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VRAIE COURSE, FAUX ENNEMI



VRAIE COURSE, FAUX ENNEMI
470 millions d'euros, 6 milliards de dirhams. C'est le prix de la frégate Mohamed VI que vient d'acquérir le Maroc. Beaucoup d'argent dépensé pour un pays qui connaît des difficultés économiques sérieuses. Bien entendu, on entendra toujours l'objection que les choses «n'ont rien à voir» et que les exigences de «sécurité» n'ont pas à se soucier d'économie et de social. Mais l'argument est spécieux.Cette course aux armements entre les deux plus grands pays du Maghreb est peu discutée sur l'espace public. Elle relève du tabou alors qu'elle gagnerait à être débattue ouvertement et la dépense appréciée à son rendement. Une politique d'armement s'adosse normalement à une doctrine de défense de la sécurité nationale qui définit la menace et, ce qu'on ne dit jamais clairement, «l'ennemi». On se retrouve aujourd'hui dans la situation absurde - en dépit de trois décennies de récriminations et de ranc?urs et de médias programmés - où l'Algérie serait «l'ennemi» du Maroc et le Maroc «l'ennemi» de l'Algérie. On sait qu'il existe certains esprits au bellicisme avéré mais il est clair que l'hypothèse d'une guerre entre l'Algérie et le Maroc est très faible. Non seulement parce qu'il existe encore suffisamment de gens sages dans les deux pays pour ne pas l'envisager, mais également parce que la «communauté internationale» ne le permettra pas.S'armer dans l'idée que le Maroc fera un jour la guerre à l'Algérie ou vice-versa n'a pas de sens. Sauf, c'est une évidence, par les marchands d'armes et leurs Etats qui gagnent toujours dans ces histoires. Le rapport 2012 de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm montre que l'Algérie et le Maroc sont les plus dépensiers en Afrique en matière d'achat d'armements. Entre 2008 et 2012, les achats de l'Algérie ont augmenté de 277% contre 1460% pour le Maroc. Implicitement, chacun trouve ses justifications chez l'autre alors qu'il est manifeste que la sécurité peut être assurée par des moyens moins coûteux et plus vertueux que permet la politique. Mais quand les relations entre les deux pays ne sont abordées que par le réflexe d'alignement sur les gouvernements, les choix en matière de dépenses militaires ne sont pratiquement jamais discutés. Le faire, c'est essuyer le risque d'être accusé de mollesse patriotique pour ne pas dire de trahison.Pourtant, sans faire de l'angélisme, les débats fondamentaux sur les stratégies, la définition des menaces et des risques devraient être suffisamment larges pour engager l'ensemble du pays. Cela pourrait permettre aux Algériens et aux Marocains, chacun chez soi, de dégonfler la baudruche, permanente, du péril venant du «voisin». Ce tabou, l'économiste marocain, Fouad Abdelmoumni, n'hésite pas avec des arguments de poids à s'y attaquer. Pour lui, ce sont 6 milliards de dirhams dépensés pour un «jouet inutile» alors que le pays vit dans un contexte de crise économique. Il critique la tendance du régime marocain à «dilapider ses maigres moyens dans une compétition militariste qui n'a aucun sens». «De toutes les manières, le Maroc n'a pas les moyens de tenir la compétition dans la course à l'armement avec l'Algérie qui dispose d'une manne pétrolière immense, et encore moins avec l'Espagne et l'OTAN face auxquels il est quantité absolument négligeable, comme l'a montré sa déculottée historique dans le conflit de l'îlot Perejil-Laïla au début du règne de Mohammed 6».Le débat, souvent vif, sur la page d'Abdelmoumni démontre, s'il en est besoin, que ces questions ne peuvent être réservées à des cercles restreints. Cela se passe sur Facebook, mais cela finira bien par en sortir pour débattre des vrais ennemis que sont la pauvreté, la misère, l'ignorance et l'absence de libertés.




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