Publié le 26.09.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MERIEM GUEMACHE
Lamia Mohend (35 ans) a fui Alger pendant les années de terrorisme. Elle a atterri à Toulouse. Après avoir continué ses études à l’université de la ville rose, elle a réussi à y décrocher un poste d’enseignante. Après plusieurs années d’exil, la voilà de retour chez elle, à Alger. Lamia veut renouer le contact avec ses anciennes connaissances et réaliser un ouvrage photographique sur la capitale algérienne. De retour dans la maison parentale de Oued al Romane, elle retrouve ses anciennes habitudes. Lamia étudie la possibilité de se réinstaller à Alger et de postuler pour un poste de professeure à la Faculté de lettres.
L’héroïne du roman de Maya Boutaghou revoit Sabrina, son ancienne amie. Les deux copines vont souvent se retrouver pour évoquer le passé. Sabrina a une fille qui étudie la littérature française à l’université de Bouzaréah et qui caresse le rêve de partir à l’étranger, au grand dam de sa mère.
Lamia retrouve également Sofien, son amoureux du lycée. Leur histoire s’était terminée en queue de poisson. A la veille de son départ pour la France, Sofien avait promis à sa petite amie de prendre régulièrement de ses nouvelles mais le roméo a disparu de sa vie, du jour au lendemain. «Alors qu’elle buvait son thé, elle repensa au jour où Sofien était venu lui dire au revoir, il l’avait serrée très fort en murmurant qu’il ne l’oublierait jamais et qu’il lui écrirait. Jamais elle n’avait reçu de lettre, et le souvenir de ce moment qui, par la suite, à Toulouse, et même avant, c’est-à-dire dès lors qu’elle vit Sofien s’éloigner, fut pour elle la dernière image qu’elle gardait du jour de son départ à Alger.»
Lamia et Sofien tentent de reprendre leur histoire d’amour avortée. Sofien, qui maîtrise l’art de la photographie, accepte de réaliser le book sur Alger.
A Alger, c’est déjà l’été en ce mois de mai. Lamia et Sofien font des virées en bord de mer, à Sidi Fredj et à Tipasa. «L’été à Alger serait insupportable sans la mer (...) respirer les premiers effluves de la haute saison lui rappelait ses jeunes années. Quand les enfants étaient petits, les parents de Lamia n’aimaient pas les amener à la plage ; ils préféraient la montagne ou la forêt à la foule compacte étalée sur le sable au bord de l’eau.»
Lamia se replonge dans la vie algéroise avec son ambiance particulière. «Elle retrouvait Didouche, elle y allait souvent avec ses parents au moment des fêtes pour faire des courses. Didouche brassait la foule, des hommes et des femmes marchaient inlassablement.»
Un jour qu’elle prend des photos dans le quartier d’El Mouradia, à proximité de la présidence, elle se fait arrêter par les policiers. Lamia est conduite au commissariat le plus proche. Son appareil photo est confisqué. «Au poste, on remit l’appareil à un autre policier qui l’examina, comprit enfin qu’il ne s’agissait pas d’une caméra d’espionnage.» La jeune femme est bouleversée. Suite à cet incident, elle révisera son projet d’écrire un livre et de se réinstaller dans sa ville natale.
Côté cœur, le ciel est loin d’être dégagé. Ses sentiments pour Sofien sont-ils solides ? Et ce livre sur Alger va-t-elle vraiment le réaliser ? En plein questionnement, Lamia fait un pas de côté. «Elle avait revu des visages qu’elle connaissait, mais rien ne s’était produit, aucune connaissance. Rien n’aurait pu se produire dans ces conditions, tout avait disparu, et, encore une fois, elle se sentait détachée, à distance, loin de tous ces gens qui, pourtant, avaient un moment partagé sa vie. Les visages n’avaient pas changé, un peu vieilli pour certains, mais les regards étaient ailleurs...» Un roman qui traite de l’exil, de l’amitié, de l’amour, de la liberté, de la possibilité ou non de se réadapter à une société avec laquelle on a coupé les ponts durant plusieurs années.
Maya Boutaghou est assistante professeure dans le département de français à l’université de Virginie. Docteure en littérature comparée de l’université de Limoges, elle a publié Occidentalismes, romans historiques postcoloniaux et identités nationales au XIXe siècle, en 2016.
Meriem Guemache
Voyage d’Alger. Maya Boutaghou. éditions Aframed. 2019. 203 p.
Posté Le : 28/09/2024
Posté par : rachids