Algérie

VOYAGE CULINAIRE La mouna, le bon goût de notre enfance


La mouna est un gâteau brioché souvent doré à l'œuf, cuit au four, que l'on mangeait il y a bien longtemps à Pâques, le jour de la Résurrection. Une occasion qui était fêtée par les Oranais qui côtoyaient les Espagnols.
L'authenticité du mot mouna était sans nul doute jalousement préservée de génération en génération, puisque nous n'avons pas trouvé une version unifiée de son origine parmi toutes les personnes à qui nous nous sommes adressés. Tous s'accordent à dire que la mouna leur rappelle leur enfance lorsque grand-mère la sortait du four et la leur offrait au petit-déjeuner. Des Oranais nous ont affirmé qu'ils tiennent l'origine de la mouna de leurs grandsparents qui leur avaient appris que jadis ils fêtaient le lundi de Pâques sur les pentes boisées du fort Lamoun, et qu'ils baptisèrent ce gâteau mouna par analogie avec le lieu habituel de leurs réjouissances. D'autres évoquent une tout autre origine peu probable mais qui semble voyager de génération en génération. Un boulanger à la retraite, Hadj Krimou, nous raconte l'histoire de cette viennoiserie en affichant un large sourire. «Il paraîtrait que des prisonniers du Fort Lamoun jetaient des morceaux de brioche aux singes du haut de leurs fenêtres, d'où l'appellation mouna (Lamoun).» Toutefois, tous nos interlocuteurs s'accordent à dire que selon leurs parents et grands-parents, le rituel des festivités de Pâques trouvait son point d'orgue dans la forêt des Planteurs, au pied de Notre-Dame de Santa-Cruz à Oran. Les festivités des jours de Pâques du temps de la présence espagnole se traduisaient par l'envahissement périodique des collines des Planteurs, au-dessus du Fort Lamoun, par les familles espagnoles qui festoyaient en mangeant, entre autres nourritures, de la mouna. L'une des histoires «officielles » raconte que le mot mouna appartient au catalan valencien et serait donc la brioche valencienne importée en Algérie par les immigrants espagnols. A partir de 1840, et surtout après la construction de la chapelle de Santa-Cruz, les Oranais prirent l'habitude de se déplacer en famille ou en groupes dans la forêt de pins appelée alors «bois des planteurs militaires». Durant notre quête, nous avons rencontré Pascual, un Espagnol qui travaille à Oran et nous l'avons questionné à ce sujet. Pour lui, la mouna est la brioche espagnole que l'on mange pour les fêtes religieuses de Pâques, Noël et Pentecôte de Barcelone à Alicante. «La mouna a été importée d'Espagne à Oran par nos arrière-grands-parents natifs d'Elche (province d'Alicante), une ville d'Espagne qui depuis trois cents ans fait la mouna pour Pâques et à certaines fêtes religieuses.» Son inventeur lui donna le nom de mouna qui veut dire jolie. Enfin, revenons au présent, et demandons-nous qu'est devenue la mouna de nos jours ' Mme Asma nous dira qu'elle est toujours présente parmi les recettes de gâteaux modernes et est autant appréciée et préparée dans les foyers. Mais également bien vendue dans les boulangeries qui en proposent quotidiennement à une clientèle très fidèle. «Seulement, ajoute-t-elle, ce qui a changé c'est l'occasion pour laquelle elle est confectionnée. De nos jours, souvent la mouna est réservée aux occasions moins festives, elle est préparée et offerte à l'occasion d'un décès !» Tradition oblige, lorsqu'on se rend au domicile mortuaire pour présenter les condoléances le second ou le troisième jour, l'Oranaise se munit de sucre, de café, de thé, de dates mais aussi de mouna. Pourquoi de la mouna à une telle occasion ' Mme Yamina nous explique que «tout d'abord la mouna est un gâteau simple et pas cher, ainsi pour aider les personnes en deuil on offre de la mouna qui sera servie avec le thé et les dattes ainsi que du café noir». Ceci n'empêche en rien sa préparation pour des occasions plus joyeuses, ou tout simplement pour la dégustation quotidienne, l'occasion pour les grands-parents de raconter des souvenirs joyeux, les jours heureux de la mouna. Mme Yamina nous explique que la mouna est difficile à réussir du premier coup. Elle en parle en connaissance de cause : «Ce n'est qu'après avoir essayé plusieurs recettes, que j'ai enfin trouver la bonne. Il y a en fait plusieurs recettes de la mouna, mais l'essentiel est d'obtenir un gâteau à la mie très légère, comme on dit ‘‘en éponge''. Alors, pour vous mesdames, suivez la recette ci-dessous que je réussis.»
