Le 17 mai aouvert des polémiques. Mais pas de débats...Un nouveau consensusse dégage en Algérie : la débâcle électorale du 17 mai est due à la loiélectorale elle-même. Abdelaziz Belkhadem, coordinateur du gouvernement, et sonprédécesseur, Ahmed Ouyahia, ont fait preuve de beaucoup de talent pour vendrecette explication aux Algériens. Dès le lendemain des élections législatives,ils ont décidé de passer à la télévision pour révéler aux électeurs où setrouvait le mal, et leur montrer la solution. En un tour de main, la situation étaitréglée. Une nouvelle loi électorale, des mesures contre les petits partis etles indépendants, une fidélité à toute épreuve au programme du président de laRépublique, et l'Algérie sera sauvée, ont-il promis. Le ministre de l'IntérieurYazid Zerhouni est allé dans le même sens, en annonçant d'ores et déjà que laloi électorale sera révisée avant les locales de l'automne prochain. Il a aussipromis des mesures contre les listes des partis intermittents qui polluent lavie démocratique. Voilà ce qu'il en est du diagnostic établipar le pouvoir «visible» à propos de la formidable abstention du 17 mai. Lepouvoir réel, lui, n'a encore rien dit. Tout comme le président AbdelazizBouteflika, qui a préféré rappeler sa popularité, avec ces bains de foule dansles wilayas de l'intérieur du pays. Une manière de rappeler aux députés quelui-même a été beaucoup mieux élu, et qu'il est forcément plus légitime. Première conséquence de ce tir de barrage surla loi électorale, le premier acte politique des nouveaux députés sera dechanger la loi qui leur aura permis d'entrer au Parlement ! Peu d'entre euxavaient inclus cette revendication dans leur programme électoral, si tantqu'ils en avaient un, car la plupart se réclamaient du fameux du programme duprésident de la République. Cela ne les empêchera pas de changer la loi qui lesa fait élire, jetant des doutes supplémentaires sur leur légitimité, largemententamée par l'abstention. On peut aussi disserter longuement sur cesdéputés indépendants qui ont rallié le FLN ou le RND avant même d'être intronisésà l'APN. Certains parlent de trahison, car ces députés sont supposés êtredétenteurs d'un mandat qu'ils auraient détourné en rejoignant des formationspolitiques. D'autres, par contre, soutiennent que le député indépendant reste,par définition, libre de faire de son mandat ce qu'il veut, y compris monnayerson soutien au plus offrant. On ne sait encore comment ces questionsseront tranchées. L'Algérie a visiblement tout l'été pour alimenter ce type dedébat, inutile, fastidieux et sans fin. D'ici la rentrée, les députés«indépendants» auront trouvé une formule, et une nouvelle loi électorale seraadoptée. Ceci contribuera-t-il pour autant à sortir le pays de l'impasse ? En fait, ces questions de l'heure, quisuscitent une vraie polémique, constituent un formidable moyen d'occulter lesvrais défis qui s'imposent au pays. Elles donnent l'illusion que le pays estdans un débat, et qu'il recherche des solutions, alors qu'il reste totalementenfermé dans une impasse très bien entretenue. Dans cette dérive, les responsabilités sontpartagées, mais de manière inégale. Un parvenu du RND, ou un «indépendant» dontla liste a été parrainée par le wali du coin, ne portent pas la mêmeresponsabilité qu'un vieux militant de la cause nationale, ou des hommes issusde la génération de la guerre de libération, comme Abdelaziz Bouteflika, YazidZerhouni et certains officiers supérieurs. De par leur parcours, leursresponsabilités et les symboles qu'ils portent, ceux de la première générationsont particulièrement interpellés par cette situation qui a fait de l'accès auParlement une voie d'accès aux privilèges, alors qu'il devrait s'agir d'unemission de représentation nationale lourde à porter. Ces hommes, qui se veulent héritiers de lalutte de libération nationale, devraient être les premiers à s'alarmer de cettereprésentation nationale biaisée. Ils devraient se rendre compte que l'absencede contre-pouvoirs rend leur propre pouvoir illusoire, car il n'est bâti surrien, sinon sur une allégeance prête à se vendre au plus offrant, y compris audétriment de la souveraineté nationale. L'expérience de ces responsables devraitaussi, en théorie, les amener à faire le constat de l'écroulement desinstitutions et des valeurs morales qui font les grandes ambitions. De mêmedevraient-ils constater l'absence de toute instance de débat et de délibérationdans le pays, ce qui ouvre la voie à des décisions irréfléchies, parfois à lalimite de l'absurde, comme ce fut le cas pour la loi sur les hydrocarbures. Laréhabilitation du débat, et de l'action politique, pourrait peut-être lesamener à se remettre en cause, et se poser des questions à la fois sur leurparcours récent, et sur les véritables raisons qui ont mené à l'abstentionmassive du 17 mai. Ce sera un premier pas vers la lucidité, qui semble devoiramener le pays vers une destination inévitable : faire le constat que lesystème politique est mort, et que la plus belle oeuvre à engager est de luiorganiser de belles funérailles, pour bâtir un autre système, basé sur denouvelles règles politiques, économiques, sociales, culturelles et morales. Cesera le seul moyen d'éviter un nouveau consensus autour de fausses solutions.
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Posté Le : 31/05/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com