Algérie

Vu à la télé


Vu à la télé
Dès son installation, le ministre de la Communication a fait de la «professionnalisation» de la presse son cheval de bataille. La priorité des priorités de sa mission en application, a-t-il dit, de la feuille de route que lui a tracée le président de la République. Là où il va avec son bâton de pèlerin, il ne manque pas de rappeler à son assistance que le potentiel journalistique actuel, dans toute sa diversité et ses divergences, manque de rigueur, d'objectivité, de maîtrise professionnelle. Une corporation qui n'aurait par conséquent aucun respect des règles de la déontologie et de l'éthique.Dans sa dernière intervention publique, inscrite dans le cadre d'une campagne de redressement des valeurs médiatiques qu'il veut mener au pas de charge, il a ajouté une autre dimension à sa critique en affirmant que cette presse qu'il a un peu trop tendance à généraliser porte en elle les germes de son incapacité et de ses faiblesses en se considérant comme une éternelle «assistée». Le ministre n'en peut plus donc de voir des médias qui n'ont pas la compétence voulue ? cette remarque est plus suggérée qu'affirmée ? qui feraient ainsi dans l'amateurisme le plus plat et qui, de surcroît, vivent en parfaits parasites.La solution serait, selon ses convictions, de balayer tout cela et de remettre de l'ordre dans la maison en instaurant les mécanismes de régulation ? à travers les textes juridiques et législatifs ? pour que les journalistes, qu'ils appartiennent à des organes publics ou privés, puissent, comme l'a défini le premier magistrat du pays dans son message à l'occasion de la Journée nationale de la presse, «exercer leur métier dans le respect de la mission qui leur est dévolue, loin de toute surenchère, violation de la loi ou de toute altération des objectifs de la profession?».Au-delà des formules langue de bois qu'on jette pour se donner bonne conscience, il y a une réalité de la presse en Algérie que le ministre ne peut ignorer puisqu'il se dit lui-même issu de cette famille, mais qui se traduit autrement que par des critiques acerbes à sens unique qui ajoutent au flou existant. Cette réalité, c'est la presse indépendante qui la vit davantage dans sa chair, depuis sa création, et qui a un rapport direct avec le combat qu'elle mène pour la défense de la liberté d'expression, une notion hélas qui ne semble pas une préoccupation essentielle du gouvernement.Et si le ministre évite autant que faire se peut de parler de cette liberté d'expression comme étant la vertu fondamentale devant régir le travail de la presse et qu'il faille obligatoirement protéger avant d'aborder les problèmes d'organisation ou de sensibilisation éthique, c'est que cette «orientation» ne figure pas dans sa feuille de route et, de toute façon, ne risque jamais d'y trouver sa place tant que la mentalité du pouvoir ne change pas.Accepter une presse libre, c'est cela, en fait, l'enjeu capital qui doit être au centre de l'action politique de l'Exécutif, mais reste un sujet tabou pour les instances dirigeantes dans leur quête permanente de la survie d'un système qui ne peut se fondre dans un paysage médiatique transparent et impartial. Appartenant aujourd'hui à ce système alors qu'il se prévalait d'être un esprit libre avant de rejoindre l'équipe gouvernementale, le ministre n'a d'autres arguments pour justifier sa mission que les attaques répétées contre la presse frondeuse, celle qui refuse de rentrer dans le rang et contre laquelle le pouvoir lance toutes sortes d'anathèmes pour la discréditer.Si la presse n'est pas suffisamment professionnelle aux yeux du ministre, c'est la faute à qui ' Et d'abord, de quelle presse parle-t-on ' Comment cette presse pourrait-elle exercer sa fonction dans un pays considéré comme étant parmi les plus fermés du monde, un pays où les sources d'information sont complètement contrôlées et où l'investigation reste un luxe dangereux face à des responsables de tous bords qui ne s'assument jamais ouvertement devant l'opinion publique 'Pour connaître la vérité et la transmettre au public, les médias qui se sont inscrits dans la ligne de la transparence et de la recherche de la vérité doivent faire preuve de beaucoup d'ingéniosité pour rester en phase avec l'actualité et les événements qui nourrissent le quotidien des Algériens. Et s'ils tombent dans le travers de la spéculation ou de l'extrapolation, ils ont au moins le mérite de ne pas rendre feuille blanche. Ceci pour dire aux tenants du pouvoir que, souvent, les pressions qu'ils exercent de manière éhontée sur les organes d'information, sous différentes facettes, pour les domestiquer ou les rendre inoffensifs, ne sont pas toujours productives pour leurs auteurs, en plus du fait qu'elles abîment considérablement l'image «démocratique» qu'on veut donner à l'extérieur.La preuve : malgré toutes les tentatives d'affaiblissement et d'asphyxie financière, notamment par l'arme de la publicité, nombreux sont les journaux qui résistent, mus par le seul souci de ne jamais déroger à l'esprit d'indépendance pour lequel ils ont consenti tant de sacrifices. Le problème posé aujourd'hui sur la table par un membre du gouvernement, qui semble avoir mis sous le coude son esprit d'indépendance, n'est pas dans la structuration quasi militaire de la corporation, mais bien dans la sauvegarde de sa liberté d'expression qui ne doit céder ni au bâton ni à la carotte.En disant par exemple que «l'ANEP est libre de donner la pub, pas comme elle veut mais selon notre politique», le ministre a rappelé tout le concept de la politique d'information et de communication que le Pouvoir veut mettre en place, et qui se résume à cette redoutable devise autoritariste : «Qui n'est pas avec nous est contre nous !» En huit mois, le ministre de la Communication a tourné en rond alors que la libération de la parole se fait cruellement attendre dans les médias publics (presse écrite, radios, télés) qui sont de plus en plus rejetés par les citoyens pour déni de vérité.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)