«Un fonctionnaire
s'inquiète sur sa carrière jusqu'à ce qu'il soit nommé wali, un wali s'inquiète
sur la sienne au moment où il en est nommé».
Ils ne sont pas
nombreux. Ils se comptent sur la tête des wilayates.
Pourtant ils régentent des millions de citoyens. Ils focalisent à eux seuls toute la quintessence ou du vice ou de la vertu de la
république.
Le rapt du wali
d'Illizi a été une levée de couvercle sur un domaine
public vaste et opaque. Une opportunité pour la Libye de se réinstaller dans
le noyau diplomatique de la région. Il est aussi un alibi majeur pour
pourfendre la sécurité nationale. Loin d'être dans la mécanique sécuritaire, la
faille serait due à la forte modestie de l'homme. Hamoudi
Khalfi est un brave type disent ses amis. Votre
serviteur n'y disconvient pas et y souscrit totalement. Mohamed Laid Khalfi est un wali très modeste disent ses fonctionnaires.
Avec ou sans escorte, le wali reste toujours une équation à redéfinir chaque
jour et résoudre à chaque circonstance. Il suscite le pouvoir, comme il suggère
l'occultisme et l'incertitude. L'obligation d'aller vers sa population ; un
contrat professionnel sinon un devoir de performance, serait vite rattrapée en
cas de déficit ou de défaut. Ainsi la «modestie» devient au moindre accroc une
antinomie à la mesure de réserve qui doit singulariser un tel personnage. Que
doit-il faire ? Repenser à son avenir.
Le wali est un
topographe qui doit sillonner toute la pentière de sa wilaya. La tournée des
coins et des bourgades est comme les cents pas d'un penseur. Otage d'une
obligation de réserve qui n'a jamais été dévoilée légalement, l'on tend à
l'imaginer selon des référentiels dissemblables l'un de l'autre. Un
fourre-tout, un épouvantail terrible. Le wali est le SAMU à toute émeute, le
croque-mort aux hécatombes, le parapluie aux inondations, le bulldozer des
destructions, le déversoir béant de l'ire populaire. Il demeure une
problématique chez les uns et une prise en otage chez les siens.
C'est une entité
qui tire son ancestralité génésiaque des précisions textuelles de Dalloz ou de
Thémis. D'essence napoléonienne, le préfet traduit l'expansion de l'autorité de
l'Etat. Il est même chez nous, par définition ; le dépositaire légal de cette
autorité. A la seule différence qu'ailleurs, ils savent appréhender la notion
multiforme du service public. Elle ne se résume point en l'octroi de lots
marginaux sur les bords de la
Seine ou de terrains multi-façades
dans le lotissement Dupont.
Le citoyen
persévère à s'accrocher à une haute image et affiche continuellement à l'égard
du wali, une issue protectrice contre les déviations et le mépris qu'il subit
par l'agression incivique du service public. Les égouts, la saleté et
l'insalubrité des lieux publics, croit-il sont toujours de l'attribution du
wali, quand le logement, le paradis et le punch social sont aussi de son
aptitude. Il devra faire opposer le capitonnage de son parterre aux nids de
poules qui pullulent dans la périphérie populiste située un peu loin de ses
résidences. Le respect de l'Etat ne s'obtient pas, par l'apparat pompeux de certains
cabinets qui ne servent qu'à ficeler ou déficeler les dossiers et les complots.
Au moment où d'autres bureaux sobres sont bien remplis par le gabarit de
l'écoute, le bon jugement et la quête du bonheur citoyen. Le respect, comme la
nature aime recevoir les délices d'un franc-parler et s'abstient d'éroder la
franchise d'autrui. La frayeur ou la menace n'ont jamais été de bons arguments
pour parfaire les recoins d'une ville.
