C'est fou ce que l'on peut changer d'attitude et de vision politique une fois qu'on atterrit dans la sphère officielle. Et réciproquement quand on la quitte. Et lorsqu'on parle de changement, c'est vraiment prendre un virage à 180 degrés. On passe du blanc au noir avec une aisance à vous laisser coi. De tout temps, ce phénomène a habité presque naturellement les cercles de décision et d'exécution. Notamment le gouvernement, qui s'avère être le lieu de prédilection par excellence pour transformer radicalement le comportement et l'esprit de ses composantes, lesquelles au demeurant n'ont souvent pas besoin d'être poussées pour franchir le Rubicon et se déclarer prêtes pour le service.Dans cette logique du reniement, l'actuelle équipe gouvernementale, comme les précédentes, compte, elle aussi, ses «convertis» ou ses transfuges. Et ils sont nombreux, en effet, ces ministres qui s'expriment aujourd'hui dans un langage tout à fait différent, pour ne pas dire carrément opposé à celui qu'ils tenaient hors circuit. Au nom de la solidarité gouvernementale et du principe sacro-saint de défendre à n'importe quel prix les thèses officielles, même si elles sont défaillantes, toutes les contradictions, tous les retournements sont permis. C'est comme si vous entriez dans une coterie privilégiée qui vous somme de laisser aux vestiaires tout ce qui a forgé vos convictions pendant des années, quitte à les reprendre en repartant.Le cénacle offre un poste de pouvoir en contrepartie d'une allégeance sans failles. C'est la règle, et si ça a toujours bien fonctionné, c'est que les postulants se sont toujours bousculés au portillon. Ils disent, pour se dédouaner, que c'est une fierté de servir l'Algérie, ce dont personne ne doute, mais dans la pratique, c'est le système politique en place, avec ses orientations, ses directives, ses manipulations qui en tire profit. A l'évidence, les revirements spectaculaires sont légion. Entre les positions d'hier et celles d'aujourd'hui, il y a de quoi perdre son latin, à force de voir se dérouler des discours antinomiques qui, finalement, traduisent le manque flagrant de conviction qui caractérise ceux qui nous gouvernent.On a vu ainsi des ministres qui, par excès de zèle ou par calcul carriériste, monter sans le moindre scrupule à l'assaut des idées qu'ils défendaient avec beaucoup d'acharnement lorsqu'ils n'avaient aucun titre. Il y a même des membres du gouvernement qui se sont retournés sans retenue aucune contre le camp politique auquel ils appartenaient. Toutes ces personnalités gouvernementales, qui se reconnaîtront, paraissent étrangement en phase avec leur conscience, alors que vis-à-vis de l'opinion publique leur image s'est complètement dégradée.C'est un moindre mal que de voir certains, pour gravir les échelles de la hiérarchie, piétiner eux-mêmes leur crédibilité en vendant leur âme au diable, comme on dit dans le jargon populaire, mais s'agissant de responsabilités qui engagent l'Etat et l'avenir des citoyens, leurs reniements prennent une facette plus détestable et une dimension plus grave, dès lors qu'ils sont souvent à l'origine des perversions politiques ou des échecs économiques et sociaux, source de contre- vérités et de faux engagements.En fait, on a la certitude qu'au niveau de l' Exécutif, plus on fait dans la surenchère officielle qui interdit toute contestation et plus on a de chances de monter en grade, même si au passage on se rend coupable de toutes les inepties, genre l'Algérie pourra s'en sortir même avec un baril de pétrole à 1 dollar, ou encore c'est l'achat au marché noir de la devise avec un paquet de dinars qui cause la dépréciation de notre monnaie, ou encore que l'argent sale n'a pas pénétré dans nos circuits économiques, alors qu'un ex-chef de gouvernement avait affirmé le contraire?C'est un tout petit aperçu des énormités lâchées par nos gouvernants dans le vif de leurs fonctions. Incohérence dans les propos, absence de réalisme dans l'intervention, c'est en fait la vitrine du pragmatisme à l'algérienne qui est mise en avant pour relever les immenses défis du développement et qui permet au Premier ministre de dire que «nous ne sommes ni des communistes ni des libéraux, mais des réalistes». Voilà qui nous donne un aperçu sur le modèle économique que nous appliquons et sur le projet de société dans lequel nous vivons. Derrière son sillage, il y a ainsi toujours des «téméraires» qui sortent du lot pour attirer l'attention sur eux et qui, pour atteindre leur objectif ont trouvé le bon filon en squattant les médias. D'ailleurs ce sont toujours les mêmes qu'on voit à la télé, contrairement à d'autres collègues, préférant sûrement travailler dans l'ombre et dont les activités ne sont jamais couvertes et qui, pour se faire voir inventent n'importe quel petit déplacement juste pour la frime médiatique. Inscrire son nom vaut tous les sacrifices, même si on n'a pas le profil des compétences qu'on veut afficher.L'autre côté de la médaille est aussi triste, sinon plus sinistre. Quand un ministre ou un haut responsable quelconque est débarqué, il retrouve comme par enchantement sa parole. Et là l'aigreur dans les propos ce n'est pas ce qui manque. Subitement, tout ce qui était envoûtant devient sombre. De nombreux membres du gouvernement remerciés, peut-être injustement, n'hésitent pas à refranchir la ligne, mais en sens inverse, pour tomber à bras raccourcis sur la politique gouvernementale qu'il soutenaient contre vents et marées.Ils vont jusqu'à se rapprocher des thèses de l'opposition pour montrer combien est grande leur amertume. En perdant sur deux tableaux, ils ont fait perdre beaucoup à l'Algérie. Et en cette nouvelle année qui arrive, cette race d'opportunistes n'est pas encore près de disparaître. Hélas? Bonne année quand même !
Posté Le : 24/12/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abderezak Merad
Source : www.elwatan.com