Algérie

Vu à la télé : le jeu des marionnettistes Culture : les autres articles


Une annonce subrepticement à la septième position du JT. Presqu'un entrefilet qu'on avait du mal à noter. C'est ainsi que fut portée à la connaissance des téléspectateurs la démission d'Ahmed Ouyahia de son poste de secrétaire général du RND. Autant dire que pour le service politique de l'Unique, l'abandon précipité de la plus haute responsabilité du deuxième parti d'Algérie par l'ancien premier ministre, en butte à un vaste mouvement de contestation interne, était un non-événement qui méritait à peine d'être relevé. Voilà donc comment, par la magie d'un simple déclassement médiatique, un dirigeant politique ayant toujours occupé les sommets de la hiérarchie et par conséquent les places les plus privilégiées des plateaux de télévision se retrouve du jour au lendemain relégué à une posture infamante qui le rend ostensiblement infréquentable devant l'opinion publique.
Faut-il s'étonner d'une telle pratique, au demeurant courante dans les m'urs de la télévision nationale, qui a l'art de transformer une actualité politique majeure en un fait divers sur lequel les algériens ne se posent pas trop de questions ' Assurément non lorsqu'on sait que ce genre de décision qui découle d'une injonction précise de la part des décideurs de l'ombre est toujours prise en fonction d'une conjoncture politique que le Pouvoir en place gère au mieux de ses intérêts.
Encore une fois, le petit écran a montré qu'au lieu de se mettre au service d'une information objective qui, dans ce cas, se devait d'aller plus en profondeur pour expliquer aux algériens les raisons qui ont amené l'ex-chef de l'exécutif à remettre brutalement le tablier, lui qui paraissait indétrônable, inamovible, s'est fourvoyé de manière peu élégante dans le jeu politicien qui ne trompe personne. Débarqué contre toute attente de son poste de premier ministre malgré son allégeance totale au système dont il fait partie intégrante, sûrement diront les commentateurs avisés pour avoir exprimé du bout de la langue des ambitions présidentielles après la fin de mandat de Bouteflika, Ouyahia par une coïncidence assez troublante dut, dès son retour à la vie partisane, faire face à une violente protestation de la part de redresseurs qui lui contestent son leadership, un peu à la manière de leurs compères du FLN qui mènent depuis un certain temps déjà un dur combat pour la destitution de Belkhadem, mais sans réussir là où la «rébellion» rndiste a fait mouche rapidement.
S'il y a ordre venu d'en haut de tirer sur le pianiste, il y a forcément manipulation à plus grande échelle sur le plan de la communication pour empêcher les Algériens de connaître certaines vérités politiques pas toujours bonnes à entendre. En réalité, ce n'est pas tant le sort réservé à l'ex-Premier ministre qui constitue le souci principal des algériens, sachant que ce dernier sait toujours à quoi s'attendre lorsque la fin de mission arrive, mais c'est plutôt l'attitude pour le moins compromettante de la télévision publique, et même celle qui est dirigée de manière très aléatoire par le privé, qui doit être prise comme le pire exemple de la désinformation au moment où le ministre de la communication en personne n'hésite pas à monter au créneau à la moindre occasion pour inciter l'Unique à faire preuve de professionnalisme quels que soient les sujets à traiter.
Au lieu d'avancer, cette dernière a, hélas, cette faculté extraordinaire de nous ramener toujours au temps peu glorieux des marionnettistes qui veulent nous faire prendre les vessies pour des lanternes. Mais où est le sens du professionnalisme quand une actualité politique aussi dense que celle fournie par la démission de Ouyahia de son poste de SG du RND est réduite volontairement à une brève de chien écrasé, alors que le fait en lui-même constitue un événement politique de premier ordre qui nécessite, comme cela se passe sous d'autres cieux, des débats, des analyses, des commentaires pour rendre lisible ce genre de situation qui a toujours un impact certain sur la vie politique nationale ' Bien entendu, au lieu d'une information ouverte, objective, qui interpelle la réflexion des politologues et des intellectuels qui ont le devoir d'éclairer l'opinion publique, place est laissée à la «commentarite» dénuée de toute argumentation, aux spéculations les plus fantaisistes, aux lectures approximatives qui ne sont que des suppositions de la vérité.
Ainsi, la disgrâce d'Ouyahia n'en serait pas une' et sa démission, un simple recul stratégique pour mieux sauter le moment propice. L'homme qui s'est tellement confondu avec le Pouvoir et avec le locataire d'El Mouradia ne peut partir comme ça alors qu'il a un long parcours derrière lui dont la finalité n'échappe à personne. Il s'agit donc, nous dira-t-on, de subterfuges politiques pour mieux baliser la route qui mène à la victoire. Cependant, il y a aussi ceux qui disent qu'Ouyahia, ayant des prétentions un peu trop gourmandes, a fini par agacer ceux qui l'ont fait prince. Il doit être freiné avant que cela ne soit trop tard. Qui croire '
La question est pertinente, et c'est là que la communication de la part des médias lourds devient intéressante, à condition bien sûr que ceux-ci jouent pleinement leur rôle. Avant Ouyahia, nous avons eu des faits politiques analogues, comme la démission de Saïd Sadi ou celle d'Aït Ahmed qui valaient des analyses différentes. Mais là aussi, c'est le silence complice pour banaliser une vie politique nationale qui ne peut donner que ce qu'on veut bien qu'elle donne.
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