Pour beaucoup, le
pire ennemi du wali reste sa personne. Son ego. Alors que son meilleur allié
est toujours sa personne. Son ego. Il ne cesse d'évoluer en prenant ses
fonctions dans un environnement qui lui est antithétique et farci de
contrariétés. La courtisanerie qu'il engendre, sans le quérir parfois, les
frotte manches qu'il suscite ne peuvent lui servir de tableau de bord pour une
gestion dont il a seul l'art et la manière. Néanmoins, il est en toute
connaissance de cause, le garant d'une politique, dans ce sens qu'il veille en
permanence à l'intérêt du pouvoir confondu le plus souvent à celui de l'Etat.
Les suffrages lui sont un examen fort contraignant. D'eux dépendront les
éléments de sa fiche de notation, pour du moins un prochain mouvement. Ne
s'exprimant qu'en vertu de la loi et de l'ordre public, son avis ne vaut que ce
que lui dicte une tendance générale. Il devra deviner à l'avance cette
tendance. Il est également l'otage d'une proximité. Ses élus locaux, les forces
occultes que recèlent certains pans de sa population, les appuis des uns, les
poussées des autres, feront en sorte qu'il est bousculé vers un équilibrisme
plutôt que vers un équilibre dans le traitement des affaires publiques. Il ne
peut à peine d'étouffement agir seul. En son âme et conscience. L'interférence
lui est sournoisement inspirée par une contingence, une alarme ou une courte
diplomatie. Malgré la fougue qui l'anime le wali d'Illizi
n'aurait pas été enlevé s'il n'était pas dans l'exercice de ses fonctions. Le
rapt a visé le wali qu'habitait Hamoudi. Ainsi Hamoudi serait victime d'un acte malhabile du wali qu'il
incarne. L'histoire témoigne que même sous escorte, un
wali fut bel et bien été assassiné. L'autre volet de la question de
l'enlèvement, sous ses diverses pulsions est à creuser ailleurs. Ce n'est pas
pour cette vitalité volontariste d'un wali fortement engagé au péril de sa vie
que sa carrière soit raccommodée dans le prochain mouvement. Bien au contraire,
son maintien ou redéploiement crédibilisera davantage la république. Sinon son
cas inspirerait, par accablement léthargie et inertie pour tous ses pairs. Ne
dit-on pas, pour paraphraser Jacques Attali, que parmi les fondamentaux du chef
; «le courage pour oser, la volonté pour résister au découragement» doivent
céder le pas à l'hésitation et au report d'affaires ?
En vérité, à
défaut d'un statut adéquat voire d'une protection statutaire eu
égard à l'importance pyramidale qui le caractérise au niveau du sommet de
l'Etat, ce personnel ne semble pas bien dans sa peau. Tous venus volontaires.
Mieux, après moult intercessions en leur faveur. En plus du parrainage qui
reste l'ultime dans son unicité, comme manifestation du principe sacro-saint de
la fonction publique en matière de nomination aux hautes fonctions, soit le
pouvoir discrétionnaire. Nonobstant cette position à l'apparence enviable, la nature
révèle que le dégoût et la mal-vie
éplucheraient comme un cancer, les journées moroses et emplies de ces grands
locataires des plus belles résidences de tous les chefs lieux. Mais là aussi,
chacun agrée selon son niveau culturel le degré d'opulence résidentiel.
Sont-ils vraiment à l'aise dans leur équilibre spirituel ? La paisibilité de l'âme. Il est prouvé, par des ex-walis que
le risque de se voir piégé, trompé, induit en erreur dans un choix ou une
décision perturbe l'affabilité nocturne de leurs nuits blanches. Ce n'est pas
une seule nuit, mais toutes les obscurités passées à l'ombre de la fonction. Au
grand moment de vérité le wali est en face lui. Isolé, seul dans son
tourbillon. Il doit trancher devant le silence de tous. Jusqu'à la délivrance du
cauchemar paradisiaque qu'ils ont tenté de vivre ou le vivent délibérément.
Pris entre les tenailles d'une doctrine qui ne leur laisse de manœuvres que
dans un cadre nommé de légal ; ils s'obligent excessivement à s'armer
inlassablement d'un excédent de prudence. La précaution paroxysmale leur est
une cause vitale de maintien. Comme le doute et la défiance face au monde
extérieur deviennent des critères de gestion.
