Algérie

Vu à la télé : un pas en avant, deux en arrière... Culture : les autres articles



S'il y a bien un pays qui ne bouge pas sur le plan de la communication télévisuelle, c'est bien l'Algérie. Pourtant, ce ne sont pas les effets d'annonce augurant de grandes perspectives qui ont manqué. L'année 2012 a été celle où on avait fait aux algériens toutes les promesses concernant l'ouverture du champ audiovisuel. A telle enseigne que de nombreux promoteurs se sont crus encouragés par les projections politiques du gouvernement pour venir apporter leur contribution au développement de ce secteur.
Ces promoteurs, venant soit du monde des affaires soit du secteur de la presse, n'ont pas attendu en fait la mise en place des impératifs législatifs pour investir le terrain. Ils ont lancé à partir de l'étranger des télés comme une marque de défi au pouvoir algérien pour l'inciter, dans des délais raisonnables, à concrétiser ses projets. Une sorte de fait accompli qui met les autorités dans l'embarras avec deux options : soit permettre carrément la régularisation de ces chaînes, pour l'heure encore clandestines, en adoptant la loi sur l'audiovisuel, soit les interdire en leur signifiant leur statut hors-la-loi, ce qui serait un peu compliqué sur le plan pratique après une activité de plusieurs mois qui aura nécessité de coûteux investissements tant sur le plan humain que matériel.
Selon des sources crédibles, il semble que le gouvernement ne sait plus ce qu'il doit faire après avoir consenti à aller dans le sens d'une ouverture «démocratique» du champ audiovisuel. En d'autres termes, après avoir pris l'engagement d'autoriser la concurrence inter médias lourds, il donne aujourd'hui l'impression de reculer en tentant de gagner du temps. Si la nouvelle loi sur l'audiovisuel devrait, selon les prévisions, passer devant le parlement dans les six mois au plus tard, rien ne dit que cette programmation tout à fait théorique entrera dans les faits. Et pour cause ! de nature purement électoraliste qui figurait en bonne place dans le programme des réformes politiques engagées par Bouteflika, elle n'a pas été, disent les spécialistes, suffisamment réfléchie en fonction des intérêts stratégiques du pouvoir en place.
Car, si on part du principe que le rapport de force ne doit jamais desservir le système, on comprendra vite que mettre la télé d'Etat, principal outil de propagande et donc de domination, en danger face à des télévisions privées qui auront plus de liberté d'expression pour capter l'attention des algériens, c'est mettre en position de vulnérabilité toute la fragilité du sérail. Et cette perspective, aucun des hommes du système n'en veut, préférant comme d'habitude la bonne politique de «noyer le poisson dans l'eau» qui donne des résultats en attendant que les choses murissent. Cela pour dire que si le gouvernement ne semble nullement préoccupé par l'avenir immédiat de la télé algérienne dans sa nouvelle configuration, surtout de son rôle en tant que média dynamique concerné au plus haut point par l'émancipation démocratique de la société, c'est qu'il ne se sent pas encore prêt à assumer les responsabilités historiques qui lui incombent.
Dans cette optique, tout porte à croire qu'une ouverture réelle du champ audiovisuel telle qu'elle avait été dessinée ou imaginée ' l'Algérie vue à travers une multitude de chaînes dont certaines généralistes de gros calibres appelées à transformer le paysage politique du pays ' serait carrément un non-sens compte tenu de la nature même du régime qui nous gouverne. Comment, en effet, un pouvoir qui cherche à dominer en imposant sa vérité unique et incontestable accepte-t-il que d'autres voix viennent le remettre en cause ' A ce titre, nos dirigeants qui ne sont jamais à court d'idées quand il s'agit de leurrer l'opinion publique, ont toujours la recette idoine pour montrer que contrairement à ce que disent les têtes bien pensantes, ils n'ont pas failli à leurs engagements.
L'ouverture se fera, selon eux, mais pas totalement comme elle est préconisée dans les esprits fermement attachés au concept sacro-saint de la liberté d'expression. Décodé, le message est proprement assommant : oui pour les télés privées, mais' à condition qu'elles soient thématiques ! On imagine le désappointement de tous ceux qui pensaient que cette option était dépassée par l'envahissement du ciel satellitaire de plusieurs chaînes n'ayant en aucun cas respecté cet habit, et qui donc ont aujourd'hui plus que jamais la certitude qu'au sein de notre gouvernement tout, finalement, n'est que calcul et louvoiement.
Bouteflika a promis une autre génération de télé, mais finalement c'est la même, celle qui est déjà en place avec sa logique et son mode de pensée qui continue de sévir au détriment des aspirations de la grande majorité des téléspectateurs algériens encore et toujours forcés d'aller recueillir ailleurs les informations sur leur propre vécu. On n'a qu'à rappeler pour s'en convaincre le dernier sondage effectué par Maghrebscope, une boîte qui relève de l'institut de sondages TNS-Sofres, qui précise que trois chaînes ' deux arabes et une française ' en l'occurrence Al Jazeera, Al Arabiya et France 24 sont respectivement les plus suivies en Algérie. Les algériens à travers ce sondage marquent clairement leurs préférences. Mais cela ne semble nullement poser problème à nos responsables.


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