Algérie

Vu à la télé



Vu à la télé
Vous avez vu, il s'est levé !...». Mon Dieu que ça doit être pénible pour Sellal de vouloir, face à la foule bigarrée qu'on lui emménage pour remplir les salles, de convaincre que le Président candidat est, quoi qu'en disent ses opposants, apte à assumer ses responsabilités de chef d'Etat si le peuple lui renouvelle sa confiance. Le directeur de campagne de Bouteflika qui a vraiment du mal à être imaginatif pour sortir des thèmes démagogiques archi usés, et qui donne lui-même parfois l'impression de ne pas trop y croire tant l'évidence crève les yeux, s'est référé à la séquence de l'audience accordée par le président de la République au secrétaire d'Etat américain, John Kerry, où on a vu effectivement Bouteflika en position debout pour la première fois en public depuis son accident vasculaire cérébral.Pour Sellal, cette image a paru comme une aubaine salutaire pour répondre aux sceptiques qui font de l'état de santé du candidat sortant leur principal argument de campagne pour réfuter le quatrième mandat. Sauf que si les Algériens ont vu leur Président sur ses deux jambes pendant quelques secondes, juste le temps que crépitent les flashes des photographes, ils n'ont pas eu l'occasion, même furtive, de le voir se remettre tout seul en position assise. Il y a eu comme un montage télévisuel subtil (un de plus) qui n'a pas échappé au Petit Journal de Canal+ et qui, évidemment, a fourni encore une fois la matière pour tourner en dérision la campagne présidentielle menée par l'équipe de Bouteflika.Il faut dire que si l'émission corrosive de la chaîne cryptée française s'acharne par un «feuilleton» quotidien à discréditer l'événement électoral que nous nous apprêtons à vivre, en cherchant le petit détail singulier et grotesque qui fait mouche, c'est en partie à cause du refus inexpliqué des autorités algériennes d'accorder des visas d'entrée à de nombreux journalistes de l'hexagone, dont ceux du Petit Journal qui, malgré le renouvellement de leur demande, attendent en vain. Ces derniers, pour ne rien rater de cette actualité qui les intéresse, ont décidé alors de la couvrir ? mais à leur manière, c'est-à-dire avec une dose de subjectivité assumée ? à partir de leurs bureaux en exploitant les envois de leurs correspondants conjoncturels. Ce n'est pas le cas de nombreuses rédactions de télé ou de la presse écrite se trouvant dans la même situation et qui ont préféré répondre par le silence.En effet, vue de France, l'élection présidentielle algérienne prend l'allure, devant ce boycott qui ne dit pas son nom et qui résonne comme une mesure de représailles, d'un non-événement sur lequel il n'y a pas lieu d'insister. Au lieu donc de s'ouvrir sur la médiatisation internationale d'un sujet aussi important pour l'avenir du pays, nos gouvernants optent pour le rideau de fer en empêchant les journalistes étrangers d'avoir leur carte d'accréditation. Quelle est la raison de ce verrouillage bête et méchant qui nous renvoie à la triste époque de la glaciation où aucune critique, même objective, sur le régime n'avait droit de cité, sinon celle qui fait admettre l'idée que les autorités algériennes qui ont pris en charge cette élection ont vraiment des choses à cacher et à se reprocher.Selon toute vraisemblance, ces mêmes autorités ? gouvernement, administration, institutions ? qui se sont mises toutes au service du clan présidentiel n'apprécient guère que leur image soit écornée par les médias étrangers. La dream team conduite par Sellal aurait ainsi hurlé de colère contre les débats contradictoires sur l'Algérie organisés par certaines télévisions outre-Méditerranée lesquelles, en cherchant à approfondir la réflexion sur les questions essentielles que pose ce scrutin, ont mis le doigt sur des vérités pas bonnes à montrer.Entre autres celle sur l'aberration de présenter un candidat impotent qui traîne un bilan politique, économique et social de trois mandats peu reluisant et qui, de surcroît, s'est lui-même forcé de se construire une stature continentale plus proche de Mugabe que de Mandela. Un Président qui a eu tout le temps nécessaire de s'ouvrir à la démocratie, mais qui s'est fourvoyé dans un système autocratique dans lequel règnent la corruption et l'injustice sociale. Les dirigeants algériens, acquis à l'impérative nécessité d'un quatrième mandat, même s'il mène à l'aventure, ne sont donc pas en phase avec leurs propres argumentaires électoralistes.D'un côté, ils défendent avec une rare détermination la liberté d'expression sans laquelle la démocratie serait nulle, et de l'autre ils font tout pour censurer toute voix qui viendrait contredire leurs plans. Ils veulent en fait des médias béni oui-ouistes rompus à la flagornerie, comme certaines de ces nouvelles télés privées qui ont profondément déçu leurs téléspectateurs en sacrifiant sans vergogne leur liberté de pensée.A ce propos, on a de l'inédit chez nous : trois nouvelles chaînes se sont mises en «coalition» pour soutenir ouvertement Bouteflika. L'indépendance a donc un prix, mais heureusement qu'on ne peut pas acheter tout le monde. Nous parlons des médias bien sûr. Pour le reste, le clan qui s'est autoproclamé favori de ce challenge électoral pas comme les autres, en misant sur les moyens financiers et humains colossaux mis en ?uvre, est capable de nous étonner dans l'art d'impliquer subrepticement de hautes personnalités internationales pour cautionner son projet.Si John Kerry s'est prêté au jeu d'un conciliabule qui paraissait trop flagrant pour être sincère, que dire alors de la présence en Algérie des deux figures européennes, l'ancien MAE espagnol, Miguel Angel Moratinos, et la sénatrice belge Anne Marie Lizin, venus tous deux en observateurs indépendants pour contrôler l'élection. Que ne faut-il pas faire pour élire le candidat sortant ' Mais à quoi devrait-on s'attendre s'il ne sortait pas vainqueur'




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