à se repentir. Qu'on reconnaisse des faits précis et ponctuels, oui, mais en prenant garde à ne pas généraliser. Pour ma part, je ne me repens pas."top

Le général Marcel Bigeard, qui assure ne pas avoir torturé lui-même, considère qu'il "fallait que cela se fasse". "La torture, c'est exact", déclare pour sa part à l'Agence France Presse (AFP) le général en retraite Bernard Gillis, délégué national du Cercle des Combattants d'Afrique du Nord française, en soulignant que l'armée agissait "sur ordre des pouvoirs publics".

Le ministre de la Défense Alain Richard souligne, pour sa part, que l'armée serait satisfaite "que la transparence soit faite sur ces questions". Il ajoute que "les règles d'action des militaires français excluraient de telles pratiques" de nos jours.
Lionel Jospin : une vérité qui doit être dite

Le groupe communiste à l'Assemblée nationale demande la création d'une commission d'enquête sur ces évènements, tandis que le Mouvement contre le racisme et l'anti-sémitisme et pour la paix (MRAP) estime que la reconnaissance de la torture ne suffit pas, et qu'il faut aussi "réparer".

Le 25 novembre, en marge du congrès du Parti socialiste, à Grenoble, le premier ministre, Lionel Jospin, oppose une fin de non-recevoir à la demande du Parti communiste de créer une "commission d'enquête parlementaire" et souligne que si les responsables politiques ont la possibilité de "s'exprimer librement sur ce sujet", ce ne sont pas "à des instances politiques collectives de faire ce travail".

La pratique de la torture pendant la guerre d'Algérie, dit-il, ne relève "pas d'un acte de repentance collective mais de la recherche de la vérité", recherche qui passe par les historiens. "Pourquoi devraient se repentir ces centaines de milliers de jeunes gens du contingent qui ont été dans ders conditions très difficiles dans ce conflit", alors même "qu'à des moments décisifs pour la République contre des putschistes et des factieux", ces jeunes du contingent "nous ont aidé à assurer la réalité républicaine".

La torture, insiste-t-il, "n'est pas un problème dont la France puisse s'accuser et se culpabiliser globalement. […] Les exactions qui ont pu avoir lieu à l'occasion de ce conflit, qui était un conflit colonial, ne relèvent pas à mon avis d'un acte de repentance collective. [] Ce n'est pas quelque chose qui relève même de procédures judiciaires. C'est quelque chose qui relève d'une vérité qui doit être dite".

Devant le congrès du Parti socialiste, un ancien dirigeant historique de la révolution algérienne, Hocine Aït Ahmed, déclare qu'un débat sur la torture pendant la guerre d'Algérie permettra de découvrir "aussi qu'il y a eu des tortures du côté du FNL" algérien. [Propos qui seront vigoureusement critiqués, quelques jours plus tard, par le quotidien algérien "El Moudjahid" et par le journal du Front de Libération Nationale (FLN, ex-parti unique) qui accusent Aït Ahmed de mettre sur le même pied d'égalité les "crimes" de l'armée française et la "lutte" des combattants algériens pour l'indépendance.]

-yabous le 02/07/2010

a.mokrani

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