Algérie

Voyage au c'ur de l'Amérique du Sud



Voyage au c'ur de l'Amérique du Sud
Mal de tête, la pression artérielle qui grimpe, les yeux qui semblent vouloir sortir de leurs orbites, rythme cardiaque qui s'emballe, fourmillements, nez bouché, abattement, une soif inextinguible et, bien sûr, difficultés respiratoires qui peuvent aller jusqu'à l'?dème pulmonaire. Le Soroché, comme on appelle ici le Mal aigu des montagnes (MAM), est redoutable. Le car a fini de souffrir après avoir péniblement gravi les Andes pour se retrouver sur cette terre dénudée d'éleveurs de moutons et de lamas où aucun arbre ne pousse.C'est au tour des humains non habitués à l'altitude de souffrir. El Alto, comme son nom l'indique, est une banlieue posée sur l'Altiplano, vaste plateau coincé dans les Andes et qui s'étend à 4500 mètres d'altitude. Ville informe, comme un Hamiz géant, où toutes les constructions ne sont pas achevées et en briques non recouvertes, elle annonce l'entrée de La Paz. Des mannequins faisant les morts sont accrochés aux poteaux, en signe d'avertissement aux voleurs et criminels, car il y a très peu de police en Bolivie.La Paz, construite sur un vieux site inca, Chuqiyapu, est accrochée dans une vallée de l'Altiplano et de fait, l'altitude descend un peu pour passer à 4000 mètres, faisant quand même d'elle la capitale la plus haute du monde. C'est ainsi que l'Argentine a perdu l'année dernière ici à La Paz par 6 buts à 1, Messi épuisé, marchant asphyxié sur le terrain. Depuis, la FIFA a changé les règles et aucun match officiel ne doit désormais se jouer à plus de 2000 mètres d'altitude.Seul remède contre le Soroché, mais interdit par la FIFA, la coca, qui contient 14 alcaloïdes naturels dont la Globuline et la Reserpine, régulateurs de la tension artérielle et de l'oxygénation dans le sang, qui aident à lutter contre le mal de l'altitude. Autre méthode, explique un médecin, le Viagra. En effet, il aide à diminuer la pression sanguine, entre autres effets secondaires. Mais c'est plus cher et il faut une ordonnance, contrairement à la coca qui est en vente libre, cédée à 1 dollar le sac au marché. Les Cocaleros des Youngas, collines basses voisines qui alimentent La Paz en fruits, légumes et, bien sûr, feuilles de coca, ne s'y sont pas trompés en s'alliant à Moralès, monté à l'assaut de la Présidence.Pour son élection, l'Aymara a dépénalisé la culture de la coca en invoquant justement l'argument culturel et économique, suivant l'exemple de l'ex-président, encore lui, Jaime Paz Zamora (voir l'épisode 2, Tarija et la fin du Golpismo) qui avait déjà à l'époque résisté à la pression américaine avec un slogan : «La coca n'est pas la cocaïne».Et ici, à El Alto, tous les dimanches, dans la salle Polyfonctionar (polyvalente) de La Seca, les catcheuses s'affrontent dans des combats de Lucio libre, lutte libre, pour le plus grand plaisir des spectateurs emplis d'euphorisants. Fortes mais coquettes, les catcheuses sont Aymaras, comme Moralès, dont le nom complet est Evo Ayma Moralès et qui a même mis en place un ministère de la Coca.FeminicidosLa Paz. Ville étrange tout en couleurs, au c?ur des luttes mondiales même si cela prend d'étranges tournures, comme ces vieux bus Dodge américains, les seuls à pouvoir gravir en boucle les incroyables dénivelés de la capitale, repeints aux couleurs andines et dont quelques-uns arborent deux grands autocollants mis côte à côte, le Che et Ben Laden. Pour descendre d'El Alto à La Paz, deux voies, l'Autopista, la route qui plonge dans la capitale et son effrayante circulation, ou le téléférico, téléphérique le plus haut du monde et tout aussi effrayant. La Paz est l'inverse d'Alger, plus on descend, plus on est dans les quartiers chics, Cotacota ou San Miguel, à 3500 mètres, plus on monte, plus ça se déglingue, jusqu'à El Alto, 4500 m. Mais même dans les quartiers bas, le moindre effort est pénible, d'autant qu'il n'y a pas une seule rue plane et ce n'est pas au musée de la coca, installé près de l'église San Fransisco, que l'on peut trouver de l'aide.Si une Cholas, qui désigne ici ces Andines (pluriel Cholitas) caractéristiques au chapeau, jupe et sac kabyloïde sur le dos, propose des plantes aux touristes asphyxiés.Aymaras ou Quechuas, autre groupe ethnique amérindien, ce sont les femmes des Andes, concentrées du côté de La Paz où la majorité des Boliviens vivent. Robustes, elles travaillent partout, dans les chantiers, batiments, routes, et si l'on connaît bien les libertadores du continent, les libérateurs, comme Tupac, Bolivar, O'Higgins ou Che Guevara, on connaît moins les libératrices d'Amérique du Sud, Bartolina Sissa, véritable héroïne aymara de Bolivie qui prit la tête d'une armée de 40 000 Indiens pour attaquer le colonisateur espagnol à La Paz à partir d'El Alto en 1871, Gregoria Apasa, autre résistante de La Paz, ou encore Domitila Chungara et Micaela Bastidas.Jusqu'à un passé récent, la nationalité bolivienne s'octroyait par la mère uniquement, mais Moralès a changé la loi et le père est également devenu passeur de nationalité. Nadia, jeune femme de mère bolivienne et de père algérien qui s'est installée dans le pays il y a 30 ans «à l'époque où il n'y avait même pas de routes», est à cheval sur les deux cultures, matriarcale et patriarcale, mais est plus nuancée : «Les catcheuses d'El Alto, c'est une attraction pour les touristes, en réalité les femmes sont aussi ici victimes du machisme». En effet, plus de 250 feminicidos (meurtres de femmes) ont été recensés depuis septembre.Mais les femmes activent et se défendent sur tous les axes comme dans une lucio libre et ont fait du 25 novembre la Journée nationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Rencontrée au vice-ministère de la Décolonisation, où elle est chef du département «dépatriarcalisation», l'Aymara Elisa Vega Sillo va même plus loin, tout en repoussant le féminisme : «Le patriarcalisme est un effet du colonialisme, avec comme conséquence l'éclatement de la cellule familiale et la violence contre les femmes.» C'est dit. D'ailleurs, la première femme présidente au monde n'est pas l'Islandaise Vigdís Finnbogadóttir, élue en 1980, c'est en réalité la Bolivienne Lidia Gueiler Tejada, figure du nationalisme et élue présidente par le Congrès en 1979. Elle a été renversée l'année suivante par un coup d'Etat. Oui, un général. Lutte libre.1). http://www.courrierinternational.com/article/2014/11/11/le-voyage-vers-l-enfer-des-etudiants-disparus




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