Algérie

Wade ou la victoire à tout prix


Le vieil octogénaire est assuré de gagner mais au prix d'un pourrissement de la crise sénégalaise. Malgré les signaux et les inquiétudes, le président Abdoulaye Wade maintient contre vents et marées, la présidentielle d'aujourd'hui, après une campagne électorale qualifiée de quasi insurrectionnelle. Le vieil octogénaire est assuré de gagner.Il s'en est donné les moyens, demeurant autiste aux manifestations hostiles à sa violation de la Constitution et renvoyant à ses classes l'UE, qu'il a accusée d'ingérence dans des affaires qui ne regardent pas ses membres, à commencer par l'ancienne puissance coloniale, la France, dont il menace de chasser son escadre aérienne basée au Sénégal, point d'appui militaire de la Françafrique. Quant à l'Afrique, c'est le dernier souci de Wade qui, par ailleurs, n'a fait que copier ses pairs en matière de gouvernance et de présidence à vie. Cependant, chez les démocrates africains, et il y en a, c'est la grande déception que le Sénégal, loué pour l'exemplarité de sa culture démocratique et sa tolérance religieuse, soit frappé à son tour par le mal africain.
Pourtant Wade, avant de devenir l'ennemi de sa jeunesse notamment, était le sauveur de leur pays : il a mis fin à quarante ans de Senghorisme. En 2000, il a, en effet, battu son rival, Abdou Diouf, le dauphin de Senghor, avec le soutien populaire. Mais, après quelques années d'exercice du pouvoir, le ?vieux a commencé à déconner?, se moquent les Dakarois.
Il s'est mis à l'heure du pouvoir à l'africaine. Gabegie, corruption, répression, clientélisme et efforts pour ériger une république monarchique sont le lot de son règne de 12 ans. Le pays s'enfonce dans la spirale de la vie chère, du délestage des services publics et de la misère.
L'opposition reprend du poil de la bête, gonfle ses rangs et sort dans la rue lorsque Wade affiche son intention de rester à la tête du Sénégal, malgré la Constitution qui limite à deux mandats la fonction suprême.
Beaucoup lui prêtent la volonté d'une transition dynastique au bénéfice de son fils Karim, déjà super-ministre de son gouvernement, sur les traces de Gnassingbé Eyadema (Togo) et d'Omar Bongo (Gabon). Il fait fi de la limitation de mandats qu'il a lui-même promulguée en 2001 pour se déclarer candidat à sa propre succession. Dans les quartiers de la capitale et en province, les jeunes affrontent régulièrement les forces de l'ordre, des ONG des droits de l'homme dénombrent une dizaine de morts depuis janvier. Inquiète, la communauté internationale bouge.
L'UE, les USA et la France crient au loup tandis que l'Union africaine a dépêché une mission conduite par l'ancien président nigérian Olusegun Obasandjo pour tenter de raisonner le ?vieux?. Wade tient la barre, il maintient la présidentielle pour ce dimanche 26 février. ?C'est lui qui rassure?, prétend son slogan, et affirme même gagner au premier tour. Wade compte sur les urnes du Sénégal rural, alors que ses 13 rivaux n'ont fait campagne que dans les villes. Le président sortant a utilisé les moyens de la fonction qu'il occupe : déplacements en hélicoptère, affiches publicitaires énormes, des kilomètres de tissu imprimé à son effigie et des? zerdas à volonté : des pratiques somme toute récurrentes en Afrique où les chefs d'Etats ont inventé le devoir de gaver, outre leur entourage, leurs partisans avant de les introduire dans l'isoloir. ?Wade prépare un mauvais coup au peuple sénégalais mais cela ne passera pas car nous sommes prêts à donner notre vie pour la démocratie au Sénégal?, jure l'opposition, particulièrement les leaders du M23, qui promettent une crise post-électorale à l'ivoirienne si le ?vieux? tente un coup de force. M23 dit s'inspirer des Printemps arabes qui ont emporté tour à tour Ben Ali (Tunisie), Moubarak (Egypte), Kadhafi (Libye) et Saleh (Yémen).
Sans aucun doute, Wade gardera son fauteuil, mais il a attisé la colère partout dans son pays.
D. B.
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