Questionconcubine au spectacle franco-français de notre fin de semaine, avec un Sarkozyrépondant aux siens sur des questions qui les concernent tous les deux mais passeulement: pourquoi nos présidents à nos, et surtout le dernier, n'aiment pasparler à la presse algérienne ? Parce que cette presse est algérienne. Explications:c'est la presse d'une opinion qui est soit «malsaine» selon le point de vue del'Etat qui ne lui pardonne pas son caractère de SPA privée, soit locale, c'est-à-direcelle d'un peuple qui importe peu sauf sous la forme d'une foule qui fait du bruit.Parler à la presse algérienne dite indépendante, c'est lui donner unelégitimité d'interlocuteur et donc accréditer la naissance d'une opinionpublique qui ose poser des questions et donc reconnaître son statut de mandatéalors que l'Etat post-62 atoujours expliqué qui est géniteur de l'Algérie et pas son fonctionnaire enchef.Reconnaîtrela presse de ce peuple ou des cercles qui en nourrissent les idées et leséditos, c'est reconnaître ces cercles comme influents et l'indépendance de cepeuple vis-à-vis de l'Etat. L'explication est bonne mais ne suffit pas. Lesaînés du métier parlent souvent du syndrome «laissez passer Paul Balta». C'est-à-direle journaliste étranger, celui qui perpétue la confrontation psychanalyste avecle colon manquant, le journaliste que l'on doit séduire par ses actes d'armesou sa culture et celui qui se retrouve accrédité avec le sourire parce qu'ilest descendant du colon, mais avec plus de politesse et de respect pour lesvainqueurs de la décolonisation. Du coup, presse privée ou publique, lesjournaux algériens sont utilisés soit pour n'importe quoi, soit pour la rumeur,mais jamais traités comme vis-à-vis ou, au moins, comme concitoyens. Jamaisd'interviews, ni d'explications, ni d'invitations à la Présidence pour répondreà des questions même convenues.UnBalta de l'époque d'aujourd'hui sert de voie pour exprimer des idées versl'opinion, la seule, qui importe: celle de l'Occident en général et des payspuissants et étrangers généralement. On n'autorise pas la presse publique àrespirer autrement que par la bouche de l'Etat et on ne pardonne pas à lapresse privée d'avoir gagné une émancipation ou d'avoir servi des alternatives,ou de jouer le jeu favori de l'Etat: parler des idéaux en mordant sur lesbordures de la rente. «Je les connais tous», dit l'Etat des éditeurs dejournaux. «On sait qui commande», disent les journauxau président du moment. Où se trouvent les Algériens ? Entre les deux, forcésd'être soit lecteurs, soit électeurs. Jamais participants. Quand un présidentdu moment veut s'adresser à la presse, il est stoppé par l'idée de s'adresser àceux qui la font et la défont. Quand les journaux veulent interroger unprésident, ils peuvent toujours attendre ou reprendre ce qu'un président dit dece qui concerne l'Algérie à des journaux ou des médias qui ne sont pasalgériens. Dans les pays de l'Occident, le pays est composé de sa terre, del'Etat, de l'opinion et du peuple. En Algérie, il se compose de la terre, del'histoire, de l'Etat et de sa foule de service.Lesjournaux s'y retrouvent à choisir entre le rôle de l'agitateur facilementaccusé d'être antinationaliste (l'Etat étant privatisé par les personnes selon Med Harbi et donc toute critiquede la personne devient critique de l'Etat) ou le rôle du tambour avec desinstruments depuis longtemps disparus de l'acoustique universelle. C'estpourquoi le président du moment préfère parler de vous à d'autres, que parlerdes autres à vous. Vous n'existez pas encore et cela explique tout le reste quinous est resté après le départ de la France. Si vous voulez voir un président de larépublique se faire interroger par les journalistes de son pays, achetez undémodulateur ou faite la Révolution. Celle des oeillets par exemple dont c'était hierl'anniversaire au Portugal.
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Posté Le : 26/04/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com