NOS RECETTES
Recette de Mme Yamina
Ingrédients
• farine (1 kg)
• levure de boulanger
• œuf (1)
• sucre (1 verre)
• huile (1 verre)
• sucre vanillé (2 sachets)
• levure chimique (2 sachets)
• eau de fleur d'oranger (1 cuillère à soupe)
• zeste et jus d'orange (1)
• jaunes d'œufs (2)
• sucre (1 pincée)
• lait tiède (1 verre)
Préparation
*Mélanger tous les ingrédients sauf le lait, les jaunes et la pincée de sucre ;
*pétrir en ajoutant du lait tiède pour obtenir une boule qui ne colle pas trop : ajouter de la farine pour que ça colle moins si nécessaire ;
*faire quatre boules avec la pâte et les placer sur du papier aluminium graissé sur la plaque qui ira au four ;
*laisser reposer 1h à 1h30 environ pour que ça gonfle bien, et penser à préchauffer le four à 210°C ;
*mettre du jaune d'œuf sur chaque boule au pinceau ;
*jeter quelques pincées de sucre grossièrement sur les boules ;
*faire cuire environ 30 minutes en faisant attention en fin de cuisson pour éviter de brûler le dessus. Vérifier que le point de cuisson est atteint avec un pic en bois, qui doit ressortir sec du gâteau.
Recette de Mme Denise Alberti(*)
Ingrédients pour 6 belles mounas :
• 2 kg de farine
• 60 g de levure de bière
• 11 œufs
• 2 pincées de sel
• 500 g de sucre semoule
• 1 gousse de vanille
• 20 centilitres d'huile
• 100 g de beurre
• 1 kg d'oranges et 1 kg de citrons non traités
• 1/4 de paquet de margarine
Quelques morceaux de sucre
Préparation
*Délayer la levure de bière dans un peu d'eau tiède, rajouter un peu de farine et pétrir légèrement pour former un levain. Laisser reposer 1 à 2 heures. Pendant ce temps : râper les zestes d'oranges et de citrons, faire fondre le beurre et la margarine, casser 10 œufs et les battre entiers, faire bouillir la vanille dans un peu d'eau.
*Ajouter au levain les autres ingrédients : sucre, sel, huile, beurre et margarine fondus, œufs battus, eau de vanille, oranges et citrons râpés. Incorporer peu à peu la farine. Bien pétrir à la main jusqu'à ce que la pâte ne colle plus. Laisser lever dans un grand récipient recouvert d'un torchon pendant 2 heures environ.
*Confectionner 6 boules d'égale grosseur en les pétrissant un peu et les déposer, soudure dessous, sur des feuilles de papier sulfurisé ou d'aluminium badigeonnées à l'huile. Laisser reposer environ 1 heure.
*Badigeonner le dessus des mounas avec 1 œuf battu. Faire sur chacune 2 coupures en croix à l'aide de ciseaux. Saupoudrer de sucre en morceaux concassés. Mettre à cuire à four très doux (100°) au moins 2 heures.
N. B. : 2 phases importantes conditionnent en grande partie la réussite des mounas et nécessitent une surveillance constante :
• La poussée de la pâte qui dépend de la température ambiante. Elle doit lever au maximum, mais ne pas retomber.
• La cuisson lente à four doux qui permet de cuire l'intérieur sans brûler l'extérieur. Le test au couteau est recommandé.
(*) Mme Denise Alberti tenait au temps de la colonisation française la boulangerie du Centre de Attatba.
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