Ya rayiii...

Il est pourtant bien éduqué le gosse. Sa maman est vraiment à cheval sur tout ce qui peut influer la construction de sa personnalité. Pas de zghid. Ses fréquentations sont contrôlées sans trop de pression. Il sort de la maison pour rentrer à des heures raisonnables. Il est poli mais il a le sens de la répartie.

Sa mère, qui travaille chez une célèbre rhumato, lui demanda un jour d?attendre le peintre qui devait faire des travaux dans la maison.

- C?est toujours le même, maman ? C?est le peintre nigrou ?

- Tu n?as pas honte ? Nigrou, c?est du racisme !

- Pardon mama, c?est toujours le même ? C?est le peintre lazrag ?

L?engueulade de la maman se transforme en sourire, et c?est à chaque fois la même technique. C?est comme le jour où il était certain de recevoir la tannée pour un mauvais comportement. Il se met à crier avant même que la maman ne lève sa main.

- Mais pourquoi tu cries ? Je ne t?ai même pas touché !

- C?est parce que je sais que tu vas me faire mal !

Impuissante, la maman avale sa colère et l?enfant échappe artistiquement à la fessée. Mon Dieu, se dit chaque fois la maman, s?il pouvait utiliser cette intelligence en classe, je serais la plus heureuse des mères.

Mais ce qu?elle n?acceptait surtout pas de sa part, c?est cette manie de chanter du raï à la maison. Pourtant, aucune cassette ni CD ne traînait à l?intérieur de la maisonnée. La musique n?y était pas interdite, mais de là à autoriser la circulation de toutes ces insalubrités musicales, pas question ! Mais rien à faire, il ne faisait pas un pas sans le « Ya rayiii..., galetli nebghik et moi j?ai pas entendu dellali... ». Là, il avait beau utiliser sa malice pour échapper à la fessée, oualou, il la recevait son engueulade. Mais c?était plus fort que lui cette chanson toc qui était son tic.

Mais il en avait marre. Un jour, croyant faire plaisir à sa maman, alors qu?il était dans les toilettes, il se mit à chanter à tue-tête « Talaa el-badrou alayna ». Hors d?elle, sa maman, à travers la porte des toilettes, lui dit: « T?as pas honte ? Tu te permets un nachid dini dans les toilettes ?

Sans hésiter, le gosse revient à son « Ya rayiii..., galetli nebghik et moi j?ai pas entendu dellali... ». Piégée, la maman ne sut quoi dire.

Au fait, c?est à chaque chanson son endroit.