Algérie

Vrai malade


Vrai malade
On disait…, il y a la salle d'attente chez le médecin du quartier qui accueille des malades. Qui payeront l'auscultation sans pouvoir se payer l'ordonnance. Les gens y viennent pour savoir ce qu'ils ont au juste, afin de pouvoir se soigner aux herbes et autres trucs traditionnels.Ce n'est pas de cette salle d'attente qu'il s'agit. C'est de l'autre. Ce genre de salles qui sont à la mode. On y va parce qu'y va la crème (à fouetter). On y va comme on irait à la grande surface qui vient d'ouvrir ses portes. C'est chic. On y va même si nous n'avons rien à acheter. On y va même quand on n'est pas malade. On y va pour pouvoir dire : «Ah oui, j'y suis allé. C'est top ! Ça grouille. Que des liftingueurs». L'atmosphère est saturée par une seule sorte d'humanité. Ça renifle profondément, ça gueule, ça gigote, ça laisse ses gosses beugler. Et ça parle. Ça débat des grandes questions philosophiques de notre temps, du divorce de la grande star au dernier tube de cheb analphabébête, du problème palestinien à... Des paroles qui puent la bêtise, d'où suinte l'inexprimable vacuité d'une vie minable glorifiée.
Le singe à casquette, training flambant dégueulasse, vante les mérites de son moteur à turbine, tandis que sa greluche, très jeune et pourtant déjà ravagée, chique un chewing-gum. La gueule ouverte. L'air morne. Totalement inexpressif. Son moutard fait la course dans les couloirs en hurlant. Ils se plaignent de la violence qui ne les a jamais effleurés, car jamais ils ne sortent de leur grosse cylindrée et de leurs lunettes de soleil fumées. «Tout ça à cause de l'exode rural», dit-il. Le citadindon.
Quant à son interlocuteur, un autre à la tronche avinée, il exhibe la griffe de sa vista qu'il n'arrête pas de mettre et de démettre. Il regarde sa montre d'un air entendu et marmonne un borborygme incompréhensible. «C'est plus possible de trouver un cabinet sérieux dans ce douar». Là au moins, on est sûr qu'il y a de vrais malades !
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