Algérie

Vu à la télé



Vu à la télé
La loi sur l'audiovisuel, qui avait soulevé au sein de la presse et de la société civile une vive contestation pour les restrictions qu'elle apporte de manière drastique à la liberté d'expression, est finalement passée comme une lettre à la poste à l'Assemblée nationale. Tous les efforts entrepris par les opposants à ce texte d'arrière-garde pour faire infléchir la décision parlementaire se sont avérés vains devant la ténacité et l'obstination d'un gouvernement qui voulait coûte que coûte avoir une loi à sa mesure, sous couvert d'une ouverture démocratique qui ressemble plus à une illusion qu'à une véritable conviction politique tenant compte des impératifs de communication du temps actuel que nous vivons.A l'ère de l'Internet et de la multitude des réseaux sociaux qui ne transforment pas seulement l'Algérie, mais le monde entier, en maison de verre, nos dirigeants en sont encore à vouloir brider les médias de masse pour essayer de les rendre les plus inopérants possible. L'adoption de cette loi n'a donc rien de surprenant sachant que le projet concocté dans la foulée des «réformes» préconisées en avril 2011 par le président Bouteflika pour se prémunir des effets pervers des printemps arabes qui fleurissaient à cette époque, n'était conçu que comme une simple alternative médiatique qui allait être mise sous haute surveillance.Nous le constatons aujourd'hui, le texte dans sa finalité qui a été retenu sous la pression gouvernementale ne laisse pas beaucoup de marge aux promoteurs privés qui aspiraient à monter de véritables entreprises de télévision pour répondre aux défis de communication auxquels doit faire face notre pays, mais qui font le constat amer de se retrouver complètement grugés par l'option obligatoire de la télé thématique, une invention algérienne dans son concept politique pour neutraliser la vraie substance de l'audiovisuel qui pourrait contredire la voix du Système.Il faut dire que cette mouture du projet qui a subi moult tempêtes de critiques et de contestation et une longue phase de maturation avant d'être rendu publique a été âprement défendue par le ministre de la Communication qui a usé de tous les subterfuges pour parvenir à ce résultat. Messahel avait, il ne faut pas être naïf, une mission à remplir. Celle de vanter dans la forme les mérites d'une ouverture du champ audiovisuel pour montrer à l'opinion internationale qu'en matière de liberté d'expression, l'Algérie est au rendez-vous, mais de faire en sorte dans le fond pour que la nouvelle télévision privée algérienne ait ses propres limites.La formule a été vite trouvée avec l'orientation vers le programme thématique qui réduit donc à sa plus simple expression le champ d'action des nouveaux venus dans le paysage médiatique, en leur enlevant ce qui fait la force d'un media de cette influence : la communication politique dans toute sa dimension médiatique. Si ces télés ne peuvent pas faire de l'info comme elles l'entendent, ni organiser des débats politiques, ni apporter la contradiction aux discours officiels, en somme si elles sont interdites d'investir l'espace sacré réservé aux communicants du système, que leur reste-t-il ' Parler de cuisine, de mode, de sport, des animaux, et des paysages? S'adresser donc au public demeure comme un no man's land qu'il faudrait peut-être négocier avec le pouvoir pour y avoir accès.Et encore jamais avec cette ambition de vouloir concurrencer la télévision d'Etat qui doit impérativement conserver sa prédominance médiatique sur les événements qui font l'actualité. C'est sans aucun doute ce que feront les trois ou quatre chaînes qui ont réussi jusque-là à s'implanter plus ou moins dans l'opinion publique, mais la question sera de savoir de quelle nature sera le deal qui sortira de cette négociation. Une chose est sûre, ces télés sont parvenues à s'imposer au pouvoir politique par le biais du fait accompli et aussi par la persistance d'un travail professionnel qui a sûrement interpellé les dirigeants en raison de sa pertinence.Un travail qui même s'il reste approximatif et donc perfectible a résonné comme une sérieuse menace pour les organes publics. Le laisser se développer encore davantage, c'est courir le risque de voir à moyen terme les médias étatiques sombrer dans l'oubli et la désaffection du public. La meilleur façon de protéger l'Unique et ses clones c'est de freiner les autres. Pas plus simple et de surcroît avec la bénédiction d'une loi scélérate qui met tout le monde devant ses responsabilités.Messahel a convié ces nouvelles télés privées de venir au plus vite s'installer en Algérie en mettant fin à leur statut de droit étranger, mais encore faut-il qu'il nous dise comment il va s'y prendre pour régulariser des chaînes qui se sont déjà affichées généralistes à 100%. Va-t-il les obliger à réviser le fond de leur programme ' Va-t-il les forcer à se reconvertir en chaînes thématiques ' Va-t-il les tolérer telles qu'elles se présentent au risque de créer des précédents insolubles à l'avenir, alors que la loi n'est même pas encore mise en application ' Un vrai casse-tête pour le ministre qui pensait qu'avec ses artifices juridiques on pouvait normaliser une situation qui cache mal en fait ses éléments explosifs. Tout cela pour dire que l'Algérie, au lieu de faire comme tous les pays qui respectent la démocratie a préféré comme toujours le jeu malsain du chipotage qui ne mène jamais loin. Une autre occasion de ratée, mais il est vrai que les libertés ne sont jamais octroyées, elles sont le processus d'un long combat.




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