Algérie

Vu à la télé



L'assaut brutal du ministre de la Communication contre les journaux qui dérangent le Pouvoir n'est pas fortuit. Il est même calculé pour montrer que le sérail a bien l'intention de baliser encore davantage le champ de la liberté d'expression. En fait, c'est le rachat du groupe de presse El Khabar par le patron de Cevital qui a précipité cette offensive. Voir Rebrab à la tête d'un puissant groupe médiatique a été la chose qui pouvait arriver de pire aux tenants du système dont la mission est précisément de contrôler de bout en bout le pouvoir de l'information pour mieux anesthésier la société. Ils ont déjà, au bas mot, plus de 80% d'organes d'information ? parmi les titres de presse, les radios, les télés ? à leur service.Dans le lot, il y a bien sûr les médias publics qui sont d'office sous les ordres, et les médias privés qu'on a réussi, à force de pressions politiques et économiques, à domestiquer. Mais cela ne leur suffit pas. Tant qu'il y aura encore des journaux et des écrans qui se déclarent indépendants du système, le jeu ne peut être considéré comme gagné. D'où cet acharnement à vouloir réduire à néant les titres dont la ligne éditoriale sort des rangs. Ouyahia a parlé de quatre titres, sans avoir le courage de les citer, avec cette intention de les jeter à la vindicte populaire pour mieux les anéantir le moment voulu.Le ministre de la Communication a ramené, on ne sait sur la base de quelle statistique maléfique, le nombre à trois, mais toujours avec cette obsession de montrer la ferme intention du Pouvoir de réagir durement quand on s'oppose à ses plans, et de considérer avec mépris que la liberté d'expression reste un simple fantasme d'intellectuel. Bien sûr, pour tuer son chien on dit qu'il est enragé. Les titres dissidents voire subversifs sont catalogués de «traitres à la nation», de «relais de l'extérieur», et «semeurs de discorde». Ils sont une cible idéale pour se défouler politiquement à l'heure où la nation a besoin de se serrer les coudes contre ses ennemis et de se mettre dans la partition patriotique.Ils sont donc trois titres à abattre et sur lesquels plusieurs personnalités du sérail se sont relayées pour faire diversion quant aux sujets brûlants qui préoccupent les citoyens et qui méritent davantage de clarification comme l'état de santé du Président, les tournées de Chakib Khelil dans les zaouïas, ou l'affaire de Panama Papers dans laquelle est impliqué Bouchouareb? C'est justement parce que la presse libre pose trop de questions sur ces thèmes qu'il devient impératif, pour ceux qui ont peur de la vérité, de la réduire au silence.En y mettant les moyens de répression qu'il faut pour aller vite. Tout le monde aura remarqué, à ce propos, la célérité avec laquelle a été actionnée la justice pour introduire le procès de la désormais affaire Rebrab. Alors que cette même justice réclamée à cor et à cri par les citoyens entre autres dans les cas de Chakib Khelil et de Bouchouareb n'a pas jugé utile de s'autosaisir pour mettre la lumière sur des histoires scabreuses de corruption et de malversation, elle s'est subitement réveillée pour traiter d'une affaire commerciale qui, selon les experts juridiques, ne souffre aucune forme d'illégalité.Le capitaine d'industrie qui connaît les lois sur le bout des doigts a bien répondu à cette attaque qui ne doit rien à la jurisprudence, maintenant, preuves à l'appui, qu'elle repose sur des motivations strictement politiques. Il confirme ce que le ministre de la Communication en exécuteur des basses besognes veut cacher, à savoir la tentative d'éliminer de la sphère d'influence toutes les personnalités qui viendraient avec une vision différente remettre en cause le conservatisme et la médiocratie en place.C'est d'ailleurs ce que n'a pas compris le ministre casse-cou envoyé au charbon et qui en croyant détenir la vérité absolue tombe fatalement dans la politique du zèle en prenant le risque de tout brûler sur son passage. Il faut ouvrir ici une parenthèse pour dire que jamais le climat dans le milieu de la presse n'a été aussi pourri, et la relation entre les journalistes et la tutelle aussi détestable que depuis la venue de cet homme à la tête d'un secteur qui avait besoin d'apaisement et de sérénité pour se développer. C'est que l'ex-fonctionnaire de la téléphonie mobile affiche aujourd'hui après deux années d'exercice un bilan catastrophique qui fera date. Rien de concret sur le plan organisationnel ou structurel n'a été fait pour le secteur, ni pour la presse écrite ni pour celle télévisée ou radiophonique.Mais des leçons de morale à profusion tournant autour des principes de l'éthique et de la déontologie qui feraient défaut aux journalistes? de la répression pratiquée à grande échelle qui a fait disparaître beaucoup d'organes de presse et qui menace la survie d'autres, et aussi des insultes et du mépris à l'encontre d'une corporation qui a forcé l'admiration à l'extérieur de nos frontières par son tempérament à assumer son métier et ses responsabilités durant les dures épreuves professionnelles qui se présentent à elle. Arrogant, plein de suffisance, le ministre qui veut dompter à sa manière la presse (enfin celle qui lui échappe) manque selon les observateurs avertis de l'essentiel : il n'a pas le volume intellectuel qu'il faut et les capacités politiques de gestion pour prendre en charge des tâches aussi sensibles.Il se noie dans ses incohérences qui se remarquent dans ses interventions publiques, où personne ne sait vraiment dans quelle direction il veut aller. C'est un ministre qui se réclame pourtant de la famille de la presse et qui veut être plus royaliste que le roi pour montrer qu'il existe. Il a qualifié cette presse qui lui a permis aujourd'hui de réaliser son ambition et à laquelle le Président et son directeur de cabinet ont rendu un vibrant hommage d'«incompétente, immature, destructurée, manipulable?». Des injures gratuites qui ne l'honorent pas et qui font de ses prédecesseurs sans exception des seigneurs par rapport à lui. On l'oubliera vite, c'est sûr.




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