Ces sous-présidents de la république dans leurs territoires,
sont toujours sous un Å“il inspecteur public et privé et font souvent les frais
de règlement de compte. Dans une édition récente d'un quotidien «Un j'accuse»,
loin de la syntaxe sémantique d'Emile Zola est lu comme une reprise de
conscience tardive. Un ex-gradé signe, persiste et insiste à faire mettre aux
arrêts un soldat civilement gradé de la république. S'il est de règle que l'on
attribue universellement le style toujours rustre et raboteux dans l'expression
langagière extramilitaire d'un militaire, il est singulier de le lire et très
pénible de le déchiffrer. Se lamenter dans le courrier des lecteurs des
conditions rédhibitoires de ses conditions de vie est une chose en soi inouïe
mais possible. Le fait qu'il dénonce un acte répréhensible ayant été commis par
un appelé à servir l'Etat dans divers cantonnements est une autre chose encore
plus étrange. La justice doit faire son travail. N'a-t-il plus les coudées
franches pour agir sur le ciel et la terre ? Alors que doit faire un banal
citoyen dans un cas similaire ? Le «j'accuse» demeure par rapport au fonds
documentaire qui trame son réquisitoire, un solide «je condamne». Rassuré dans
ses taux, déconcerté dans ses chiffres et transparent dans son identification
cette détermination accusatoire outrepasserait le frêle corps d'un petit soldat
s'empressant à volonté à sa mission civile. Il aspire vouloir atteindre, en
toute virtualité le signataire de l'ordre d'appel ayant contingenté le commis
dans les rangs. Cet «ordre d'appel» pris par décret présidentiel pour un soldat
privilégié ne peut provenir que d'une addition et d'une addition positive de
tant de récits d'habilitation, d'enquêtes spécialisées.
Dans une
république comme dans une caserne, l'ordre est une règle cardinale codifiée. La
discipline est pour un carriériste dans une caserne ce qu'est la démocratie par
principe dans un Etat. Un mode de gouvernance. L'obligation de réserve n'a
aucune réserve lorsque la délation tardive et ajournée n'est plus un concert
tacite ou une dissimulation de faits punissables. Elle devient une complicité
passive. Le petit soldat incriminé à passé ses classes dans pas mal de
casernements, sans pour autant y être mis au garde à vous, ni être pressé par
une commission de reforme. D'une région à une autre, là où il usait ses belles
godasses ; l'Etat et ses procureurs n'étaient sans doute pas restés sages. Il y
a eu en toute certitude, toute une foultitude de constats et d'écrits. Alors ce
«j'accuse», encore à vouloir l'interpréter aurait à porter sur les
dissimulateurs, les cachotiers et les muets. L'Etat
ne dort pas, il somnole. Il rattrape, telle l'histoire les uns et les autres.
Même dans leur profond sommeil. Le monde massif s'interpelle sur ce réveil
attardé en cette phase de reformes pour claironner les valeurs de la
transparence et les péchés du métier préfectoral. Ceci tient à démontrer la
vulnérabilité du corps des walis, qui ne sont pas au-dessus du tamis. Une
brusque excitabilité vous prend si comme il s'agissait d'une guéguerre
engloutie dans les entrailles du silence et qui avec une soudaineté surgit pour
clouer au pilori le soldat pourtant serviteur de l'Etat. A sa décharge, la
tutelle a bu la lie et n'a offert ni la geôle ni l'enfer pour son wali, car à
l'époque de Zerhouni tous ces soldats et assimilés
étaient bien cuirassés. Il fut pour eux un gilet pare-balles. C'est là, un
échantillonnage exprimé au débat public. Le wali est et restera, comme tout
mortel justiciable et poursuivable. Les exemples sont
légion. Le dernier en date, remonte à une semaine. L'ancien wali de Tarf a été condamné à 2 années de prison ferme.
