Algérie

Vu à la télé



Vu à la télé
Pour ceux qui en doutaient encore, Sidi Saïd a tenu à lever le dernier voile : «L'UGTA est le syndicat du Pouvoir !» a-t-il clamé très haut et très fort à la fin des travaux du dernier congrès de l'Union syndicale organisé à l'hôtel Aurassi. C'est donc clair comme de l'eau de roche. La centrale qu'il dirige depuis trois mandats déjà appartient aux pontes qui nous gouvernent et non aux travailleurs.D'ailleurs, l'inamovible patron de l'organisation qui a été reconduit sans aucune surprise grâce au trafic d'influence et au jeu des coulisses en dépit d'une assez large contestation interne, plébiscité diront ses fervents soutiens, n'a pas eu le long de son discours un seul mot, un petit mot de reconnaissance pour les travailleurs qui constituent pourtant son vrai univers et sans lesquels il n'existerait pas. Les louanges dithyrambiques étaient en revanche réservées au président Bouteflika auquel il a fait allégeance depuis le premier jour de son élection à la tête du pays. La nature de la communication n'était pas innocente.Il n'y a aucun lapsus, aucune anomalie dans le positionnement de Sidi Saïd. Il s'était mis en scène et jouait une vraie pièce. Pour lui, la masse des travailleurs qu'il avait en face de lui en spectatrice passive n'était qu'un potentiel de voix déjà acquis qu'il fallait amuser pour rempiler. Une formalité, une de plus? Pour lui, le combat du monde ouvrier contre les injustices et les disparités sociales appartient désormais à l'histoire ancienne. Le sort des travailleurs ne dépend plus de leur force de mobilisation, de leurs convictions, ou de leur prise de conscience politique, mais de la volonté et de la bienveillance d'un tuteur auquel on doit être reconnaissant toute la vie.Dans tous les pays de la planète, le monde syndical est par essence en confrontation permanente avec celui de la finance et de la sphère politique dominante qu'elle soit de gauche, de droite, du centre, libérale ou socialiste. En Algérie, Sidi Saïd a fait du syndicat qu'il dirige l'allié inconditionnel d'un système politique perverti dont on ne peut pas dire que la promotion sociale des travailleurs constitue une véritable préoccupation.Le Pouvoir gère par la rente tant que le pétrole continue à couler et il a des hommes comme le patron de l'UGTA pour glorifier, en signe de reconnaissance, son infinie générosité. Moralité, c'est lui le grand gagnant de cette grotesque partition théâtrale et pas les travailleurs qui, une fois les lampions éteints, vont retrouver leurs vraies misères. Pour l'heure, la formule marche encore tant que les «acquis», source de stabilité, ne sont pas remis en cause et on comprend toute la béatitude du premier locataire de la place du 1er Mai, usant et abusant de la langue de bois pour savourer sa victoire sans la moindre gêne.Le fantasque personnage, qui doit toute sa carrière au clan présidentiel, sait au fond de lui-même que ses rapports avec les travailleurs ne sont pas toujours harmonieux, mais entre l'honorable mission de solidarité avec les exclus qui exige de grands sacrifices et la permissivité complice vis-à-vis du Pouvoir, il a fait son choix. On remarquera dans cette optique que depuis quelque temps, pratiquement tous les affidés du Pouvoir sortent à visage découvert et assument pleinement leur alignement ou leur ralliement pour les nouveaux venus, même si l'écart paraît trop scandaleux.Il n'y a donc plus aucune pudeur, plus aucune honte à s'impliquer dans les compromissions ou à s'investir dans le mensonge le plus ignoble quand on a l'assurance que les intérêts pour lesquels on court sont bien défendus. En s'affichant comme étant le supporter le plus fidèle et le plus acharné de Bouteflika ? tout en sachant que le Président malade n'a plus les moyens pour gérer le pays ? Sidi Saïd tient à rester parmi les «élites» dirigeantes qui comptent. Au demeurant, le congrès de l'UGTA qui lui a ouvert les portes d'un quatrième mandat ? comme Bouteflika ? a pris des allures de grand-messe.Tous les barons du pouvoir, membres du gouvernement, représentants des structures économiques, ou de partis alliés, étaient présents pour applaudir le plébiscite. Ils étaient venus, ils étaient tous là, à tel point qu'on s'est demandé s'il s'agissait d'une simple rencontre syndicale soucieuse du renouvellement de son staff ou d'une assemblée nationale stratégique et extraordinaire qui allait s'avérer déterminante pour l'avenir politique et économique immédiat du pays. La séquence, visiblement, devait frapper les esprits.Plus qu'une image symbolique pour montrer que Sidi Saïd reste un élément clé dans le dispositif de mobilisation pour pérenniser le système, la coalition faite autour de l'UGTA par les dirigeants les plus médiatisés, à leur tête le Premier ministre est un signe fort adressé à l'opinion publique pour montrer que l'adhésion populaire reste le plus grand garant du sérail, contrairement aux thèses développées par l'opposition qui estime que le régime dans sa démarche suicidaire s'isole de plus en plus. Entre la popularité d'une démarche et le populisme d'une action temporaire, il y a cependant une sacrée nuance qui ne peut échapper aux observateurs avertis.L'instrumentalisation de la Centrale syndicale est là pour prouver que derrière la vitrine lumineuse, il y a une réalité amère des travailleurs qui ne saurait résister longtemps aux artifices. Au c?ur du monde du travail qui souffre et qui fait de plus en plus confiance aux syndicats libres et autonomes du Pouvoir, on ne veut pas être assimilés à des potiches dans un jeu qui ne les concerne pas. C'est l'autre message des travailleurs en direction des arrivistes qui se croient tout permis.




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