Algérie

Vu à la télé



Vu à la télé
Il y a ceux qui prétendent qu'«il n'est pas au courant». Et il y a ceux qui affirment au contraire qu'«il maîtrise tout». Il, c'est le président de la République qui, faute de pouvoir communiquer publiquement pour nous dire qui a tort et qui a raison, devient malgré lui un sacré sujet de polémiques et de dissensions qui partent dans tous les sens. Mais polémiques dans la violence verbale et non dans le débat serein sur la vraie question autour de la vacance du pouvoir induite par le quatrième mandat qui fondamentalement serait à l'origine du malaise existentiel grandissant que nous vivons actuellement.Entre l'opposition et ses alliés, et les gens du Pouvoir et leurs soutiens, l'espace est hélas livré à la surenchère politicienne stérile, mais néanmoins aventureuse pour imposer sa vision. Dans cette confrontation à distance et fortement médiatisée qui réduit la vie politique nationale à une vulgaire lutte de tranchées, la tension ne cesse de monter réduisant à néant toute réflexion intelligente pouvant nous sortir de l'impasse. Même les soi-disant ténors de la politique ont sombré dans le cafouillage pervers au profit de positions dogmatiques, inaltérables, obstruant ainsi aveuglément toute perspective de changement alors que l'Algérie, au bord de l'asphyxie, en a plus que jamais besoin pour rebondir.Opposition-sérail : on peut dire que le clash est consommé alors que les Algériens vivent peut-être les pires moments d'incertitudes dans une société en mal de cohérence dans ses rouages de gouvernance. Au point où les observateurs avertis craignent le pire pour l'avenir immédiat du pays si jamais il n'y aurait pas de déblocage salutaire de la situation par un consensus qui exigerait des forces en présence concessions et discernement orientés exclusivement vers l'intérêt général.Pour l'heure, si le peuple semble exclu de ces joutes qui débordent souvent du cadre de la bienséance admise par tous, rien ne permet de dire qu'il restera encore longtemps simple figurant dans un décor où il est le principal concerné, surtout sans réaction face à la gravité des problèmes qu'il affronte de plus en plus durement chaque jour et que les politiques ne sont pas arrivés à résoudre, bien au contraire. Les politologues qui connaissent bien le paysage politique algérien ne cachent pas leurs inquiétudes.Pour eux, par-delà la crise économique et sociale qui commence à faire des dégâts dans l'équilibre déjà fragile des ménages, c'est la gestion politique désastreuse du pays qui constitue sans aucun doute un facteur de trouble encore plus aggravant qui pourrait affecter la stabilité du pays s'il n'est pas circonscrit à temps. Mais laquelle d'entre les parties qui s'affrontent a cette capacité de s'élever au-dessus des contingences claniques et sectaires pour ramener à la raison les velléités réfractaires et foncièrement jusqu'auboutistes qui nivellent les débats d'idées par le bas 'On revient forcément à la théorie du «khechinisme» chère à Boukrouh pour nous resituer dans l'axe de ce positionnement rétrograde qui pollue l'atmosphère, et force est de reconnaître que c'est plutôt dans le camp présidentiel et son extension oligarchique que se trouvent les goulets d'étranglement les plus rigides et les plus dévoyés aux solutions globales qui peuvent être apportées à la crise et auxquelles l'opposition reste disponible avec ses programmes et ses projets.Ce n'est pas le constat d'un journaliste qui apporte cette clarification, mais la lecture de nombreux observateurs et acteurs de la société ? politologues, sociologues, chercheurs, universitaires, libres intellectuels, militants de la société civile, représentants d'associations ? qui sur la base d'une réflexion objective et confrontée à la réalité du terrain aboutissent à la même conclusion. En conservant le système de gouvernance en l'état, en refusant de le réformer en profondeur et l'ouvrir à la démocratie, le sérail est en train de mener le pays à la ruine.Il y a en fait trop d'incohérences, trop d'incompétences au niveau des sphères de décision, trop de dérives politiques qui sautent aux yeux pour ne pas se demander si le Président les ignore réellement ou s'il les laisse sciemment prospérer. Dans les deux cas de figure, le fait est grave et inconcevable. Si Bouteflika «maîtrise tout», pourquoi rechigne-t-il par exemple à rappeler à l'ordre le chef du parti «majoritaire» qui parle en son nom et auquel de surcroît revient de loin la palme de la déliquescence de la vie politique nationale 'Pourquoi consent-il à l'existence d'une oligarchie qui n'éprouve plus le besoin de se cacher et qui s'attire à juste titre les critiques les plus acerbes ' Pourquoi refuser la transition démocratique réclamée par l'opposition et tous les Algériens épris de liberté qui passe par la transformation structurelle du pouvoir ' Pourquoi maintenir un Premier ministre dépassé par sa fonction qui n'arrive plus à maîtriser ses troupes ' Pourquoi démanteler les services de renseignements alors que les forces de la subversion interne et externe ont encore beaucoup de nuisance ' Pourquoi... Pourquoi?' Tant de questions sur l'avenir du pays qui restent sans réponses.On le voit, ce n'est pas la lettre du général Toufik qui constitue l'événement, même si elle donne en filigrane des lectures codées sur les luttes au sommet. Ce ne sont pas les divagations de Amar Saadani, ni les agitations de quelques ministres aux ambitions mal placées qui font l'Algérie. C'est par-dessus tout un projet de société consensuel qui n'existe pas encore, un système qui doit se plier aux contingences démocratiques, et un Président qui doit rassurer, mais qui est plutôt dans la démission. Comment avec ces trois impératifs non assumés le sérail compte-t-il éviter les dérives ' La balle est dans son camp?




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