Il existe des
wilayas où l'humeur du wali est une loi. Il existe des walis dont la loi n'est
que la loi. Malgré les pressions parallèles ou horizontales, ils en font juste
ce que leur dictent ses dispositions juridiques. Point de tempérament personnel
dans le traitement de l'assiette foncière ni de caractère individuel dans le
dénouement d'une affaire de salubrité publique. La hargne, les points de
fixation, la personnalisation par contre auraient fait de certains gouverneurs,
des gestionnaires à la carte. Guidés par un instinct tout juste intuitu-personae ; ils ont confondu longuement manière de
gérer et style de régner. Heureusement pour le pays que la différence assure
fortement une nette distinction dans le panache qui vêt le wali. La culture
générale, la prévenance et l'éthique originelle se hissent pour chacun d'eux en
de vraies marques de qualité ou d'indécence. Ce ne sera pas un burnous ou une
cravate bariolée qui tonifiera l'impotence fonctionnelle si elle subsiste. Mais
ce seront inévitablement l'altruisme, la vivacité d'esprit et le brin
encyclopédique qui auront à labéliser l'érudition ou
l'indifférence. Le wali d'Illizi n'allait pas en
costume griffé sous un manteau en cachemire pour sillonner l'erg désertique,
mais s'astreignait à la nature en mettant l'allure qui y sied. La parole et le
staff aussi. L'obligation de nouer son cou ne l'aurait point aidé à s'extraire
de ses ravisseurs. Etre wali est un entrain, un comportement. Des ingrédients
préliminaires sont comme des pré-requis. L'on n'a pas
idée de foutre dans le lot des entités waliables ;
des monarques administratifs ou des corps trop muris.
La jeunesse est là à attendre le relais. 20 ans et plus dans ce poste
provoquent l'ivresse. Cette stabilité négative en soi condamne l'action et
abolit l'innovation. Qui de ces savants du XIXème
siècle aurait dit que «l'art de gouverner consiste à ne pas laisser les hommes
vieillir dans leurs postes et ne pas se laisser vieillir dans le sien» ?
Que dire de ces
walis qui tendent à soumettre le temps et l'espace à leur logiciel d'action ?
Pourquoi n'obéissent-ils pas, tous dans leur entièreté à un socle minimal du
cahier des charges, à défaut de statut, qui semble pourtant les gérer ? Les
deux poids deux mesures sont-ils des prismes de capture d'une bonne ou mauvaise
image de l'un ou de l'autre ? L'un sympathique et photogénique et l'autre
opaque et diabolique. Que sont-ils devenus les anciens walis ? Comment
vivent-ils leur retraite dans une société implacable qu'eux même ont façonnée
ou modulée ? Ont-ils eu la facilité de réaccéder dans
cette société qu'ils ont abandonnée au motif de cette implacable obligation de
réserve ? En sont-ils toujours soumis pour passer à transcrire leurs mémoires
encore tièdes ? Continueront-ils à ingurgiter dans un silence à petites doses
le dégout journalier qui les rend rachitiques à force
de sucer dans le même silence le souvenir et la souvenance d'une époque
révolue? Apres les comités, les commissions, les ouvertures, les clôtures, les
inaugurations, les tournées et le JT de 20 heures qui compartimentaient leur
vie, voilà le désert sans guide ni protocole, le vacarme des rues, l'avis rude
et dure qui les exposent à la facétie des gens. La maison redevient un univers
réduit, clos et couvert. Un ancien wali, remercié il y a des années craint de
se faire renouveler son passeport, par appréhension de se voir balloter d'un guichet à un autre. Elevé dans la soie du
rang, durant ses mandats il ne pouvait croire que l'administration était un
ogre, un traiteur impersonnel et inhumain. Il s'est donc recroquevillé chez lui
et voyageait au gré de ses clics de souris. Il s'est crée un cosmos virtuel qui
lui obéit et satisfait toutes ses demandes. Il surfe, surfe, surfe jusqu'à….
En tout état de
cause il est de notoriété que c'est la vox populi qui prend le rôle d'une
commission d'évaluation chargée d'apprécier le travail accompli par un tel ou
un tel. La population, les faiseurs d'opinions font le reste. Les p'tits chroniqueurs postérisent
les vices et les vertus de ces otages d'un système et non du système. Trouvez
la différence.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 26/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com