Algérie

Vu à la télé



Vu à la télé
Question à un centime : Sidi Saïd fait-il de la politique ' Allons donc? Dans l'entourage du secrétariat de l'organisation des travailleurs, on vous répondra non évidemment, sauf que l'inamovible patron de l'UGTA a, lui, le droit de siéger et de donner son avis dans toutes les institutions qui traitent des affaires politiques du pays, et qu'il n'a de surcroît de compte à rendre à personne quand il engage personnellement l'Union syndicale pour soutenir «politiquement» les mandats présidentiels successifs de Bouteflika.A part lui et les membres permanents du Conseil national de l'organisation syndicale, depuis longtemps discrédités par l'ensemble des travailleurs algériens qui leur reprochent précisément de trop s'occuper de politique au détriment de leurs problèmes sociaux, les sections syndicales des entreprises affiliées à la Centrale ne doivent en aucun cas outrepasser les règles de la bienséance établies pour éviter tout débordement aux conséquences désastreuses pour l'image de l'organisation.Tout manquement à ce deal sera sévèrement sanctionné. C'est un peu le sort qui a été réservé à la section des journalistes de la Télévision publique qui a, dernièrement, rompu la glace pour dénoncer l'instrumentalisation politique abusive d'une entreprise publique nationale qui, selon eux, doit être au service non pas d'un clan ou d'un cercle du pouvoir, mais de tous les Algériens.Reprocher aux journalistes de réclamer des conditions de travail plus dignes pour pouvoir exercer librement leur métier, dans un cadre de service public, sous prétexte que leurs revendications sortent du cadre syndical alors que les ténors de l'UGTA accompagnent ouvertement toutes les décisions politiques prises au sommet de l'Etat, relève assurément d'une conception autoritariste d'un autre temps qui n'a plus sa place dans notre société.Et passer sous silence une démarche délibérée pour étouffer des voix qui remettent, pour la bonne cause, en question une organisation en complet déphasage avec ses propres attributions, et davantage avec les lois qui régissent la profession journalistique, serait encore la pire des sanctions qu'on pourrait infliger à une corporation qui, aujourd'hui plus qu'hier, réfléchit sur sa vocation, son avenir et qui par son action donne la mesure de son refus à servir d'alibi à des enjeux dans lesquels elle ne se sent pas directement impliquée.On ne sait pas si ce sont tous les journalistes de l'ENTV qui se sont montrés solidaires avec cette revendication qui a certainement secoué tout l'establishment politique et syndical du pays, mais même si elle n'a recueilli qu'une adhésion relative dans la sphère audiovisuelle, cette mobilisation pour redonner de la dignité à la profession est une première à inscrire dans les annales de la Télévision publique qui ouvre pour une fois de l'intérieur le vrai débat sur l'état et le rôle de ce media pas comme les autres.On aurait aimé voir un soutien prononcé de la part du ministère de la Communication qui semble tellement se soucier des valeurs éthiques et déontologiques qui doivent régir la profession journalistique, notamment celles de la presse télévisée et parlée. La tutelle, si prompte à donner des leçons, a, hélas, préféré mettre, comme l'autruche, la tête dans le sable pour ne pas s'investir dans cette affaire qui sent le soufre.Elle a plutôt conservé une «neutralité» qui ne trompe personne, puisqu'en ne disant mot elle consent à supporter la décision de l'UGTA dégainée comme une représaille pour étouffer la révolte dans l'?uf. Moralité : en plus du combat de longue haleine qu'ils devront livrer face à un système complètement verrouillé, les journalistes syndiqués de l'Unique devront se faire à l'idée que leur organe suprême de représentation n'est pas encore près de se montrer solidaire avec leur mouvement.A quoi donc cela sert-il d'avoir une tutelle si celle-ci se détourne de la réalité du milieu professionnel qui donne un sens à sa raison d'être, en épousant systématiquement les thèses du Pouvoir pour qui le mot media doit obligatoirement renvoyer à la notion de soumission dans ce qu'elle a de plus exécrable comme atteinte aux valeurs fondamentales qui font la noblesse du métier et qui ont pour nom : liberté d'expression, objectivité, devoir de vérité.Comme tous les journalistes en exercice, que ce soit dans la presse écrite, parlée ou télévisée, ceux de l'ENTV ont une conscience professionnelle à faire valoir, un talent incontestable et une expérience riche à confronter à l'épreuve du terrain. Les maintenir dans une mission fonctionnarisée à outrance, et dans un rôle de pure propagande au service exclusif des décideurs, c'est les réduire à une dimension suspecte qui ne cadre pas avec leurs ambitions.On comprend leur douleur interne lorsque nos dirigeants les soumettent au silence forcé pour taire des événements importants ou graves, mais qui obligent les Algériens à se rabattre sur les écrans étrangers pour avoir l'information. L'hospitalisation en catimini du président de la République tout récemment dans un établissement français est un cas flagrant du mépris qu'affiche le pouvoir politique avec ses propres médias publics, comme si ces derniers n'ont aucun droit d'intervenir sur l'information tant que l'autorisation ne leur est pas donnée.Ce n'est pas le seul exemple d'asservissement à relever, car depuis que la Télévision algérienne existe, c'est le même rapport d'allégeance qui est entretenu par la classe dirigeante avec les médias, oubliant que les journalistes, au-delà de leur fonction sociale, ont aussi une âme à préserver quand l'humiliation est menée trop loin.C'est d'ailleurs cette révolte intérieure qui a poussé de nombreux talents de l'Unique à s'exiler pour aller chercher des conditions professionnelles plus dignes. Faut-il pour autant s'incliner devant les pressions qui pèsent sur le rapport de force ' La colère des journalistes de l'ENTV résonne comme un signe de refus d'un fatalisme qui n'a que trop duré, alors que le monde de l'audiovisuel se démocratise de plus en plus. Un signe, une prise de conscience?




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