Algérie

Washington et la «cocotte-minute»



L'embarras est extrême à Washington au sujet des évènementsau Pakistan. Le joli discours sur la démocratie est, une fois de plus,totalement pris à défaut par le soutien à un autocrate qui a décidé desuspendre la Constitution et donc de révoquer le droit, ce fameux « Rule of Law» que l'on exige des ennemis et qu'on occulte de rappeler aux copains.  La Maison-Blanche adonc demandé à son protégé pakistanais de lâcher un peu de lest, mais cette positionest sans commune mesure avec son attitude, par exemple, à l'égard d'HugoChavez, président indéniablement élu. Car si Condoleezza Rice s'est réjouie dela promesse faite hier par le général Musharraf de quitter l'armée etd'organiser des législatives avant la mi-janvier, elle feint d'ignorer quecelui-ci postule que la Cour suprême avalise préalablement sa réélection. Or,le coup de force qu'il a commis s'explique par ses craintes que la Cour suprêmerefuse d'avaliser sa réélection. Il faut donc prendre la « réjouissance » deMme Rice pour ce qu'elle est réellement: un soutien au coup de force deMusharraf.  Ce qu'on luidemande, ce n'est pas de rétablir la Constitution et la Cour suprême qu'il arévoquée, mais uniquement d'abandonner la tenue militaire. Son crédit a beauêtre au plus bas chez les Pakistanais, cela ne compte pas. Ce qui compte pourWashington, c'est de préserver un «allié» dans la guerre globale contre leterrorisme. De Robert Gates à Negroponte, ce plat réalisme, absolument antidémocratique,est décliné sans états d'âme: Musharraf est leur gars et ils ne peuvent sepermettre de le lâcher. Il ne reste qu'à assister à d'étranges contorsions delangage, du genre - dixit John Negroponte -: «Le partenariat avec le Pakistanet son peuple est la seule option». Qui c'est le Pakistan et son peuple ? Ce nepeut être que Musharraf, l'ami, l'allié, malgré les manifestations sous étatd'urgence, malgré des avocats qui défendent le droit, malgré un président de laCour suprême qui appelle à une insurrection civique.  On peut dès lors sedemander, sans ironie aucune, si un président élu dans l'aire arabo-islamiquepeut être un « ami » de Washington ? Pour l'instant, ses amis sont à unedistance martienne des normes démocratiques minimales. Et ces amis-là sont defait les grands fabricants du radicalisme islamiste qu'ils sont censéscombattre sous le parrainage des Américains.  Benazir Bhutto estrevenue au Pakistan avec une injonction «amicale» des Américains pour qu'elleconstitue une alliance avec Musharraf contre les islamistes. Intuitivement,elle a compris qu'elle avait tout à perdre à se fourvoyer dans un quelconquesoutien au coup de force, même s'il s'est fait, comme d'habitude, derrière lamise en avant de l'ogre islamiste. Quels que soient ses calculs pour le futur,elle a agi avec lucidité en tenant compte de la «cocotte-minute» qu'est devenuson pays plutôt que des conseils avisés américains. La situation n'est plusréduite au plus mauvais scénario: celui d'une bataille entre les islamistes etle pouvoir. C'est sans doute le seul aspect positif d'une crise qui n'est pasfinie.


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