Algérie

Vu à la télé



Vu à la télé
L'adage, chez nous, dit qu'on ne peut cacher le soleil avec un tamis. C'est pourtant ce que tentent désespérément de faire nos gouvernants à propos aussi bien de l'état de santé du Président qui est apparu finalement plus «dégradé» qu'on a bien voulu nous le faire croire depuis l'entame de son quatrième mandat, que de toutes les affaires louches, liées au phénomène de corruption, qui empoisonnent la gestion politique et économique du pays jusqu'à déborder démesurément.Franchement, dans cette tourmente qui grossit de jour en jour en l'absence de réaction officielle énergique et radicale, dans ce climat délétère où le bateau Algérie, sans timonier véritable, donne l'impression de prendre eau de toutes parts, personne ne voudrait être à la place de l'équipe gouvernementale, exposée à la déferlante des vagues, qui ne sait plus quoi faire pour rassurer l'opinion publique et qui, face à l'ampleur des événements, doit jouer à l'équilibriste pour essayer de sauver les apparences.Il faut en tous cas une sacrée dose de témérité et d'irrationalité à certains de nos ministres pour oser défendre souvent l'indéfendable en prenant le risque de se couvrir de ridicule, à l'image de Tayeb Louh qui, face au vacarme suscité par la démission honteuse de la magistrature, maintient mordicus que la justice est indépendante dans notre pays alors que la réalité est tout autre. Par solidarité, pratiquement tous les membres de l'Exécutif se retrouvent, malgré eux parfois, dans cette spirale absolutiste où il faut agir contre sa propre raison pour rester dans les convenances du système.Ce mensonge d'Etat arboré en toutes circonstances comme une vérité absolue, cette fuite en avant transformée en argument offensif pour supplanter les critiques sont valables pour tous les dossiers à scandales livrés à l'opacité, mais qui n'échappent jamais à la perspicacité des Algériens qui savent qui fait quoi et qui porte atteinte à l'intérêt national. Les tenants du système restent cependant inébranlables devant leurs actes sans pour autant avoir l'élégance d'assumer ouvertement la paternité de leur responsabilité, et c'est à ce niveau que se définit l'originalité de la gouvernance algérienne dans son rapport avec la société, un rapport où l'idée de se déjuger après avoir commis des erreurs par trop flagrantes serait comme trahir une cause.Leur parole suffit donc comme force de loi, sinon on tombe dans le domaine de la forfaiture si jamais elle est remise en cause. Mais comme les calculs ne répondent pas toujours aux prévisions, il y a des retours à effet de boomerang qui bousculent forcément la stratégie structurante du mensonge. Autrement dit, devant la gravité de la situation et la véracité des faits, tous les efforts de communication à l'actif du sérail menés, il faut le dire, avec un amateurisme sidérant, s'avèrent tellement improductifs, tellement impuissants à faire baisser la tension qu'ils en viennent à provoquer fatalement davantage de dégâts que de sérénité.La tentative de dissimulation de la gravité de l'état de santé du Président, longtemps entretenue comme une auréole sacrée pour la pérennité symbolique du pouvoir, et qui a complètement «foiré» à la faveur de la visite du Premier ministre français est l'exemple révélateur sur les inconséquences dramatiques que l'entourage du Raïs fait peser sur le pays, son image, sa crédibilité, sa dimension politique.En une toute petite séquence presque volée qui a vite fait le tour des chaînes de télévision, c'est donc tout une mystique de combat pour la survie du régime qui tombe, et avec elle les sentiments d'orgueil difficilement contenus par les Algériens à la vue d'une posture médicale devenue insupportable car agissant comme une grave atteinte à la dignité nationale. Le Président est malade, sérieusement malade, plus personne ne peut désormais cacher cette réalité. Et continuer dans la voie du mensonge, c'est non seulement chercher à détériorer encore plus l'image du pays, mais prendre le risque de le mener vers l'aventure à partir du moment où son incapacité à diriger ne fait plus aucun doute.Dans cette optique, ceux qui braquent les projecteurs en priorité sur sa famille, notamment ses deux frères qui sont aux commandes mais dans l'ombre, ont toutes les raisons de croire que par ce jeu malsain où l'aura du Président sert de couverture aux luttes des clans, il y a véritablement péril en la demeure. Plus politiquement dit, l'opposition qui n'a jamais voulu détrôner le Raïs pour le plaisir de le faire a vu juste en parlant de vacance du pouvoir qu'il faudrait prendre en charge avec lucidité et responsabilité avant que la situation ne devienne plus compliquée.Si l'obstination a tendance à aveugler les forces dirigeantes qui s'affrontent à visages masqués, il reste que l'état de santé du Président est aujourd'hui au centre d'une crise politique profonde qui va nous projeter violemment dans l'inconnu en l'absence d'une assise démocratique seule capable de surmonter les tensions et d'instaurer des règles équitables de substitution. L'après-Bouteflika, nous y sommes déjà, mais apparemment rien n'indique que sa succession sera le résultat d'une large consultation ouverte démocratiquement aux profils les plus méritants. Comme un butin de guerre, le Pouvoir ne doit pas échapper à ceux qui le tiennent.Comprendre par là, comme nous le disent les spécialistes, que vu l'opacité dans laquelle il s'exerce, les chances de le voir changer de mains restent plutôt illusoires. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une sainte alliance s'est construite pour pousser l'actuel Président à prétendre à un quatrième mandat en dépit d'une maladie qui le rend aujourd'hui très invulnérable. C'est aussi pour cette raison que toutes les affaires de corruption qui remontent à la surface ne doivent en aucun cas déborder pour éviter les éclaboussures.




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